2015-01-28 07:43:00

Cristina Kirchner engage un bras de fer avec les renseignements argentins


(RV) Entretien - Ce scandale d’État a des allures de roman d’espionnage : en Argentine, la mort le 19 janvier du procureur Alberto Nisman touche les plus hautes instances dirigeantes. Ce magistrat était chargé d’enquêter sur l’attentat contre la mutuelle juive AMIA à Buenos-Aires en 1994, qui avait fait 85 morts et 300 blessés.

Sa mort est suspecte, Alberto Nisman accusant Cristina Kirchner d’essayer de couvrir des suspects iraniens. De son côté, la présidente, après avoir parlé de suicide, a fait volte-face et accuse désormais les services secrets argentins d’être derrière la mort du procureur.

Elle a annoncé lundi une refonte des services de renseignement. Un bras de fer qui n’est pas nouveau, comme l’explique Dario Rodriguez, chercheur associé au CERI-Sciences-Po, à Olivier Bonnel.

 

Le bras de fer entre Kirchner et les services secrets n'est pas nouveau en Argentine ?
Il y a eu un conflit très évident au mois de décembre contre Cristina Kirchner et on a obligé le responsable de la direction de ce service secret de quitter son poste. Ca a généré toute une situation de conflit interne au sein des services secrets. Cette personne-là était le contact de Nisman auprès des services secrets, qui ont dit que c’était lui qui leur fournissait les informations pour garantir justement l’avancement de l’enquête. On ne sait pas exactement quel a été le rôle des services secrets. Pour l’instant, je crois qu’il faut attendre la suite pour continuer à s’informer et savoir, du coup, comment va finir cette histoire. Le problème dans cette affaire est qu’il y a en fait beaucoup de choses qui ne sont pas claires. On ne sait pas non plus pourquoi le procureur Nisman avait décidé de présenter ce dossier à ce moment de l’année. Même la réforme des services secrets - une mesure très attendue qu’on peut considérée comme positive - a été lancée en toute rapidité au cours de cette semaine, sans un accord préalable avec les forces de l’opposition.

Vous voulez dire qu’il y a un vrai problème de méthode de la part du camp Kirchner ?
Exactement. Ce n’est pas quelque chose de nouveau. La crise agricole a été un autre exemple qui montre comment le gouvernement lance des mesures sans vraiment créer une ambiance de coordination, d’articulation politique qui pourrait justement légitimer cette mesure, au-delà des appuis stricts du gouvernement.

En s’attaquant aux services de renseignement, Cristina Kirchner s’attaque à un symbole de la puissance de ces services qui, vous l’avez dit, ont pris du poids sous la dictature argentine. Est-ce que s’attaquer à cet Etat dans l’Etat - si j’ose dire - n’est pas vouloir tourner une page dans la vie politique argentine ?
Cela pourrait constituer un point d’inflexion dans le devenir de la démocratie argentine. Même si on peut considérer qu’il y a là des activités qui doivent rester dans l’ombre de la lumière publique, on ne peut pas accepter l’action des groupes qui restent tout à fait à l’écart de la loi et des institutions de la République.

Est-ce que l’on peut dire aujourd’hui que la présidente argentine s’attaque à un tabou ?
Elle a décidé de s'attaquer à un domaine qui n'avait jamais été abordé depuis le retour de la démocratie en Argentine en 1983. C’est une mesure positive mais prise dans un contexte convulsionné par la crise, mais surtout d’antagonismes exacerbés dans l’opinion publique comme dans les chambres politiques. Cela me semble un peu critiquable, tenant compte du fait qu’elle ne sort pas d’un consensus avec l’ensemble des forces politiques.

La société argentine est extrêmement divisée, très polarisée face à cette crise. Comment vous l’expliquez ?
En fait, c’est une division historique, installée et exacerbée avec la montée du péronisme dans les années 1945 et aujourd’hui, on peut dire aussi accentuée par l’action du gouvernement et par une partie de l’opposition qui a eu un comportement très critique vis-à-vis du gouvernement en exacerbant aussi cette division déjà installée dans la société. 








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