2015-03-19 17:19:00

Avoir aujourd'hui le courage de bâtir la Tunisie de demain


(RV) Le Secrétaire d’Etat du Saint-Siège a condamné en termes particulièrement sévères l’attentat perpétré mercredi à Tunis. Le cardinal Pietro Parolin a condamné un massacre inhumain. « C’est une chose très cruelle et inhumaine, réellement inconcevable, qu’il faut condamner avec la plus grande fermeté ». Le secrétaire d’Etat espère que cessent les violences commises au nom de Dieu. Evoquant par ailleurs la prochaine Année Sainte de la miséricorde, il a souhaité que ce remède divin soit dispensé en abondance pour soigner les maux et les blessures dont souffre la société actuelle.

L’assaut sanglant mené par deux hommes armés a eu lieu au musée du Bardo ce mercredi. La plupart des vingt-deux victimes sont des touristes étrangers. Les assaillants ont été abattus. L’assaut qui a frappé un triple symbole, culturel politique et économique met le nouveau pouvoir à l’épreuve. C’est un coup dur pour le secteur du tourisme qui occupe une place très importante en Tunisie.

Depuis la révolution de janvier 2011, qui a chassé du pouvoir le président Ben Ali, la Tunisie a vu émerger une mouvance djihadiste responsable de la mort de dizaines de policiers et de militaires. Des Tunisiens combattant avec le groupe Etat islamique ont menacé leur patrie ces derniers mois.

Nous avons recueilli la réaction de l’archevêque de Tunis, Mgr Ilario Antoniazzi. Il est interrogé par Antonino Galofaro.

Les Tunisiens éprouvent une double souffrance. Tout d’abord, ils souffrent avec les blessés et surtout les morts et les familles des morts. Ils vivent chaque souffrance comme si c’était une des leurs, non pas parce que c’est arrivé en Tunisie mais, comme si ceux qui ont été tués, étaient des Tunisiens. Étant donné qu’ils sont un peuple très accueillant, le fait de voir que des personnes qui aimaient la Tunisie et qui aiment la Tunisie et qui étaient venus ici pour connaitre leur pays, ont été tués ou blessés ici, c’est un motif de souffrance. Un deuxième motif de souffrance vient du fait qu'ils n’acceptent pas ce qui est arrivé, en tant que Tunisiens. Ils refusent tout cela. Cette double souffrance fait en sorte qu’en voyant la réaction de la presse, toutes les personnes que j’ai rencontré aujourd’hui montrent un grand refus de tout ce qui est arrivé et veulent s’excuser pour tout ce qui est arrivé. C’est une position, une double souffrance qu’il faut bien mettre en évidence au deuxième jour de tout ce qui est arrivé.

Et qu’est-ce que vous dites à ces Tunisiens qui n’acceptent pas ce qui s’est passé ?

Il faut leur dire que malgré tout, il ne faut pas perdre l’espérance pour le futur. Vous savez, moi, je leur disais, il y a un Pape qui s’appelle François et qui dit tout le temps qu’il ne faut jamais perdre l’espérance. C’est maintenant que l’on prouve si on est vraiment des personnes mûres et si malgré tout ce qui est arrivé, on a le courage de rester debout et de penser au futur et de bâtir la Tunisie sur le dialogue, sur l’amour, sur la fraternité. Cette espérance ne doit jamais nous manquer. Et je pense que le peuple tunisien a cette force et ce courage.

La Tunisie vit aussi du tourisme, les autorités ont également parlé d’une attaque à l’économie tunisienne. Qu’est-ce que vous dites aussi aux touristes, aux étrangers qui auront peut-être peur de revenir en Tunisie ?

Vous savez, leur dire qu’il ne faut pas avoir peur après tout ce qui est arrivé hier, j’ai l’impression de ne pas pouvoir le dire maintenant. Mais en me basant sur l’espérance, je dois leur dire une chose : tout d’abord que le peuple tunisien n’est pas ces quatre, cinq ou six personnes qui ont commis des actes criminels. La Tunisie n’est pas cela. Le peuple tunisien n’est pas cela. Le peuple tunisien est accueillant, il accepte et il veut que la Tunisie soit ouverte au monde entier. C’est un des rares pays au nord de l’Afrique où on peut venir sans beaucoup de complications, sans visa, sans rien faire. C’est un signe que la Tunisie, malgré tout, lance aux Européens et au monde entier. Naturellement, il faut laisser passer un peu de temps et petit à petit, on doit revenir à ce qu’est la Tunisie. Elle n’est pas ce qu’elle a montré hier. Elle n’est pas cela. C’est bien le contraire.

Les spécialistes affirment que la Tunisie pouvait s’y attendre. Est-ce que dans le pays, là où vous vivez, là où vous évoluez, il y avait dans l’air quelque chose, une peur ? S'attendait-on à cet évènement ou au contraire, a-t-il pris tout le monde de court ?

Hier, le président lui-même a dit qu’il y a beaucoup de cellules qui dorment, ici, en Tunisie et qui peuvent se réveiller. C’est pour cela que je disais qu’elle a besoin d’être aidée pour faire en sorte que ces cellules qui dorment ainsi ne se réveillent pas trop, pour pouvoir les empêcher d’entrer en action. C’est clair, il y a de la peur. Nous vivons au jour le jour et à la fin de la journée, on dit « Grâce à Dieu, aujourd’hui, rien n’est arrivé. Mais qu’est-ce que ça sera demain ? ». C’est chaque jour un point d’interrogation. Mais espérons qu’ils soient un point d’interrogation plein d’espérance et de dialogue d’amour avec le monde !

La presse appelle à l’unité nationale. Est-ce que maintenant, la Tunisie peut faire face à ce genre d’événements en tant que pays, en tant que démocratie, en tant que peuple ?

C’est-à-dire toute seule, je ne crois pas beaucoup. En plus, il ne faut pas oublier l’influence de la Libye qui est à côté parce que tout ce monde-là vient de la Libye. Elle doit être aidée par l’Europe. Elle doit aussi être aidée au niveau des services secrets. Toute seule, elle ne peut pas le faire. Mais elle a le pouvoir de réagir et de bâtir un futur meilleur. Espérons que ce futur meilleur n’arrive pas trop tard !








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