« Avertissement » des Farc à la Colombie

(RV) Entretien – Le processus de paix menacé en Colombie. L’attaque d’un convoi de l’armée par la guérilla des Farc a fait 11 morts et une vingtaine de blessés mardi soir. En réponse, le président Juan Manuel Santos a décidé mercredi de reprendre les bombardements aériens contre les Farc, suspendus depuis plus d'un mois pour favoriser les négociations de paix. 

La guérilla colombienne des Farc a déploré jeudi la reprise des bombardements de l'armée annoncée par Bogota et assuré n'avoir fait que se défendre lors d'un accrochage mardi dans l'ouest du pays.

« La reprise des bombardements n'est pas la solution. S'il vous plaît, depuis qu'a commencé la guerre en Colombie, vous avez bombardé et cela n'a servi qu'à augmenter (le nombre de) morts », a déclaré Pablo Catatumbo, un des délégués des Farc aux pourparlers de paix qui se tiennent depuis fin 2012 à La Havane, à Cuba.

Daniel Pécaut, directeur d’étude à l’École des hautes études en sciences sociales, spécialiste de la Colombie, interrogé par Antonino Galofaro, voit dans cette attaque un « avertissement » des Farc.

 

C’est une sorte d’avertissement des Farcs pour dire au gouvernement « Vous croyez que les négociations vont de soi et que d’ici quelques mois, elles peuvent avoir un débouché positif. Ne croyez pas ça, tout est encore en suspens ». Le gouvernement fait le forcing pour que les négociations aboutissent dans les mois qui viennent. Les négociations sont avancées, la seule chose, c’est que les Farcs ont dit récemment que même les points sur lesquels il y avait eu un accord au cours des 18 mois passés, sont des points qui demandent encore des précisions et qu’il faudra y revenir le jour venu. On peut penser que les Farcs ont envie de faire durer les négociations et ne sont pas prêtes à conclure alors même que la question fondamentale, celle de l’impunité pour leurs dirigeants, est loin d’être tranchée.

 

Ce n’est pas la première fois qu’on observe des violences alors que les négociations sont en cours ?

 

Tout le monde est d’accord pour dire que les Farcs avaient grosso modo respecté le cessez-le-feu unilatéral qu’elles avaient proclamé, c’est-à-dire que le nombre d’actions militaires qu’elles avaient faites n’étaient pas négligeables. Elles continuaient à commettre des extorsions, etc mais malgré tout, les dimensions de leurs actions militaires avaient beaucoup baissées. Là, c’est la première fois que les Farcs infligent une affaire pareille au cessez-le-feu unilatérale. Donc, c’est une affaire très grave. À plusieurs reprises dans le passé, il y a une rupture des négociations avec les guérillas suite à des embuscades. Comme il s’agissait d’un cessez-le-feu unilatéral, le gouvernement avait certes déclaré qu’il ne procéderait plus à des bombardements contre les campements de Farcs. En revanche, il y avait des opérations terrestres qui avaient infligé un nombre de pertes non négligeable parmi les Farcs.

 

Les pourparlers sont donc compromis ? 

 

Le problème, c’est que ces négociations se heurtent à des difficultés majeures en dehors du problème de terrain. Premièrement, le problème des types de punition qui seront infligés aux membres des Farcs responsables de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, ce n’est pas du tout résolu et les Farcs n’ont cessé de répéter qu’elles n’entendraient pas effectuer un seul jour de prison. Deuxièmement, au cours des derniers mois, les Farcs n’ont jamais voulu accepter de reconnaitre encore leur responsabilité dans un certain nombre d’actions terribles sauf dans deux cas. Or, l’opinion publique espère, attend que les Farcs veulent bien reconnaitre leur responsabilité dans un certain nombre de crimes de guerre ou plus grave encore. Et donc, nous sommes dans une phase difficile des négociations, sans oublier que l’autre guérilla, l’ELN avec qui des pouparlers se créent, piétinent depuis un an et il est beaucoup plus difficile d’arriver à un accord avec les Farcs alors qu’une autre guérilla maintient ses actions militaires.