Ce n’est désormais plus une messe de minuit, puisqu’elle débutait mercredi soir à 21 heures trente, mais c’est bien cette messe solennelle de Noël que le Pape François a célébrée dans la Basilique Sainte-Pierre dans un grand recueillement à l’unisson de splendides chants et notamment du « Et incarnatus est » ("Et il s'est fait chair") de la Messe en Do Mineur de Wolfgang Amadeus Mozart, que François a écouté à genoux et grave.
Entré en procession dans la basilique accompagné par la "Kalenda", le chant grégorien annonçant la nativité du Christ, le pape a enlevé un voile qui couvrait une statuette de l'enfant Jésus qu'avait portée deux enfants syrien et libanais. La prière universelle devait être récitée en plusieurs langues, dont l'arabe mais aussi le chinois. Toute cette période de Noël, le Pape aura mis l’accent sur les souffrances des chrétiens du Moyen-Orient, leur exode. Il leur a adressé un long message il y a quelques jours, les exhortant à la persévérance et au dialogue interreligieux malgré tout. Mercredi après-midi, dans un appel téléphonique, il s’est adressé directement à des réfugiés d’un camp près d’Erbil, au Kurdistan irakien.
Dans son homélie, le Pape a demandé au monde entier de faire preuve de «tendresse» et de «douceur» dans les situations «les plus dures», y compris les conflits, alors que les chrétiens d'Orient fêtent cette année la naissance du Christ au milieu des violences. Le Pape a encouragé les catholiques à ne pas céder à la colère dans leur vie, et à montrer de l'empathie pour les personnes en difficulté: « Comme le monde a besoin de tendresse aujourd'hui! Avons-nous le courage d'accueillir avec tendresse les situations difficiles et les problèmes de celui qui est à côté de nous, ou bien préférons-nous les solutions impersonnelles, peut-être efficaces mais dépourvues de la chaleur de l'Évangile? », a déclaré François, commentant dans son homélie l'Evangile de la Nativité.
Texte intégral de l'homélie du Pape François:
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et
sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9, 1). « L’ange
du Seigneur se présenta devant eux [les pasteurs] et la gloire du Seigneur les enveloppa
de sa lumière » (Lc 2, 9). C’est ainsi que la liturgie de cette sainte nuit de Noël
nous présente la naissance du Sauveur : comme une lumière qui pénètre et dissout l’obscurité
la plus dense. La présence du Seigneur au milieu de son peuple efface le poids de
la défaite et la tristesse de l’esclavage, et instaure la joie et l’allégresse.
Nous aussi, en cette nuit sainte, nous sommes venus dans la maison de Dieu en traversant
les ténèbres qui enveloppent la terre, mais guidés par la flamme de la foi qui éclaire
nos pas et animés par l’espérance de trouver la ‘‘grande lumière’’. En ouvrant notre
cœur, nous avons, nous aussi, la possibilité de contempler le miracle de cet enfant-soleil
qui éclaircit l’horizon en surgissant d’en-haut.
L’origine des ténèbres qui enveloppent le monde se perd dans la nuit des temps. Repensons
au moment obscur où a été commis le premier crime de l’humanité, quand la main de
Caïn, aveuglé par la jalousie, a frappé à mort son frère Abel (cf. Gn 4, 8). Ainsi,
le cours des siècles a été marqué par des violences, des guerres, la haine et des
abus. Mais Dieu, qui avait placé ses propres attentes en l’homme fait à son image
et à sa ressemblance, attendait. Il a attendu tellement longtemps que peut-être à
un certain moment il aurait dû renoncer. Mais il ne pouvait renoncer, il ne pouvait
pas se renier lui-même (cf. 2 Tm 2, 13). C’est pourquoi, il a continué à attendre
avec patience face à la corruption des hommes et des peuples.
Au long du chemin de l’histoire, la lumière qui perce l’obscurité nous révèle que
Dieu est Père et que sa patiente fidélité est plus forte que les ténèbres et la corruption.
C’est en cela que consiste l’annonce de la nuit de Noël. Dieu ne connaît pas d’accès
de colère et l’impatience ; il est toujours là, comme le père de la parabole du fils
prodigue, dans l’attente d’entrevoir de loin le retour du fils perdu.
La prophétie d’Isaïe annonce l’apparition d’une immense lumière qui perce l’obscurité.
Elle naît à Bethléem et elle est accueillie par les tendres mains de Marie, par l’affection
de Joseph, par l’étonnement des bergers. Quand les anges ont annoncé aux bergers la
naissance du Rédempteur, ils l’ont fait avec ces paroles : ‘‘Et voici le signe qui
vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire »
(Lc 2, 12). Le ‘‘signe’’ c’est l’humilité de Dieu porté à l’extrême ; c’est l’amour
avec lequel, cette nuit, il a assumé notre fragilité, notre souffrance, nos angoisses,
nos désirs et nos limites. Le message que tous attendaient, le message que tous cherchaient
dans la profondeur de leur âme, n’était autre que la tendresse de Dieu : Dieu qui
nous regarde avec des yeux pleins d’affection, qui accepte notre misère, Dieu amoureux
de notre petitesse.
En cette sainte nuit, tandis que nous contemplons l’Enfant Jésus qui vient de naître
et d’être déposé dans une mangeoire, nous sommes invités à réfléchir. Comment accueillons-nous
la tendresse de Dieu ? Est-ce que je me laisse rejoindre par lui, est-ce que je me
laisse embrasser, ou bien est-ce que je l’empêche de s’approcher ? ‘‘Mais je cherche
le Seigneur’’ – pourrions-nous rétorquer. Toutefois, la chose la plus importante n’est
pas de le chercher, mais plutôt de faire en sorte que ce soit lui qui me trouve et
qui me caresse avec amour. Voici la question que nous pose l’Enfant par sa seule présence :
est-ce que je permets à Dieu de m’aimer ?
Et encore : avons-nous le courage d’accueillir avec tendresse les situations difficiles
et les problèmes de celui qui est à côté de nous, ou bien préférons-nous les solutions
impersonnelles, peut-être efficaces mais dépourvues de la chaleur de l’Évangile ?
Combien le monde a besoin de tendresse aujourd’hui !
La réponse du chrétien ne peut être différente de celle que Dieu donne à notre petitesse.
La vie doit être affrontée avec bonté, avec mansuétude. Quand nous nous rendons compte
que Dieu est amoureux de notre petitesse, que lui-même se fait petit pour mieux nous
rencontrer, nous ne pouvons pas ne pas lui ouvrir notre cœur et le supplier : ‘‘Seigneur,
aide-moi à être comme toi, donne-moi la grâce de la tendresse dans les circonstances
les plus dures de la vie, donne-moi la grâce de la proximité face à toute nécessité,
de la douceur dans n’importe quel conflit’’.
Chers frères et sœurs, en cette nuit sainte, contemplons la crèche : là, ‘‘le peuple
qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière’’ (Is 9, 1). Les gens
simples, disposés à accueillir le don de Dieu, l’ont vue. Au contraire, les arrogants,
les orgueilleux, ceux qui établissent les lois selon leurs propres critères personnels,
ceux qui assument des attitudes de fermeture, ne l’ont pas vue. Regardons la crèche
et prions, en demandant à la Vierge Mère : ‘‘ Ô Marie, montre-nous Jésus’’.
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