2015-03-25 15:37:00

Les violences de Boko Haram se poursuivent au Nigéria


(RV) Entretien - Malgré des déclarations officielles qui se veulent rassurantes, le Nigéria reste marqué par les violences menées par les extrémistes islamistes de Boko Haram, à l'approche des élections présidentielles et législatives de ce samedi 28 mars.

La ville de Damasak, dans l'État de Borno, a été le théâtre d'un nouvel enlèvement de masse. Au moins 400 femmes et enfants ont été enlevés et une cinquantaine ont été abattus lors d'une attaque menée dans cette ville pourtant reprise par l'armée tchadienne à la mi-mars. Cette rafle rappelle l'enlèvement de 300 lycéennes en avril 2014 dans la ville de Chibok, qui avait suscité une forte émotion internationale. Nombre d'entre elles sont encore retenues par le groupe terroriste.

L'approche des élections suscite la crainte d'autres attaques de grande ampleur. Le 28 mars, jour du vote, aucun véhicule ne sera autorisé à circuler dans le pays, à l'exception des services de secours. L'organisation du scrutin en lui-même semble impossible dans les zones du nord-est frappées par Boko Haram. Le scrutin oppose le président sortant Goodluck Jonathan, candidat du Parti démocratique populaire, et le candidat de l'opposition, Muhammadu Buhari, du Congrés progressiste.

Interrogé par Giada Aquilino, du service italien de Radio-Vatican, Mgr Ignatius Kaigama, archevêque de Jos et président de la conférence épiscopale, a dit ses inquiétudes face aux nouvelles attaques de Boko Haram dans cette semaine électorale :

« C'est encore une autre tragédie. Nous avions pensé que les choses iraient mieux, parce que les soldats ont fait des progrès dans la reconquête des lieux occupés par Boko Haram. Mais cette histoire est une grande tragédie, elle nous donne beaucoup d'embarras, et à peu de jours des élections elle sème peur et anxiété.

Pourquoi, selon vous, Boko Haram continue à enlever surtout des femmes et des enfants?

Entrer dans leur mentalité est difficile, comme il est difficile de penser qu'un groupe puisse faire ces choses. Leur mode de penser, leur point de vue sur la vie est différent du nôtre, donc il est difficile de comprendre comment il est possible de tuer, d'enlever de cette façon des femmes et des enfants. Une personne normale ne peut pas faire cela, Ils appartiennent à une catégorie non-humaine, si l'on peut dire.

Quel est leur objectif?

Depuis le début, ils sont déclaré qu'ils veulent un califat islamique, et ils veulent obliger tout le Nigeria à se convertir à l'islam. Mais ceci est impossible. C'est un groupe de fanatiques. En ce moment, on ne sait pas ce qu'ils veulent et à quel point ils veulent arriver.

Dans l'État de Borno, on prévoit un vote en faveur du candidat de l'opposition, Buhari. Le président sortant, Goodluck Jonathan, est accusé de ne pas avoir été en capacité d'arrêter Boko Haram...

Oui, en cela il y a toujours de la politique. Mais pour nous, la politique ce n'est pas le plus important. Nous, nous voulons un climat pacifique, nous ne voulons pas entrer dans la politique. Il est important de reprendre le contrôle de la situation, de reconquérir les lieux, pour que les gens puissent revenir dans leurs propres villages, leurs propres villes. Mais quand la politique entre dans ces questions, la situation devient un peu compliquée. Nous prions afin de pouvoir surmonter la politique pour nous unir comme chrétiens, en oubliant si un candidat est de droite ou de gauche. L'important est de nous unir pour donner la paix aux gens.

De quelle façon l'Église nigériane et les évêques nigérians se sont-ils engagés pour accompagner la population au vote?

Nous faisons tout notre possible pour éduquer. Participer aux élections est une chose importante pour choisir des leaders qui peuvent nous donner une direction. Pour nous, il est important que les élections se déroulent correctement pour choisir qui sera notre leader. Au Nigéria, nous avons de nombreux défis à surmonter, comme la mauvaise gouvernance, la corruption, le manque d'infrastructures et de sécurité. 

Face aux menaces du terrorisme islamique de Boko Haram, quelles sont les espérances, comment l'Église est-elle engagée dans le dialogue de réconciliation ?

La réconciliation entre les chrétiens et les musulmans modérés n'est pas un problème. Hier encore j'étais avec un imam, le chef de la communauté musulmane ici à Jos. Nous avons parlé de comment donner de l'espérance aux gens. Nous avons participé ensemble à une interview télévisée, en parlant de comment les gens devraient affronter ces élections et comment nos religions doivent nous inspirer à faire du bien, au lieu de faire des mauvaises choses. Mais ceux qui sont fanatiques, comme Boko Haram, n'écoutent pas, ne voient pas, n'entendent pas, ne veulent pas dialoguer.

Le Pape évoque souvent, dans ses interventions, les victimes de la violence. De quelle façon les paroles du Pape rejoignent-elles votre pays ?

Nous les évêques, ainsi que la population, nous avons reçu dans les jours passés la lettre écrite du Pape, qui nous a donnés tant de courage face aux problèmes que nous devons affronter. Nous, les catholiques, nous en sommes vraiment contents, comme le sont aussi ceux qui ne sont pas catholiques ou chrétiens : ils savent que le Pape est toujours avec nous et que son voeu de paix est pour toute la population nigériane, les chrétiens comme les non-chrétiens. »

 

 








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