2015-12-23 18:39:00

L'encyclique Laudato Si', temps fort de l'année 2015


(RV) Entretien - 2015, année écologique? Ces derniers mois auront été marqués par plusieurs évènements concernant la sauvegarde de la planète. Elle s’est achevée avec la conférence mondiale sur le climat à Paris, la COP21 où 195 États se sont engagés à limiter la hausse du réchauffement climatique à moins de 2 degrés d’ici à 2100. Une conférence qui ouvre des promesses même si tout reste encore à faire.

L’année aura aussi marquée par la publication le 18 juin de l’encyclique du Pape François Laudato Si’ sur la sauvegarde de la maison commune. Un texte qui a eu un rayonnement mondial. Nombreux, à commencer par les catholiques ont pu découvrir ce que l’Eglise disait de la sauvegarde de la création, en développant en particulier la notion d’écologie intégrale.

Pour dresser ce bilan, Olivier Bonnel a interrogé Fabien Revol, docteur en théologie et titulaire de la chaire Jean Bastaire au sein de l’université catholique de Lyon. Il a publié Le Temps de la Création (Cerf).


 

«Les chefs d’État comme François Hollande ou Barack Obama ont souligné la grande qualité de l’encyclique Laudato Si’. Notre ministre de l’environnement aussi. Le Parti écologiste en France a dit : «enfin un Pape qui répand nos idées», ce qui nous donne un coup de publicité. Il est intéressant de voir que certains courants se réapproprient les propos du Pape. Naomi Klein, par exemple, grande conférencière et réputée sur le plan de la protection de la planète, a encouragé les gens à lire l’encyclique. Elle a d’ailleurs été invitée par l’Église pour parler de l’encyclique Laudato Si’ qui a eu beaucoup de retentissements dans le monde chrétien. Autre exemple, des paroisses ont acheté en grande quantité l’encyclique Laudato Si’ et ils les ont distribué dans les marchés bio, dans des congrès sur l’énergie renouvelable pour rentrer en dialogue avec les gens et nous avons eu un assez bon retour.

Quelle nouveauté avez-vous décelé dans ce texte ?

La nouveauté concerne le concept d’écologie intégrale, dans la continuité et la rupture de ses prédécesseurs Benoît XVI et Jean-Paul II qui parlaient alors d’écologie humaine, un concept qui doit être aujourd’hui intégré dans ce vaste édifice de l’écologie intégrale. Le Pape François est aussi attentif à la recherche en théologie de l’écologie. Son interprétation concernant par exemple la biodiversité comme lieu de la créativité de Dieu ou le fait d’être relié entre les créatures comme une signature de l’acte créateur sont des thématiques nouvelles. Des auteurs contemporains sont aussi dans cette veine et développent cette théologie.

Comment expliquez-vous Laudato Sì dans vos conférences ?

Je resitue toujours dans le contexte la signification du concept d’écologie. De nombreux catholiques ont été surpris du fait que l’on parle d’écologie en tant que chrétiens, parce que pour beaucoup d’entre eux l’écologie est avant tout un parti politique auquel beaucoup de chrétiens ne veulent pas s’identifier. Mais le Pape s’intéresse à l’écologie, alors ça interpelle. J’essaie d’expliquer quelles sont les grandes intuitions fondatrices du Pape et d’appuyer le fait qu’il a été confronté à la pauvreté et à la précarité des pauvres dans les bidonvilles en particulier. J’amène à comprendre que si l’on ne prend pas soin de l’environnement naturel des gens pauvres, nous n’arriverons pas à les faire sortir de leur pauvreté. Et réciproquement, les mêmes processus qui fabriquent la pauvreté sont ceux qui alimentent la crise écologique. Donc cette idée de crise écologique est liée à un fondement de notre humanité qu’il faut absolument convertir.

Justement, à mon sens, le thème central ou la structure de l’encyclique c’est la conversion. Le plan de l’encyclique, en effet, suit le processus de la conversion d’après le sacrement de réconciliation: au chapitre 1, faire un état des lieux de sa propre vie, au chapitre 2, accueillir la grâce qui éclaire la vie et la conscience, au chapitre 3, confesser ses péchés et reconnaitre ses responsabilités dans la crise écologique, au chapitre 4, suivre le chemin de conversion offert par l’écologie intégrale, au chapitre 5, faire pénitence et prendre les mesures pour se corriger, au chapitre 6, avoir une éducation, une vie spirituelle, pour maintenir l’état de grâce en éveil. Je montre comment le thème de la conversion est un élément central. Pour le Pape, ce qui est vraiment important c’est de faire comprendre aux chrétiens que la sauvegarde de la création est un comportement qui doit découler du mouvement même de la foi et donc d’une véritable conversion au Christ qui amène à la sauvegarde de la création.

Un des événements importants concernant l’écologie vient de s’achever à Paris: la COP 21. Le Pape en a beaucoup parlé, il a prié pour la réussite de cette conférence, il en parlera aussi dans son message pour la journée mondiale de la Paix, le 1er janvier prochain. Est-ce que nous pouvons dire que cette année 2015 aura été un tournant dans l’Église pour ces prises de position  à l’égard de l’écologie ?

C’est une année charnière, c’est l’année où nous avons pour  la première fois un encyclique qui parle d’écologie. Les enjeux de la COP 21 arrivent à un moment où nous sommes désormais à un point de non-retour. Pour ces motifs, il s’agit d’une année charnière. Les thématiques qui sont présentes dans l’encyclique sont rendues visibles et officielles dans le magistère mais les idées que le Pape développe étaient déjà présentes chez ses prédécesseurs, de manière plus confidentielle.

Vous avez le sentiment que le discours de l’Église est plus recherché sur ce thème justement ?

Les discours de l’Église sur l’écologie sont plus recherchés par la force des choses, c’est-à-dire que depuis les années 70, la théologie de l’écologie a émergé en Amérique du Nord et s’est diffusée progressivement. Le Pape Paul VI en parlait déjà, puis le thème s’est développé avec Jean-Paul II pour se construire de manière plus concrète avec Benoit XVI. Je pense que l’Église a toujours accompagné les mouvements de la société. Elle élabore également son discours progressivement. Le discours sur l’écologie sera beaucoup plus élaboré dans 10 ans qu’il ne l’est aujourd’hui.

(CC-CV-OB)








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