2015-02-05 16:49:00

La CEF ne signera pas la proclamation de RSF sur la liberté d'expression


(RV) Entretien- L’initiative de Reporters sans frontières n’est pas passée inaperçue en France. RSF a en effet rendu publique une proclamation sur la liberté d’expression, un texte que l’organisation juge urgent de proposer au regard des récents attentats survenus à Paris début janvier, et qui affirme notamment que « chacun est libre d’exprimer et de diffuser des critiques, même irrévérencieuses envers tout système de pensée politique, philosophique ou religieux ». L’organisation demande officiellement à tous les responsables religieux de France de signer cette proclamation.

L’initiative a reçu le soutien du président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia (qui n’a pas encore signé le texte) ainsi que du président de la Fédération protestante de France.

La proclamation ne doit recevoir en revanche aucune signature de la Conférence des évêques de France. Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général et porte-parole de la CEF explique à Manuella Affejee pourquoi

 

D’abord, la CEF pense qu’elle n’a pas à signer un texte dont elle n’a pas été le rédacteur. Nous n’avons pas été rédacteurs de ce texte. Nous ne signons que les textes que nous rédigeons nous-mêmes. C’est un principe habituel et général.

La seconde raison qui est importante, c’est que nous nous sommes déjà exprimés sur ce thème. Nous l’avons fait dès les jours des attentats, nous l’avons fait au lendemain du conseil permanent, le 12 janvier dernier, rappelant l’importance de la liberté d’expression et en même temps, disant que cette liberté d’expression doit s’articuler avec d’autres libertés.

La troisième raison qui a poussé la Conférence des évêques à ne pas soutenir cette initiative, c’est qu’il nous a semblé qu’il y avait dans le texte comme un soupçon qui était porté sur les religions qui, elles et elles seules, seraient un facteur de désunion au sein-même de la société civile, comme un danger pour la possibilité de vivre les libertés telles quelles et la liberté d’expression.

Le fait que seuls les responsables religieux ne soient invités à signer cette déclaration nous parait assez injustifiable, d’une certaine manière. Pourquoi ne pas l’avoir envoyé à des enseignants ? Pourquoi ne pas l’avoir envoyé à des membres de la fonction publique ? Pourquoi ne pas l’avoir fait signer à d’autres personnes qui ont aussi une responsabilité au sein de la société ?

Et puis, peut-être que la dernière raison qui nous pousse à ne pas soutenir cette initiative, c’est que comme nous avons eu l’occasion de le dire, nous respectons infiniment le travail de « Reporters sans frontières » pour la liberté de la presse dans le monde entier. Ce travail est extrêmement important. Et en même temps, quelle est la légitimité de cette association pour intimer à tous les responsables religieux de signer un texte ? Nous ne pouvons pas signer tous les textes qui seraient proposés et pour lesquels il y aurait comme une injonction de signer.

On a comme l’impression que les religions sont de plus en plus pointées du doigt en raison de leur visibilité, en raison de leur influence jugée parfois trop grande ou des dérives qu’elles peuvent générer. Est-ce que vous avez l’impression que la religion ou du moins, le fait religieux, devienne de plus en plus « persona non grata » dans nos sociétés ?

Il me semble que l’histoire de la France avec les religions a toujours été une histoire passionnelle. Vous savez, c’est le signe même que la religion est inscrite, quelque part, au cœur de notre ADN, que l’on soit pour ou que l’on soit contre.

En 1905, la loi de séparation de l’Église et de l’État a fixé un cadre juridique mais aussi un cadre qui est aussi l’esprit dans lequel nous voulons vivre, qui est une forme de la laïcité qui ne veut pas dire que les religions n’ont pas de place dans le débat publique mais qui permet à toutes les religions de s’exprimer parce qu’avant d’être religieux, pour la société française, les hommes de notre pays sont des citoyens et des citoyens qui ont le droit d’exprimer leurs convictions en fonction de ce qu’ils sont.

Sans doute assistons-nous aujourd’hui à un certain nombre de courants qui voudraient reléguer uniquement dans la sphère privée, dans l’intime total, les convictions religieuses. Mais nous ne sommes pas schizophrènes. Et nous ne pouvons pas retirer en nous ce qui est de l’ordre du religieux et ce qui est d’un autre ordre. La personne est unie et la dimension religieuse fait partie intégrante de la personne.

D’ailleurs, à ce sujet-là, la jurisprudence de la Cour européenne à Strasbourg reconnait une place à la dimension religieuse dans la personne humaine d’une manière très catégorique et me semble-t-il, très claire.  








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