2016-04-16 18:53:00

Le Pape parle de sa visite à Lesbos : "un voyage trop fort pour moi"


(RV) Le Pape François s’est une nouvelle fois prêté au traditionnel jeu des questions-réponses avec les journalistes présents sur le vol le ramenant de Lesbos à Rome. « C’était un voyage trop court, trop fort », a-t-il confessé, visiblement ému, avant de rappeler le caractère éminemment humanitaire de cette visite « triste et émouvante ».

François, venu exprimer sa solidarité auprès des migrants, parler à l’Europe de dignité, compassion, de solidarité, d’accueil, s’est refusé à commenter l’accord controversé signé entre l’Union européenne et la Turquie le 18 mars dernier, -lequel prévoit, entre autres, l’expulsion des « migrants illégaux » de la Grèce vers la Turquie. « Je ne fais pas de spéculation politique, cet accord, je ne le connais pas, je l’ai vu dans les journaux », a-t-il soutenu.

Interrogé sur la confession des trois familles de réfugiés syriens accueillis au Vatican, le Pape a assuré ne pas avoir fait de « choix entre chrétiens et musulmans ». Les personnes choisies avaient tout simplement leurs papiers en règle, et pouvaient donc être accueillies, ce qui n’était pas le cas de deux autres familles chrétiennes, également candidates, mais dont les papiers n’étaient pas prêts. « Ce n’est pas un privilège, toutes ces personnes sont des enfants de Dieu (…). Elles sont accueillies au Vatican, avec la collaboration de la Communauté Sant’ Egidio » ; les autorités grecques et italiennes étaient, quant à elles, informées de la démarche. Ces trois familles viennent s’ajouter aux deux autres familles syriennes déjà accueillies au sein des deux paroisses vaticanes. Le Souverain pontife a expliqué que l'idée de ce « geste humanitaire » lui avait été soufflée par un collaborateur, il y a une semaine: « J'ai dit oui tout de suite. J'ai compris que cela venait de l'Esprit Saint ».

LEurope doit retrouver sa capacité d'intégration

Le Pape s’est ensuite longuement arrêté sur l’importance de l’intégration, « une parole qui semble avoir été oubliée dans notre culture actuelle », a-t-il regretté, évoquant l’existence persistante de « ghettos ». « Certains terroristes sont fils et petits-fils du pays (qu'ils ont frappé, ndlr), de l'Europe. Que s’est-il passé ? Il n'y a pas eu de politique d'intégration (…). L'Europe doit retrouver cette capacité d'intégration qu'elle a toujours eue (…). Je crois que nous avons besoin d’un enseignement et d’une éducation à l’intégration », a plaidé le Pape argentin, lui-même petit-fils de migrants italiens.

A la question de savoir si le renforcement des frontières de l’Europe signait la fin du rêve européen, le Pape a avoué « comprendre les gouvernements et les peuples qui éprouvent une certaine peur », et de rappeler l’importance d’avoir « une grande responsabilité dans l'accueil ». « J’ai toujours dit que construire des murs n’était pas la solution. Nous devons établir des ponts, mais les ponts se construisent avec intelligence, avec le dialogue et l’intégration ». Pour le Pape, la fermeture des frontières ne résout rien, et peut, à terme, porter préjudice à son propre peuple. Aussi, l’Europe doit-elle, sans plus tarder, s’atteler à la mise en œuvre de « politiques d’accueil, d’intégration, de travail, de croissance, de réformes économiques. Toutes ces choses seront les ponts qui nous porteront à ne pas ériger de murs ».

Quelle valeur pour ce voyage-éclair?

Montrant des dessins faits par des enfants du camp de Moria à son intention,-dessins mêlant angoisse et espoir-, le Pape a affirmé : « Les enfants veulent la paix, parce qu’ils souffrent (…) Sur ce dessin, il y a un soleil qui pleure : le soleil aussi est capable de pleurer… Pleurer nous ferait aussi du bien ».

« Mais l’Europe peut-elle accueillir toute la misère du monde ? » lui demande alors une journaliste. « Il est vrai que certains fuient la guerre, que d’autres fuient la faim », victimes de l’exploitation de la terre, et de la vente d’armes. « Je conseillerais à ces trafiquants de venir passer une journée dans ce camp (de Moria). Je pense que ce serait salutaire pour eux ».

Interrogé sur la valeur de ce voyage-éclair, François a répondu par une citation de Mère Teresa de Calcutta : « tant d’efforts, tant de travail, seulement pour aider les gens à mourir ? C’est une goutte d’eau dans la mer. Mais après cette goutte, la mer ne sera plus jamais la même ». Il s’agit certes d’un petit geste, mais ce sont de tels gestes que tous doivent faire pour tendre la main à ces personnes, a encore soutenu François.

Amoris Laetitia : la question des divorcés-remariés n'est pas la plus importante

Les dernières questions ont eu trait à l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, publiée le vendredi 8 avril dernier. Peut-on parler d’un changement de discipline pour les divorcés-remariés ? « Je peux dire que oui, a répondu le Pape, mais ce serait une réponse trop courte : je vous conseille de lire la présentation faite par le Cardinal Schönborn, c’est un grand théologien, et dans cette présentation vous trouverez la réponse à votre question ». Mais le Pape ne s’est pas fait faute de déplorer cette trop grande attention des médias pour la question des divorcés-remariés. « Cela m’attriste. Car le média qui pense que cette question est la plus importante ne se rend pas compte que ce n’est justement pas le problème le plus important, il ne se rend pas compte que la famille est partout en crise, qu’elle est la base de la société, il ne se rend pas compte que les jeunes ne veulent plus se marier, il ne se rend pas compte que le taux de natalité en Europe est à pleurer, il ne se rend pas compte du manque de travail, qui oblige les pères et les mères à avoir deux activités professionnelles, et que les enfants grandissent seuls, et n’apprennent plus à grandir avec leurs parents ».

Bernie Sanders

François a enfin admis avoir rencontré et salué Bernie Sanders, en quittant la Maison Ste Marthe ce samedi matin. Le sénateur américain, candidat aux primaires démocrates, avait été invité la veille à participer au symposium international sur le 25e anniversaire de l’encyclique de St Jean-Paul II, Centesimus Annus, au Vatican. « Il savait que j’allais sortir à cette heure, et a eu la gentillesse de me saluer ». Et le Pape de préciser qu’il ne s’agissait que d’une question d’éducation, en aucun cas d’un quelconque geste politique. « Si quelqu’un pense que saluer équivaut à se mêler de politique, je conseillerais à cette personne de se trouver un psychiatre ! », a affirmé, non sans humour, le Pape.

(MA)








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