2016-04-18 16:12:00

Le président centrafricain reçu au Vatican


(RV) Entretien - Le Pape François a reçu ce lundi matin, 18 avril 2016, Faustin-Archange Touadéra, Président de la République Centrafricaine, qui s'est ensuite entretenu avec le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d'Etat,accompagné de Mgr Paul Richard Gallagher, Secrétaire pour les rapports avec les États. Le chaleureux accueil réservé au Pape lors de sa visite de novembre dernier à Bangui a été rappelé. Le président centrafricain avait d'ailleurs fait savoir qu'il avait tenu à réserver au Vatican la première visite officielle de son mandat, pour remercier le Saint-Père de sa contribution à l'apaisement du pays.

Convenant du climat constructif dans lequel se sont déroulés tant les récentes élections que le processus de renouvellement des institutions nationales, les parties ont reconnu le rôle important du dialogue inter-confessionnel. Puisse ceci contribuer au démarrage d'une période de paix et de prospérité pour le pays tout entier.

Ceci dit, les effets des derniers conflits pèsent encore sur la population. Il est donc important que la Communauté internationale renforce son soutien au développement de la Centrafrique. La poursuite des entretiens a permis de constater les bonnes relations entre la République Centrafricaine et le Saint-Siège, et d'envisager leur consolidation dans le cadre des instruments du droit international. On n'a pas non plus manqué de saluer la contribution que l'Église catholique et ses pasteurs offrent à la société, notamment dans les secteurs de l'éducation et de la santé, mais aussi dans la perspective de la réconciliation et de la reconstruction nationale. 

Le chef de l'État centrafricain s'est ensuite rendu dans les locaux de Radio Vatican, où il a répondu aux questions du père Jean-Pierre Bodjoko, SJ, responsable du Service Français-Afrique. Il revient notamment sur le processus de réconciliation en cours dans le pays, et sur le défi que représente le lien nécessaire entre réconciliation et justice, dans un contexte de restructuration de l'État et des forces de sécurité.

Transcription des principaux points de cette interview :

Père Bodjoko : Nous allons d’abord commencer par la visite chez le Pape: quel sens donnez vous à cette visite au Vatican,  qui est, je crois votre première visite en tant que chef d’État de Centrafrique ?

Président Touadéra : (…)  La visite du Pape en Centrafrique était un moment très important pour la vie de notre pays. Nous traversions un moment difficile, crucial pour la paix dans notre pays. L’insécurité était à un niveau assez haut et nos communautés vivaient vraiment dans un conflit qui était net, mais le Saint Père a tenu, dans ces conditions difficiles, à aller en Centrafrique, et c’était un moment très important, parce que sa visite est restée dans les cœurs des Centrafricains. Il a tenu vraiment des discours de paix et de réconciliation que le peuple a suivi. Il a posé des actes qui ont marqué l’esprit des Centrafricains et qui ont fait que, aujourd’hui, beaucoup de nos concitoyens ont écouté ce message et la paix, la sécurité, disons, commence à revenir, et l’un des aspects importants est que nous avons pu organiser les élections dans un climat apaisé.

Le Pape a posé des actes très importants : par exemple la Porte Jubilaire qui était pour la première fois en dehors du Vatican, et pour la première fois en Afrique. C’était très important pour nos populations. Le Pape a été à la mosquée et c’était un moment très important pour nos compatriotes musulmans, un moment inoubliable. Et ça a permit de décrisper la situation. Avant il y a avait des compatriotes qui ne sortaient pas. Ces jours-là, tout le monde est sorti (…)

[Ma visite] était un geste, un symbole pour venir remercier le Saint Père, pour son courage, pour ses mots pour la paix. (…) . Le Saint Père nous a accordé tout de suite cette audience et nous sommes très honorés (…). 

Est-ce que on peut aussi espérer que vous aviez évoqué avec le Saint Père des possibles accords ou un Concordat entre le Saint Siège et votre gouvernement ?

C’est justement cela, parce que nous sommes demandeurs pour la qualification de l’action de l’Église et son intervention au sein de nos populations. Nous pensons que c’est très important (…) que  ces accords puissent être établis entre nous et le Saint-Siège.

Vous venez d’être élu Président de votre pays, un pays où presque tout est à reconstruire après une longue crise. Comment voyez-vous, de manière générale, les défis qui vous attendent ?

L’attente de la population est grande. (…) La population attend beaucoup des dirigeants qui sont sortis de ces élections. La première priorité, c’est la paix et la réconciliation nationale. Nos premières actions vont aller vers la paix et la réconciliation qui s’articule autour du désarment, de la démobilisation, du réinsertion et du rapatriement des ex combattants (DDRR). (…)

Il y a deux défis majeurs la réconciliation et la pacification du pays.

Oui, comme je disais, la pacification passe à travers le désarmement. Ensuite il y a la réforme de la sécurité : nous devons aujourd’hui refonder notre armée nationale pour garantir la sécurité à l’intérieur et au niveau de nos frontières. Mais il y a également le dialogue, parce que ce conflit avait des aspects que nous ne connaissions pas avant, des conflits confessionnels que nous pensons artificiels. Donc il faut renouer le dialogue avec toutes nos communautés pour que le vivre ensemble soit une réalité en République centrafricaine.

Justement, dans votre projet de société comme candidat vous étiez conscients de la tâche difficile à accomplir dans votre pays quand vous estimiez que la crise politico-militaire a amené des crimes odieux. Comment concilier réconciliation et justice ?

La justice est le ciment de cette réconciliation. Il faudrait penser que la population doit considérer le pardon, donc c’est la clé, il faut se pardonner. Mais il faut aussi se pardonner sur la base de la justice :  il y a eu des victimes et donc la justice doit faire son travail. Nous, de notre côté, nous pensons vraiment que notre justice soit à la hauteur. Nous allons demander à notre justice d’être transparente. Il n’y aura pas une influence politique, ni des vengeances (…). Nous allons donc renforcer nos appareils judiciaires pour que la justice soit vraiment à la hauteur de cette mission. Parce que, autrement, nous allons retomber dans ces moments de violence, si les victimes ne trouvent pas satisfaction (…).

Comment pensez-vous résoudre le problème de la présence des groupes armés telle quel la LRA ougandaise ?

Aujourd’hui nous avons un dispositif avec les États-Unis, qui nous apportent leur soutien dans la lutte contre la LRA. Nous avons un dispositif avec l’Ouganda et tout les pays concernés par le fléau de la LRA. Donc nous allons renforcer ce dispositif. Il y a aussi l’Union Africaine qui participe avec nous dans cette lutte. (…)

Quelle sera l’attitude de votre gouvernement vers l’ex-rébellion Seleka et les groupes anti-Balaka ?

Nous allons dans le cadre du processus DDRR. Tous les groupes armés sont concernés. Nous allons d’ailleurs déjà commencé à rencontrer individuellement tous les responsables pour leur expliquer notre vision et comment nous entendons traiter cette question du désarmement, pour partager les informations, et je pense que aujourd’hui tout le monde est disposé à aller dans ce processus. C’est vrai que nous manquons de ressources - et nous faisons appel à notre partenaires pour qu'ils nous appuient -, mais les gens sont fatigués et veulent aller vers la paix, pourvu que nous les accompagnions avec les moyens nécessaires pour que ceux qui veulent regagner la vie puissent le faire dans des conditions plus décentes, et avec les moyens pour ne pas revenir à la situation (…).

Vous avez prôné la bonne gouvernance avec comme principe de base l’éthique dans un pays marqué par la corruption, le clanisme, le favoritisme, qui sont difficiles à éradiquer …

C’est vrai, mais nous n’avons pas de choix. (…) Aujourd’hui il faut mobiliser des ressources et cela passe par une bonne gestion et la lutte contre les pertes, et la corruption est l’une des causes,  donc il faut absolument lutter contre ce fléau. Il ya aussi d’autre aspects, comme la bonne gouvernance financière (…)

Quel message voulez vous lancer aux Centrafricains et même à la communauté internationale qui vous suit ?

L’extrême priorité demeure la paix et la réconciliation nationale, et cette paix ne peut se faire sans le désarmement et sans ce processus de DDRR, donc nous invitons tous nos compatriotes à saisir cette opportunité pour que nous puissions aller au désarmement. Désarmer nécessite des moyens et nous appelons donc la communauté internationale pour qu'elle nous appuie dans ce processus. Beaucoup a été fait, la communauté internationale a été à notre coté pendant les moment difficiles, et aujourd’hui les choses commencent à aller, mais il y a encore des défis et je pense que pour ne pas tomber dans la situation, il faut qu’on continue à nous soutenir. (…)

(CV, Transcription de l'interview par le Sedoc)

 








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