2015-02-12 17:41:00

Réforme de la curie : le regard du cardinal Lacroix


(RV) Entretien- Quelques 160 cardinaux venus du monde entier sont, depuis jeudi matin et pour deux jours, réunis au Vatican pour un consistoire, autour du Pape François, consacré en grande partie au projet de réorganisation de la Curie romaine. L’objectif, le Saint-Père l’a rappelé dans son discours d’ouverture, est de « favoriser une plus grande harmonie dans le travail des différents dicastères et bureaux, afin de réaliser une collaboration plus efficace, dans cette transparence absolue qui  contribue à une authentique synodalité et collégialité ». Pour cela le Pape a demandé « du temps, de la détermination, et surtout la collaboration de tous ».

Parmi les cardinaux présents en salle du Synode : l’un des plus jeunes, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec, au Canada, créé cardinal par le Pape François lors du consistoire de 2014. Hélène Destombes l’a rencontré au terme de la première matinée de travaux. Il revient sur le discours du Saint-Père et nous livre son sentiment sur cette nouvelle réforme  :

Les objectifs, c’est d’abord de trouver pour la Curie romaine une harmonie dans le travail, travailler vraiment ensemble. Comment doit circuler l’information ? Comment on va réussir à partager, entre nous et spécialement pour ceux qui travaillent, ici, à la Curie romaine le travail, l’information pour qu’on puisse mieux servir la mission de l’Église. C’était la première chose. Ce qu’il a aussi dit d’important, c’est que pour qu’on arrive à cette harmonie, on doit avoir une collaboration et une transparence absolue de tout le monde. Cette collaboration nous rendra plus efficace.

Il a beaucoup insisté sur la nécessité de cette collaboration de tous. Vous avez senti, au sein du collège cardinalice, cette volonté d’avancer ensemble ?

Oui, évidemment, par les interventions. Le Pape le rappelait et certains l’ont rappelé aussi. Dans les congrégations, avant le Conclave, il y avait déjà un grand désir de réforme. Le Pape répond à ce désir là. Alors évidemment les cardinaux qui étaient là avant le conclave sont, pour la plupart, encore là aujourd’hui. Ils voient que ça avance, que le Saint-Père a pris au sérieux cette demande et qu’il y a travaille avec un conseil de neuf mais aussi de façon élargie. Il a beaucoup consulté les chefs de dicastères. Les dicastères ont été informés et ont apporté des suggestions et beaucoup d’autres personnes ont été consultées également.

Le Saint-Père a précisé que la réforme entendait perfectionner l’identité de la Curie romaine. Quel doit être aujourd’hui cette identité ?

Une identité de service. D’abord, service au Saint-Père pour l’aider dans sa mission pétrinienne. Mais service à la mission de l’Église et aux Églises locales. Il le dit à quelques reprises-je ne révèle pas de secrets, on l’a entendu dans certains de ses discours -le Pape dit : lorsqu’on est évêque, venir ici, à la Curie romaine, ne doit pas être comme passer à la douane. On doit venir ici pour recevoir l’appui, l’orientation, les outils nécessaires pour poursuivre notre mission, l’encouragement. Alors, l’identité de la Curie, elle doit être là pour aider l'Eglise à réaliser sa mission, l’aider à réfléchir, l’aider aux grandes orientations, à clarifier des questions, tantôt d’ordre doctrinal, tantôt d’ordre pastoral, liturgique ou autre.

Cette réforme suscite interrogations, enthousiasme mais aussi une certaine inquiétude. Qu’avez-vous perçu parmi les quelque 160 cardinaux présents actuellement à Rome, venus du monde entier.

Ce matin, je n’ai rien perçu comme inquiétude. Mais il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Toute réforme suscite de l’inquiétude. Tout changement, aussi petit soit-il, provoque de l’inquiétude, parfois de la peur. Ce ne serait pas surprenant. Évidemment, nous sommes un groupe mais il y a là un grand défi. Nous venons de toutes les parties du monde, de tous les continents. Nous sommes de différentes cultures, de différentes langues, de différentes traditions. Nous sommes tous catholiques mais pas tous romains. Il y a d’autres traditions dans notre Église qui enrichissent ce que nous sommes. Nous sommes de différentes générations. Il y a différentes écoles de pensée. Évidemment, rassembler tout ce monde-là et regarder l’avenir, regarder cette réforme que souhaite le Pape et que souhaite l’Église, c’est exigeant mais un changement est nécessaire ! Ca a été très bien exprimé et on va travailler ensemble pour y parvenir.

Cette nouvelle réforme intervient après celle de 1908, 1967 et 1988 avec la constitution apostolique Pastor Bonus. Chaque constitution s’inscrivait dans un contexte bien précis. Aujourd’hui, quelle est la priorité, la première urgence ?

Je sens très fort que le Saint-Père veut que nous redevenions crédibles. D’ailleurs, il a encore insisté très fort ce matin sur le témoignage : donner un vrai témoignage chrétien. Ce n’est pas seulement pour les gens qui sont sur le terrain et un peu partout à travers le monde. La curie, les employés, les gens qui travaillent ici, les collaborateurs plus rapprochés  du Saint-Père qui doivent nous donner un témoignage de vie chrétienne. Il le dit à plusieurs reprises. Il faudra arriver à sortir de ce carriérisme, de cette recherche de pouvoir. Et le Pape veut absolument qu’on ne soit pas d’abord préoccupé par l’organisation mais la mission. Alors, c’est très important dans cette réforme pour qu’on soit davantage des disciples missionnaires, comme il l’exprime souvent et qu’on lit dans son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium ».

Vous venez d’évoquer « Evangelii Gaudium ». Dans cette exhortation, le Pape évoque une décentralisation salutaire. La réforme doit prendre en compte cette nécessité, refléter cette nécessité ?

Oui, évidemment. C’est un travail que le Concile Vatican II a mis de l’avant de façon très importante,  il y a déjà 50 ans et plus. Mais vous savez, la réforme, ça prend du temps. La conversion prend du temps. Et on doit continuer dans ce sens-là. Il me semble que ce que nous sommes en train de vivre avec le Pape François est vraiment, enfin, l’aboutissement des grands souhaits du Concile Vatican II. Il est bien évident qu’on avait fait des pas, plusieurs grands pas. Mais là, c’est comme si on va faire un pas de géant et c’est salutaire. 








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