2015-12-16 19:06:00

Irak : Mgr Sako veut une séparation des religions et de l'État


(RV) Entretien - En Irak, le 24 décembre prochain, toutes les institutions publiques de Kirkouk, y compris les écoles, observeront une journée de repos. Les autorités de la ville kurde, majoritairement musulmane, ont déclaré la journée fériée, en solidarité avec les chrétiens dont beaucoup se sont réfugiés au Kurdistan, fuyant les méfaits de l’État islamique à Mossoul, à seulement 180 km de là, et plus largement dans la plaine de Ninive.

Mais si des gestes de fraternité et d'amitié émergent dans certains lieux, des pressions inattendues émergent ailleurs. Dimanche, les chrétiens de Bagdad, ont découvert avec surprise des affiches apposées par les milices chiites sur des maisons et des églises dans plusieurs quartiers majoritairement chrétiens de la capitale : des affiches à l’effigie de la Vierge et comportant des instructions exigeant des chrétiennes qu’elles portent le voile, comme Marie.

Le patriarche de Babylone des Chaldéens appelle l’Église à dénoncer cette nouvelle mesure attentatoire aux libertés, alors que récemment, un projet de loi a été adopté conduisant à faire reconnaître comme musulmans les enfants dont l’un des parents se convertit à l’islam.

Sa Béatitude Louis Sako, s’exprimait depuis Rome où il assistait à une conférence à l’Université pontificale urbanienne sur les persécutions contre les chrétiens au Moyen-Orient.

Comment peuvent réagir les communautés chrétiennes face à la persécution en Irak, où le nombre de chrétiens est passé de 1,5 millions en 2003 à moins de 500 000 aujourd’hui ? C’est la question que Sarah Bakaloglou a posé au Patriarche chaldéen.

«Pour nous en Irak, la seule réponse que nous avons c’est notre foi et notre espérance, parce que nous sommes isolés, nous sommes une petite minorité. Nous n’avons pas d’armes, pas de milices. Donc c’est notre foi qui nous donne cette grande force pour aller jusqu’à l’amour du Christ. Notre identité, c’est aussi notre terre, nous sommes irakiens, nous sommes chrétiens et c’est notre pays. Nous étions là avant l’arrivée de l’Islam. Donc nous devons rester pour que les intégralistes musulmans changent leur mentalité et leurs comportements. Nous sommes avant tout des citoyens et nous essayons de changer la constitution qui doit être une constitution pour tous les Irakiens. À mon avis, la solution serait la séparation de la religion et de l’État, c’est la seule chance de vivre sous la protection d’un État qui pratique l’égalité entre tous les citoyens: pour le principe, les autorités religieuses aideraient les gens à être de bons fidèles et l’État exigerait aux gens d'être de bons citoyens. La religion c’est quelque chose de personnel. 

Et comment justement pouvez-vous convaincre les musulmans de changer cela ?

Il faut parler et aller voir les responsables. J’ai vu les responsables du gouvernement et de la religion : les chiites et les sunnites. Il faut du temps. Il faut l’appui de la communauté internationale et de l’Église. L’Église au plan de la charité a fait beaucoup mais au plan de la politique, c’est encore timide.

Pouvez-vous nous raconter le quotidien des chrétiens en Irak aujourd’hui ?

Pour tous les Irakiens, musulmans et chrétiens, c’est une situation dramatique. L’ISIS et d’autres extrémistes vont continuer à mettre la pression. La mentalité commune en Irak considère les chrétiens et les juifs comme des infidèles, etc. Ils veulent nous convertir à l’Islam ou bien nous éliminer, disons. Il faut donc changer cette mentalité. Il faudrait dans l’Islam une nouvelle lecture qui va avec la mentalité d'aujourd'hui. On ne peut pas vivre la même chose qu’au VIIe siècle. Le christianisme a fait beaucoup : le message évangélique reste, mais les détails (la vie, la sensibilité, la culture des gens) sont différents. Nous l’avons adapté à la situation des gens. Et les musulmans doivent en faire autant.

(CC-CV-MD)

 

 








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