2014-10-28 14:32:00

Des religieux français à Bangui, en Centrafrique


(RV) Entretien - Comprendre ce qui se passe en Centrafrique, se rendre compte de la situation de la population de ce pays en crise et en situation de guerre civile depuis 2013 : c’est le but que s’était assignée une délégation d’intellectuels et religieux français qui s’est rendue à Bangui du 21 au 25 octobre. Parmi elles, le pasteur protestant Jea-Arnold de Clermont, vice-président de l’Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions, et Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, président de Pax Christi France.

Pendant trois jours, ils ont participé à cinq tables rondes avec des intellectuels centrafricains ; l’occasion de confronter les points de vue mais surtout de libérer leur parole pour parler des épreuves que ces Centrafricains endurent depuis plusieurs mois, sans que la situation ne semble s’améliorer.

Interrogé par Xavier Sartre, Mgr Stenger revient sur ce qui l’a le plus frappé de son séjour en Centrafrique, sur ce qui pourrait permettre au pays de se relever, et sur ce que réalise l’Eglise catholique nationale dans ce contexte.

Nous avons eu cinq tables rondes avec des intellectuels, des laïcs mais aussi des religieux, musulmans et chrétiens. Et mon sentiment est qu’il y a là un potentiel extraordinaire pour le futur. Ce sont des gens à qui notre présence a permis de réfléchir et de s’exprimer sur ces violences qu’ils vivent et qu’il est parfois difficile d’exprimer. Il est du moins difficile de dire les explications qu’on a sur ce qui se passe, sur ce qu’est capable de faire une population qui bascule d’un coup dans l’horreur. Et là, nous étions venus pour ça : pour essayer de leur permettre de s’exprimer là-dessus, de parler, d’en prendre conscience et puis, peut-être, de chercher des solutions pour précisément, à partir de là, reconstruire quelque chose.

Selon vous, comment ce pays peut se reconstruire, peut repartir vers l’avant ?

Il faut d’abord faire fond sur la jeunesse. Ça veut dire faire fond sur l’éducation. Le système éducatif est totalement délabré. Les universités n’arrivent pas à terminer leurs années. Donc, les diplômes sont donnés par la force de l’habitude mais ça ne correspond à rien du tout. Le système éducatif pourrait équiper cette jeunesse. Il y a quelques jeunes de bonne famille qui peuvent étudier à l’étranger. Ceux là peuvent obtenir des diplômes. Mais les autres non ! Donc, il y a là un réel travail pour commencer.

Ensuite, la réconciliation qui mettra du temps parce qu’il y a des blessures profondes. Mais il y a des hommes qui s’y emploient. Je pense par exemple à l’archevêque de Bangui, Mgr Nzapalainga, à l’Imam Kobine, au président de l’Alliance Évangélique. Ce sont trois hommes qui travaillent ensemble et qui donnent un témoignage extraordinaire d’espérance pour ces peuples qui sont dans une situation un petit peu difficile, qui sont sonnés, si je peux me permettre cette expression quelque peu triviale.

Comment avez-vous trouvé cette Église catholique de la République Centrafricaine ?

Je crois qu’il y a là des hommes qui sont très présents, qui sont très fidèles. J’ai deux impressions un peu contrastées. Il y a le travail que fait l’archevêque et ceux qui le suivent. Il y en a un certain nombre. Il y a aussi des prêtres qui sont d’abord des Centrafricains et qui sont des hommes très remontés contre les musulmans, contre la Séléka qui est descendue du Tchad et qui a tué beaucoup de monde. Il y a les deux. La réconciliation mettra du temps parce que chez certains membres du clergé catholique, il y a comme une espèce de haine du musulman. Alors qu’il ne faut pas oublier que les catholiques ont massacré eux aussi des musulmans, tout comme les musulmans ont massacré des catholiques. Mais par rapport à cela, l’attitude de Mgr Nzapalainga , l’archevêque de Bangui, est dans un total contraste. C’est un leader naturel. Au fond, il n’y a pas de leadership politique en ce moment, dans ce pays. Mais en revanche, il y a un leadership religieux en la personne des trois hommes que j’ai cités toute à l’heure. 








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