2015-03-20 08:17:00

Elections départementales en France, un scrutin inédit et incertain


(RV) C’est un scrutin inédit qui se profile en France ce dimanche 22 mars avec le premier tour des élections départementales (ne parlez plus d’élections cantonales après la réforme électorale). Pour la première fois, les électeurs devront voter pour un duo homme/femme. Ils siégeront tous les deux dans l’assemblée départementale, mais de façon indépendante l’un de l’autre. Pourtant, on ne sait toujours pas quels seront les domaines de compétences précis de ces nouveaux élus. La carte électorale française a également été profondément redessinée, le nombre de cantons ayant été divisé par deux. Enfin, les Parisiens et les Lyonnais, ainsi que les Guyanais et Martiniquais, ne seront pas concernés par ce scrutin, leur territoire respectif présentant une particularité électorale.

Tous ces éléments concourent à dessiner un scrutin plutôt flou et incertain pour les électeurs, ce qui ne devrait pas arranger le climat de défiance ambiant vis-à-vis des élus politiques. Le rendez-vous électoral de ce dimanche devrait donc être riche en nouveaux enseignements.

Madani Cheurfa, politiste et secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po, nous présente les enjeux de ces élections départementales françaises. Il est interrogé par Jean-Baptiste Cocagne.

L’enjeu qui a émergé à l’agenda politique est celui de la présence et de la force du Front National. Donc, avec, sans doute, un décalage entre les enjeux d’intérêt quotidien de la part des citoyens et des enjeux d’intérêt politique de la part de nos responsables politiques nationaux. On a fait en sorte de nationaliser un scrutin que, sans doute, les citoyens auraient voulu voir davantage local. L’interprétation politique qu’on tirera de ce scrutin sera fausse, si on oublie que Paris et Lyon n’ont pas voté. Le fait que ces deux grandes villes ne votent pas brouille encore davantage le message autour de ces départementales, nos citoyens ne comprenant pas pourquoi certains votent et d’autres pas. Ensuite de cela, une fois qu’on connait cette absence, de toute façon, la stratégie politique sera évidemment, du côté du grand vainqueur, d’expliquer qu’il représente la France réelle et le pays réel puisqu’il exclut les deux grandes villes et que le parti arrivé en tête pourra se targuer d’être représentatif de la France réelle en utilisant toujours ce fameux discours de la France des territoires, de la France des régions contre la France centralisée et concentrée notamment dans la capitale.

À nationaliser un scrutin local, est-ce que la classe politique ne se trompe pas de combat ?

La nationalisation du scrutin local est finalement inévitable parce que le vainqueur y procédera. Pour autant, il y a un risque réel, celui d’être à côté ou en dehors des préoccupations concrètes et locales des citoyens : répondre à une détresse sociale qui prend les allures d’un sentiment d’isolement. Dans certains territoires français, le départ d’entreprises privées, compliquées par le départ de services publics comme des maternités, des fermetures d’hôpitaux, de régiments et de casernes alimentent ce sentiment d’isolement et de fait, de considérer qu’on est abandonné par la parole politique et par les politiques. Et que finalement, tout se fait dans les très grandes villes et parmi les très grandes villes, le centre urbain de ces très grandes villes. Donc, ça participe d’un sentiment réel ou fantasmé d’abandon par la classe politique classique, abandon que le Front National parvient, si on voit les résultats électoraux, avantageusement à utiliser et instrumentaliser.

Les électeurs devront choisir un ticket, un binôme homme-femme, donc strictement paritaire. C’est une innovation. C’est le premier scrutin de ce type en France. Qu’est-ce que ça va avoir comme implication ?

Ca a déjà une première implication qui est réelle et qui signe, sans doute, la réalité de la vie politique qui est la stricte parité au sein des conseils départementaux. On verra ensuite s’il y a une incidence ou pas dans la politique qui est menée mais il faudra pousser plus loin pour voir en termes de parité, si on s’intéresse à cette question, combien de femmes seront effectivement élues présidente de l’Assemblée départementale et du Conseil départemental. Deuxième effet, c’est du fait du redécoupage des circonscriptions, bien souvent, les candidats sont peu connus des territoires dans lesquels ils vont présenter leur programme. Et ça, c’est un message supplémentaire dans le brouillard autour de ces élections départementales sachant, en plus d’une circonscription redécoupée, les électeurs ont peu l’habitude de voir présenter à eux deux candidats au sein d’un binôme. Habituellement, lors d’élections de type législatif, vous avez un candidat principal et un suppléant ou alors, lors d’élections municipales, vous avez un candidat tête de liste et une liste. A chaque fois, il y a une sorte de rapport de hiérarchie ou verticale entre la tête et le ou les suivants. Ici, c’est un binôme sur un plan d’égalité et il n’est pas sûr que les gens aient parfaitement compris la portée de ces dispositions. 








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