2015-03-25 11:54:00

L'immigration, le plus grand défi humain pour l'Europe


(RV) Le cardinal Francesco Montenegro, archevêque d'Agrigente en Sicile, s'est exprimé devant le Conseil de l'Europe à Strasbourg, dans le cadre d'un congrès sur "Les réponses locales aux défis des droits humains. La migration, la discrimination, l'inclusion sociale". Le cardinal Montenegro est le président de la commission épiscopale en charge des migrants au sein de la conférence épiscopale italienne, un sujet très important en Italie, qui a accueilli 170 000 nouveaux migrants pour la seule année 2014.

Voici l'essentiel de son intervention :

 

« Dans le monde, environ 230 millions de personnes se déplacent, ce qui équivaut à un autre continent. Nombreux sont ceux qui sont contraints de fuir de leur pays. L’exode de ces populations n’est pas "le mal" mais "le symptôme d’un mal" : celui d’un monde d'injustices, caractérisé dans une large mesure par les conflits et des situations d’extrême pauvreté. En outre, l’échange de capitaux financiers, de marchandises, de services, de technologies sont le fruit d’une globalisation qui amplifie le phénomène des migrations.

Les normes légales sont insuffisantes pour faire face à ce phénomène et souvent, les entités locales ou régionales en subissent les retombées négatives car elles sont désorientées dans la gestion d’une réalité si complexe qui implique des femmes et des hommes mais également des mineurs non accompagnés et des personnes qui se trouvent dans un état de vulnérabilité et de façon croissante, également des réfugiés, des victimes de guerres, de violences, de violations des droits de l’homme, de traite des êtres humains et de trafics illicites. 

L’Italie, comme les États-Unis d’Amérique, a été ces dernières années, le pays qui a connu la plus haute pression migratoire et cela a des conséquences sur la vie sociale, économique et culturelle de la nation, en particulier dans les domaines du travail, de la famille et de l’école. Ce sont des éléments parmi d’autres qui changent les villes, les nations, l’Europe.

Nos pays voient avec préoccupation ces afflux qui s’entremêlent à d’autres défis, comme, par exemple, le fait que de nouvelles politiques économiques sur le continent africain et d’éventuels nouveaux équilibres en Méditerranée pourraient déstabiliser des équilibres économiques, politiques et sociaux consolidés sur le Vieux Continent.

Lampedusa constitue un vieux et en même temps nouveau modèle de cohabitation et de possible respect. En 2011, l’Italie avait un plan d’asile axé sur de grandes structures d’accueil et sur un plan national pour l’intégration qui prévoyait 3000 places, en réalité insuffisantes pour garantir un accueil digne face à ce flux migratoire toujours croissant. Les volontaires laïcs et religieux ont suppléé les autorités dans cet accueil. A cette époque, on invoquait déjà un plan européen et une modification des accords de Dublin pour favoriser une plus grande et libre circulation des demandeurs d’asile et des réfugiés qui ont de la famille et des communautés de référence dans les divers États. La situation a explosé en 2014 lorsque sur les côtes et dans les ports du sud de l’Italie sont arrivées 170.081 personnes, c’est-à-dire trois fois le nombre de personnes arrivées au cours des années 2012-2013.

Après le décès de 366 personnes le 3 octobre 2013, l’Italie a débuté son opération Mare Nostrum qui, à la différence de l’actuelle opération Frontex, ne contrôlait pas seulement les frontières mais surveillait la Méditerranée jusqu’à quelques kilomètres des côtes libyennes et sauvait les migrants. L’opération a permis de sauver des milliers de migrants et en même temps, a permis de capturer plus de 700 trafiquants. L’Europe est actuellement en train de revoir sa politique migratoire et on l’espère que cela puisse porter à une gestion des frontières de la Méditerranée plus respectueuse des droits de l’homme pour ceux qui la traversent.

Le Saint-Siège souhaite que les États membres européens puissent partager des mesures efficaces communes pour affronter des questions importantes comme l’assistance aux demandeurs d’asile, la création de canaux humanitaires pour faciliter les procédures bureaucratiques et réduire les centres de détention, la protection des mineurs non accompagnés, le regroupement familial et le combat de la migration irrégulière pour vaincre la bataille contre la contrebande et le trafic d’êtres humains que le Saint-Père a défini comme « une plaie honteuse de notre temps ». Le Saint-Siège souhaite également que l’Union européenne devienne un modèle pour les autres parties du monde vu sa grande expérience humanitaire du continent européen et ses racines du respect de la dignité de chaque personne.

En outre, la précarité et l’irrégularité du travail exigent d’affronter le thème de la rencontre entre la demande et l’offre de travail dans un cadre de réglementation des flux. Cela requiert un changement législatif mais surtout, la conscience qu’il ne peut exister des situations reconnues d’illégalité et d’exploitation du travail qui ne reconnaissent pas la nationalité ou qui ne permettent pas la protection, qui alimentent les mafias, la corruption et l’exploitation au détriment du pays d’accueil, en plus de ces mêmes immigrés.

La dignité de la personne humaine et la sacralité de la vie requièrent une réflexion critique qui implique toutes les composantes des communautés les plus proches des migrants, les pays d’origine, de transit et de destination des flux migratoires. En outre, il faut encourager la multiplicité des responsabilités des institutions internationales, des autorités nationales et locales, la société civile, des associations et des individus qui sont appelés à travailler en synergie afin d’éviter que la migration ne devienne le seul choix possible. Les migrations constituent aujourd’hui, pour l’Europe, le plus grand défi humain.»








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