Aux Philippines, le sourire derrière les maux

(RV) Entretien- Le Pape a donc entamé ce jeudi aux Philippines la deuxième étape de son voyage apostolique en Asie. Un pays-archipel en très grande majorité catholique et qui a accueilli le souverain pontife avec un grand enthousiasme dès son arrivée à Manille. Il faut dire que cette visite était particulièrement attendue sur place, dans un pays fervent mais pauvre. Jean-Noël fait partie du mouvement des Focolari. Il est basé aux Philippines depuis juillet 2014 où il travaille pour New City Magazine, une publication du mouvement. Au micro de notre confrère du programme allemand Stefan Von Kempis, il revient sur l’accueil chaleureux du Pape par les Philippins et le contexte économique et social du pays. Un pays où l'on sait sourire malgré les nombreux maux qui ne l'ont pas épargné 

 

En arrivant ici, la première chose qui frappe, c’est la gentillesse des Philippins qui gardent toujours le sourire malgré, par exemple, toutes les catastrophes naturelles qui ont pu arriver toutes ces dernières années comme le typhon Yolanda le 8 novembre et également un tremblement de terre très important à Bohol. Malgré la vingtaine de typhons qui frappent les Philippines chaque année, c’est vraiment impressionnant de voir leur manière de réagir. Ils conservent toujours leur sourire. Ce qui est également très important pour eux, c’est de réagir à chaque fois collectivement. Donc, ils ont cette faculté de s’aider les uns les autres dans les moments les plus difficiles. Il y a également d’autres aspects de la vie aux Philippines qui sont très frappants pour un Français, comme leur hospitalité. Ils ont cette culture d’hospitalité, d’accueil qui est vraiment impressionnant. Malgré leur extrême pauvreté, ils vont être prêts à tout vous donner. Par exemple, pour le Nouvel An, cette année, on s’est fait invité dans la rue par des gens qu’on ne connaissait pas. Ils nous ont invités chez eux, on a rencontré toute leur famille. Ils nous ont donné à manger. On avait vraiment cette impression que malgré leur pauvreté, ils étaient prêts à tout donner. Les plus pauvres, quand vous allez chez eux, quand ils vous accueillent, vont tout vous donner, jusqu’à même n’avoir plus rien pour eux. Donc, cette faculté de don est très frappante pour un Européen, un Français.

C’est aussi une manière très différente d’être catholique que celle qu’on connait en Europe. On dirait que c’est très superficiel : on touche la statue du Saint, etc. Mais est-ce que ça va aussi en profondeur ? Ou est-ce que ça reste là ?

Je pense que ça va également en profondeur. Ici, aux Philippines, la ferveur catholique est très importante. Plus de 80% de la population des Philippines est catholique. Ils ont également cette faculté à montrer leur foi, ce qui est un petit peu frappant pour un français. En France, peu de personnes montrent leur foi. J’aimerais mentionner la fête du Nazaréen qui a eu lieu la semaine dernière sur Manille. C’est une statue miraculeuse. On a pu observer que 5 à 7 millions de personnes se sont déplacées pour cette occasion.

Il y a également le troisième week-end de janvier, une grande fête dans les Visayas, l’archipel central du pays du Santo Nino qui fait référence à la statue que Magellan a donnée à la reine en arrivant ici au 16°siècle. La foi est vraiment chevillée au cœur des Philippins.Par expérience, ce n’est pas une foi superficielle mais c’est vraiment une foi de tous les jours. Elle est vraiment ancrée dans la culture des Philippines.

Comment est-ce que vous voyez et vivez la position de l’Église ? Est-ce qu’elle est très forte et puissante, une puissance dans la vie politique et sociale du pays ou est-ce que c’est plutôt une Église avec les pauvres qui ne s’occupent pas de politique ?

J’ai effectivement l’impression que l’Église aux Philippines a une position plus importante dans la vie de tous les jours ou dans la politique. En France, on a eu la séparation de l’État et de l’Église au début du 20°siècle. Ici, à la fin de l’ère Marcos, à la fin de ce dictateur qui à partir des années 70 jusqu’en 1986 a dirigé d’une main de fer les Philippines, l’Église a joué un grand rôle à la fin de sa dictature pour l’évincer, pour appeler le peuple à manifester pacifiquement. Cela a joué un grand rôle. Le cardinal de Manille, le cardinal Sin a joué un grand rôle pour cette émancipation. D’un certain côté, l’Église a eu et a encore un pouvoir important au niveau politique au niveau des Philippines. Ca évolue petit à petit. L’an dernier, une proposition de loi a été votée concernant le planning familial et introduisant la possibilité pour les pauvres d’avoir accès à la contraception. L’Église n’était pas favorable. Elle était vraiment contre cette proposition de loi qui a été votée avec l’appui du président. On a cette dualité. Oui, l’Église des Philippines intervient et est intervenue politiquement et a un grand poids politique. D’un certain côté, la société philippine a évolué par rapport à cette omniprésence de l’Église catholique aux Philippines.

Qu’est-ce que les gens attendent de la visite du Pape ?

La ferveur populaire est impressionnante. De multiples bannières fleurissent partout, que ce soit à Manille ou en province, lui souhaitant la bienvenue. Je pense qu’aujourd’hui, les Philippines ont plusieurs problématiques à régler : la corruption, la pauvreté qui est très importante et la perte des relations familiales. La famille est très importante pour les Philippins. De plus en plus de jeunes Philippins vont travailler à l’étranger. Donc, c’est un vrai challenge pour les Philippines de conserver ces relations familiales. Au moins pour les deux premiers points, la corruption et la pauvreté, je pense que la venue du Pape peut vraiment aider car ici, aux Philippines, les inégalités sont très impressionnantes : les riches sont très riches, les pauvres sont très pauvres. Depuis son accession pontificale, Le Pape ne cesse de dire qu’il faut aller vers les pauvres, qu’il faut lutter contre toutes les inégalités. Peut-être que sa venue ici va permettre une prise de conscience plus accrue de la part du gouvernement, de la part des personnes riches et également une prise de conscience du peuple. Je pense qu’effectivement l’attente des Philippins est très importante à ce sujet.