2014-12-10 15:39:00

Le Qatar soutient désormais le président égyptien Al Sissi


Un revirement stratégique du Qatar : après avoir longtemps appuyé les Frères musulmans égyptiens, Doha soutient désormais l'Egypte du président Abdel Fattah al-Sissi . Dans un communiqué final au terme de leur sommet annuel hier à Doha, les dirigeants des six membres du Conseil de Coopération du Golfe ont proclamé "leur plein soutien à l'Egypte". Cette réunion de Doha avait pour but de réconcilier les pays du Golfe très divisés par la crise égyptienne.

Quelles sont les raisons de ce changement de ton à Doha ? L’éclairage de Fatiha Dazi Heni, spécialiste des monarchies du Golge à l’IRSEM, l’Institut de Recherches Stratégiques de l’Ecole Militaire à Paris.

C’est vrai, c’est un revirement mais il est très clair qu’aujourd’hui, le Qatar est contraint d’opter pour une position beaucoup plus consensuelle. Ca ne veut pas dire que le Qatar va totalement rompre les liens avec les Frères Musulmans. Je ne pense pas. Renoncer à l’héritage diplomatique de l’Émir père, c’est quand même trop compliqué ! Et d’ailleurs, l’Émir Tamim avait refusé toutes les conditions que les Saoudiens et les Émiriens, qui étaient vraiment le pole très dur, imposaient pendant huit mois à Doha. Maintenant, le fait d’être beaucoup plus consensuel, de parler sur la chaine Al Jazeera du président Sissi comme le président élu ne veut pas dire non plus que Doha renonce à toute sa diplomatie mais aujourd’hui, Doha est obligé d’opter pour une position beaucoup plus consensuelle. Et à mon avis, le Qatar va plutôt opter pour un choix diplomatique à la Koweitienne.  C’est-à-dire que les Koweitiens n’ont jamais renoncé à leur politique de médiation. C’est d’ailleurs le Koweït qui est quand même l’Etat qui fait que les pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) se sont réconciliés puisque c’est le Koweït qui a présidé le Conseil de Coopération du Golfe pendant toute l’année 2014 et qui a permis à l’Emir Tamim de sauver un peu la face.

Mais cette politique de diplomatie à la koweitienne, quelles sont ces lignes maitresses ? C’est une manière nouvelle de faire de la diplomatie pour Doha ?

L’Emir Tamim n’a jamais caché son exaspération sur la diplomatie assez provocante de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hamad ben Jassem al-Thani. Il a toujours voulu être beaucoup plus conciliant avec les autres pays du Golfe. L’Emir Tamim est assez proche des Saoudiens. Je pense que le Qatar va revenir à une position de médiateur mais de médiateur pour l’intérêt du Conseil de Coopération du Golfe et pas simplement pour se tirer la couverture à lui seul.

En toile de fond de ce sommet, il y a la situation régionale et notamment la menace de l’État islamique en Irak et en Syrie. Elle a en partie dicté ce communiqué final ?

Oui, complètement. C’est vraiment ce qui a dominé les discussions et c’est ce qui fait que les pays du Conseil de Coopération  du Golfe, en dépit de leur divergence, de leur position diplomatique où il y a toujours des différences sont tous d’accord. Ils sont tous d’accord pour dire que l’État islamique est une menace existentielle pour leur pays et du fait qu’ils ont parmi leurs citoyens un certain nombre de sympathisants. Donc, c’est clair que c’est la cause commune. Il y a l’État islamique. Il y a également la question du Yémen. Et  donc, il y a eu cette décision de resserrer les liens en matière de défense et de sécurité au sein du Conseil de Coopération du Golfe avec les annonces d’une base navale commune à Bahreïn, une sorte d’Interpol basé à Abu Dhabi et des discussions sur l’annonce prochaine d’un commandement conjoint du type otanien au sein du CCG qui serait basé à Riad.

Est-ce que l’aplanissement entre les différents pays du golfe peut amener à une efficacité meilleure de ces pays qui font déjà, pour certains, partie de la coalition qui mène des frappes contre l’État islamique ?

Oui, bien sûr. À mon avis, des leçons ont été tirées sur les divisions totalement contreproductives et les dossiers syriens le prouvent. Les Qatari et les Saoudiens veulent obtenir la même chose, à savoir le départ de Bashar Al-Assad et en soutenant des opposants un peu rivaux, ils ont compliqué le jeu et ils ont contribué à la décrédibilisation de ce qu’il est convenu d’appeler l’opposition modérée syrienne. Donc, là-dessus, c’est clair qu’ils ont fait le constat commun que ça a été totalement contreproductif. Ce que reprochent les pays du Conseil de Coopération du Golfe, c’est qu’aucune solution politique ne soit sur la table concernant la Syrie. Les pays du Golfe vont essayer de faire avancer les choses et c’est ce qui fait qu’il n’y a pas du tout de confiance avec l’administration Obama. Ils ne sont pas sur la même ligne que les États-Unis à propos de la Syrie. Au dialogue de Manama mais aussi au sein du Conseil de Coopération, les discussions des pays du Golfe se sont quand même bien focalisées sur la situation syrienne. Il y a un désaccord profond entre les pays du Golfe et la stratégie à courte vue qui est menée aujourd’hui par les États-Unis. C’est ce qui nourrit selon eux beaucoup plus l’État islamique que la situation en Irak.

 

 

 

 








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