2016-06-21 18:52:00

L’originalité du christianisme en Arménie


(RV) Comme cela a été précisé avec insistance, le premier sens de la visite du Pape François en Arménie, «premier pays chrétien du monde», du 24 au 26 juin, est de renforcer les liens œcuméniques entre l’Église catholique romaine et l’Église apostolique arménienne, une institution à laquelle se rattachent environ 10 millions de chrétiens dans le monde, soit plus du triple de la population de l’Arménie proprement dite.

Cette Église n’est pas concernée par le Concile panorthodoxe en cours actuellement en Crète, car elle n’a pas participé au Concile de Chalcédoine en 451. Son origine remonte aux temps apostoliques : selon la tradition, la première évangélisation remonterait aux apôtres Thaddée et Barthélemy, et la conversion du royaume remonte au baptême du roi Tiridate IV par saint Grégoire l’Illuminateur en 301. Par la suite, sa doctrine s’est stabilisée autour du miaphysisme : la nature unique du Christ, humaine et divine, selon l’expression de Cyrille d’Alexandrie : «Une est la nature incarnée de Dieu le Verbe». Elle se différencie des Églises orthodoxes dites «des sept Conciles», ou de la «Communion orthodoxe», actuellement réunies en Concile en Crète.

L’Église apostolique arménienne a beaucoup souffert des persécutions successives, menées par la Russie tsariste, la Turquie ottomane, et le communisme soviétique qui a mené à sa quasi-éradication dans les années 1930 en Arménie même, mais la diaspora a contribué à sa survie. Un réveil religieux s’est fait jour dès le dégel qui a suivi la mort de Staline, puis grâce à la Perestroïka menée par le leader soviétique Mikhail Gorbatchev dans les années 1980, et, a fortiori, après l’indépendance de l’Arménie en 1991. La Constitution arménienne garantit la liberté religieuse et la séparation de l’Église et de l’État, mais l’appartenance au christianisme est un élément presque consubstantiel à l’arménité, selon de nombreux observateurs.

Organisation hiérarchique

L’Église apostolique arménienne compte deux catholicossats autonomes :

-le catholicossat de tous les Arméniens, dont le «Saint-Siège» se trouve à Etchmiadzin, près de Erevan, sur une superficie supérieure à la Cité du Vatican. C’est dans ce Palais apostolique que sera hébergé le Pape François durant son séjour, une démarche exceptionnelle puisque habituellement, lors de ses déplacements, le Pape est hébergé à la nonciature apostolique, et donc, en terme de souveraineté, au Vatican. Le catholicos de tous les Arméniens est Karékine II depuis 1999.

-le catholicossat de la Grande Maison de Cilicie, basé à Antélias, près de Beyrouth, avec une juridiction sur la Syrie, le Liban et Chypre. Son titulaire est Aram 1er, qui avait participé à la messe du 12 avril 2015 au Vatican.

L’époque soviétique avait provoqué une prise de distance ecclésiale et doctrinale entre ces deux institutions, c’est-à-dire entre les Arméniens de l’intérieur et une partie de la diaspora, mais depuis la fin du communisme et l’indépendance de l’Arménie, ces deux catholicossats travaillent en bonne entente.

L’Église apostolique arménienne compte aussi deux patriarcats secondaires :

-celui de Jérusalem, qui a juridiction sur les Arméniens apostoliques d’Israël de Palestine et de Jordanie, soit environ 8000 personnes, avec notamment quatre chapelle au Saint-Sépulcre. Le titulaire actuel est Nourhan 1er.

-celui de Constantinople, qui a juridiction sur la Turquie et la Crète.  Son titulaire est Mesrob II. Lourdement malade en raison d’un Alzheimer précoce détecté en 2008, alors qu’il n’avait que 52 ans, il n’est plus en mesure d’assumer le gouvernement effectif de cette communauté qui compte une quarantaine d’églises en Turquie, essentiellement dans l’agglomération d’Istanbul, et subit un étroit contrôle du gouvernement turc.

L’Église apostolique arménienne garde un caractère national très fort, mais deux petites ethnies dispersées dans le Caucase, les Oudis et une partie des Tats, essentiellement présents en Russie et en Azerbaïdjan, se rattachent également à cette Église.

La place de la minorité catholique

L’Église arménienne catholique, elle, représente environ 600 000 fidèles dans le monde. Essentiellement présente dans la diaspora, elle ne compte que 12 prêtres en Arménie même, pour un nombre de fidèles inférieur à 8% de la population, présents notamment à Gyumri.

Unie à Rome depuis 1740, elle a gardé un rite spécifique, et fait partie des Églises orientales dotée d’un droit canon différent de l’Église latine, tout en étant pleinement catholiques. Son patriarche actuel, Grégoire Pierre XX Ghabroyan, a été élu en 2015 à l’âge de 81 ans. Il porte le titre exact de «Catholicos-Patriarche de Cilicie des Arméniens», avec résidence à Beyrouth. Il avait été l’évêque des Arméniens catholiques de France depuis 1977 à 2013.

Cette Église compte deux congrégations masculines, l’Institut du clergé patriarcal de Bzommar (Liban) et la congrégation des pères mékhitaristes, et une congrégation féminine, la congrégation des Sœurs arméniennes de l’Immaculée Conception. Ce sont ces sœurs, très actives dans le service des pauvres, qui accueilleront le Pape à Gumri le samedi midi.

(BH-CV)








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