Méditation pour la solennité du Saint Sacrement

Le Père jésuite Antoine Kerhuel nous introduit à la méditation avec les lectures de la solennité du Saint Sacrement

Le passage de l’Evangile de Luc proclamé en cette Solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ nous rappelle un épisode bien connu. Jésus se trouve dans un endroit désert. Il est entouré d’une foule qui attend de lui à la fois guérison et enseignement. Les disciples, qui sont des hommes à l’esprit pratique, repèrent sans difficulté qu’un problème très concret devient urgent : il faudra bien que cette foule mange et dorme … que faire ? car les uns et les autres se trouvent maintenant loin de chez eux. Comment les disciples pourraient-ils prendre soin de près de 5000 personnes alors qu’eux-mêmes n’ont pu mettre la main que sur cinq pains et deux poissons ? Jésus prend ces cinq pains et ces deux poissons, les bénit, les partage et demande à ses disciples de distribuer cette nourriture à la foule. Tous ont de quoi manger et les restes de ce repas remplissent douze paniers. A travers peu de choses, Jésus parvient ainsi à nourrir, abondamment, la foule nombreuse de ceux qui espèrent de lui guérison et enseignement. Et ce sont les disciples eux-mêmes qui, dans l’Evangile de Luc, distribuent ce repas et en ramassent les restes.

La fête du Corps et du Sang du Christ nous rappelle que notre foi, à nous qui désirons être disciples de Jésus, repose sur le don et le partage.

Lors du dernier repas que Jésus prend avec ses disciples (ce repas que nous appelons la Cène et où nous voyons l’institution de l’eucharistie), le don et le partage sont exprimés de manière radicale : l’apôtre Paul écrit aux Corinthiens que la nuit où il était livré, Jésus prit du pain, rendit grâce, le rompit et dit : « Ceci est mon corps donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi ». Il est difficile d’imaginer des paroles plus fortes et troublantes : Jésus se donne totalement.

Lors de la multiplication des pains (et des poissons), le don et le partage ne peuvent que susciter émerveillement et joie. Une foule importante est rassasiée … et l’angoisse que les disciples avaient pu ressentir pendant un moment se trouve apaisée.

Bien avant l’époque où vivait Jésus, le livre de la Genèse nous rapporte que, au temps d’Abraham, un certain Melkisédek, roi de Salem et prêtre du Dieu très-haut, avait apporté à Abraham une offrande de pain et de vin ;  la tradition chrétienne a reconnu dans cette offrande comme une annonce de l’eucharistie. Depuis près de deux mille ans, lors des rassemblements au cours desquels les communautés chrétiennes célèbrent l’eucharistie « en mémoire » de Jésus, le don et le partage s’expriment sous les espèces du pain et du vin – Corps et Sang du Christ.  Lorsque nous communions ou lorsque nous nous recueillons devant le Saint Sacrement, nous disons notre désir d’entrer  pleinement dans cette suite de Jésus qui se donne pour nous et pour la multitude.

Oui, notre foi chrétienne nous fait prendre conscience que le don et le partage sont au cœur de nos vies. C’est de Dieu que nous recevons la vie, jour après jour depuis notre naissance ;  ce don passe par des personnes précises (nos parents) et il est comme relayé par toutes les personnes que nous rencontrons au cours de nos existences, dans les bons jours comme dans les temps difficiles. Dans la Bible, Dieu – source de toute vie – ne cesse d’appeler l’humanité à partager la vie qu’il nous donne et à susciter la vie autour de nous (quel que soit notre âge, quelle que soit notre condition, quelles que soient  nos responsabilités). Notre vie n’est pas un dû, mais un don … et un don que, à la suite de Jésus, nous sommes invités  à ne pas conserver jalousement pour nous-mêmes. La Solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ nous conduit à renouveler notre existence. En célébrant cette fête, nous acceptons d’orienter nos vies, à la suite de Jésus, vers le don et le partage.