2015-02-10 16:18:00

Alep : une population livrée à elle-même


(RV) Témoignage-  Le médiateur de l'ONU en Syrie, Staffan de Mistura, est actuellement à Damas. Il a entamé des entretiens avec le régime de Bachar al-Assad sur son plan visant à geler les combats à Alep, au nord du pays, afin de réduire le niveau des violences et d'accroître l'accès à l'aide humanitaire. Il y a urgence : la population est à genoux, prise en étau dans les combats qui opposent les forces loyalistes aux rebelles. Elle craint par ailleurs l’incursion dans la ville des djihadistes de l’Etat islamique, déjà présents dans la région. Joint à Alep, le frère mariste Georges Sabe évoque le désespoir des habitants qui se sentent oubliés de tous :

La situation humanitaire de la ville d’Alep est catastrophique de tous les points de vue. Nous manquons énormément d’électricité. Elle est rationnée à 1 heure toutes les 24 ou 36 heures. Le gaz manque, le fioul et le chauffage aussi, surtout en cette saison de l’hiver. De même pour l’essence. Les bombardements continuent, et les tirs de mortiers touchent les civils des deux côtés. Il y a beaucoup de jeunes qui meurent. Nous venons de perdre une jeune fille de 25 ans et la ville d’Alep est vraiment oubliée. On se demande pourquoi. On dirait une punition collective. Beaucoup de familles pensent quitter la ville. Ils en ont assez de la situation dans laquelle ils se trouvent. L’horizon de la ville d’Alep est vraiment fermé.

La ville est bombardée quotidiennement et elle est toujours divisée entre secteurs loyalistes et secteurs rebelles? 

Oui, la ville est bombardée quotidiennement. Ce n’est pas que les chrétiens qui sont visés mais ce sont ces quartiers où nous vivons qui sont visés. Alors, il y a les bombardements qui continuent. Il y a la lassitude des gens. Il y a la peur, la cherté de la vie. On est vraiment réduit à un silence et un oubli, on dirait, de la part du monde. On veut reprendre la vie que nous avions et c’est très compliqué. Chaque jour, le matin, les gens se lèvent et se demandent s’ils peuvent rentrer à la maison le soir, s’ils ne vont pas recevoir un coup.

On sait que l’État islamique est présent dans la région d’Alep. Est-ce qu’il est présent dans la ville ?

Maintenant, dans la ville elle-même, non. Vous savez, la menace est réelle. Les gens ont peur que la  ville soit envahie par l’État islamique, par toutes ces forces qui sont vraiment terribles, que ce soit nos amis musulmans ou bien nous-mêmes. Nous sommes inquiets.

L’émissaire de l’ONU, Staffan de Mistura, est actuellement à Damas. Il présente son plan qui vise à geler les combats à Alep pour laisser passer l’aide humanitaire. Vous avez espoir que ce plan onusien aboutisse ?

Je vais vous dire, les Aleppins sont maintenant pire que Saint-Thomas. Si nous ne voyons pas concrètement, sur le terrain, des progrès qui pacifient la ville et qui permettent de faire acheminer les denrées alimentaires, de permettre aux personnes de vivre, de garder espoir, nous n’avons confiance en rien du tout. Ce sont des promesses. Nous avons reçu tellement de promesses et c’est à chaque fois comme un éclair, ça passe, ça s'en va, et les gens subissent toutes les conséquences de la guerre. On veut la paix, mais en ce qui concerne toutes ces promesses, après trois ans de guerre, nous ne voyons vraiment aucun horizon ouvert pour le moment.

Face au manque de perspectives, face à ce climat particulièrement sombre, vous avez malgré tout une certaine lueur d’espoir, une espérance ?

Nous croyons dans l’entraide entre les gens, dans le soutien que les gens apportent les uns aux autres. Nous croyons beaucoup à cet esprit qui règne parmi la population, c’est vrai. Il faut dire que nous vivons entre nous avec beaucoup de solidarité. C’est une autre confiance. Pour le reste, la lueur d’espérance, je ne sais pas si nous pouvons l’imaginer. Pour le moment, nous ne pouvons pas l’imaginer. Nous l’espérons mais c’est un point d’interrogation. 








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