Suède : l'extrême droite à l'origine d'élections anticipées

(RV) Entretien – Cela n’était pas arrivé depuis 1958 en Suède. Des législatives anticipées seront organisées le 22 mars prochain sur une décision du gouvernement de coalition. Ce mercredi, les sociaux-démocrates et les Verts au pouvoir depuis moins de trois mois ont essuyé un revers majeur au Parlement. Non seulement leur proposition de budget 2015 n’est pas passé, mais le projet de l’opposition a été adopté, grâce au soutien du parti d’extrême droite.

Arrivés troisième aux dernières élections avec 12,9% des suffrages, quel est le pouvoir réel des Démocrates de Suède ? Pourront-ils un jour gouverner seuls ? Concentrent-ils comme d’autres partis d’extrême droite leur politique sur les questions d’immigration ? Nous avons posé la question à Cyril Coulet, chercheur spécialiste des pays nordiques :

Le poids politique de l’extrême-droite n’est pas forcément corrélé au résultat obtenu. En définitive, c’est sa capacité d’influence de la vie politique qui détermine son poids réel. Or, aujourd’hui, sa capacité d’influence sur la vie politique va croissante. Elle va au-delà des 12% qu’elle a pu obtenir parce qu’elle est effectivement en capacité de rendre toute majorité impossible. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, ni la droite ni la gauche ne sont en capacité d’avoir la majorité absolue. Donc, on a que des majorités relatives. Et si on a une logique partisane qui l’emporte sur toute autre considération, on va avoir une gauche qui va voter contre le budget qui a été présenté avec la droite et puis l’extrême-droite qui en fera de même, ce qui empêchera la droite d’avoir une majorité. Et réciproquement, c’est plutôt en définitive la montée de l’extrême-droite qui déstabilise le jeu des alliances.

Donc, l’extrême-droite peut déstabiliser la vie politique, la bloquer mais est-ce que les démocrates de Suède peuvent gouverner seuls ?

Non, ce n’est pas une option. Même s’ils arrivent à 17%, ils sont encore très largement minoritaires. La perspective d’une participation de l’extrême-droite à un gouvernement aujourd’hui en Suède ne me semble pas possible. En revanche, il doit être possible d’envisager, à mon sens, une coalition de centre-droit à nouveau au pouvoir et éventuellement sans participation de l’extrême-droite au gouvernement mais avec un soutien de l’extrême droite au Parlement qui permet d’avoir une majorité mais qui donne aussi à l’extrême-droite la possibilité d’avoir un accès à l’agenda politique. Ca n’est pas une option impossible. Elle est d’autant plus possible que finalement, le départ de Fredrik Reinfeldt à la tête de la droite traditionnelle ouvre des espaces politiques nouveaux, des partenariats avec l’extrême-droite qui n’était pas possible jusqu’ici.

Est-ce que comme ailleurs en Europe, les démocrates de Suède se concentrent sur la thématique de l’immigration ?

Oui, il y a bien sûr la thématique de l’immigration. Elle est fortement portée par les démocrates de Suède. Ça a été une des bases de leur électorat auprès des plus jeunes. Et aujourd’hui, ce qu’on a constaté avec les dernières élections, c’est une diversification croissante de l’électorat avec des tranches d’âge qui sont aujourd’hui beaucoup plus diversifiées. Avant, on était sur un électorat plus jeune et sur les plus âgés. Aujourd’hui, on est sur à peu près toutes les tranches d’âge et on a une progression sur l’ensemble des tranches d’âge. Également parce que l’extrême-droite porte des problématiques sur la protection de l’État-providence et notamment la défense des plus âgés, la question de l’accompagnement des personnes âgées par les établissements médico-sociaux qui sont des problématiques qui recueillent un écho au sein de la population parce qu’elles correspondent à une interrogation sur la qualité de la prise en charge, sur les moyens qui sont alloués et il y a une sorte d’opposition qui est faite entre l’aide sociale qui est donnée aux personnes d’origine étrangère ou immigrés et l’aide sociale qui peut être attribuée aux Suédois, notamment âgés.