2014-10-22 18:31:00

« Jamais un synode n'a été si transparent dans sa communication »


(RV) Entretien - Quelques jours après la fin du Synode extraordinaire des évêques sur la famille, le Père Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, dresse le bilan de quinze jours de débats passionnés, sur un thème fondamental dans la vie de chacun. Il répond aux questions d'Alessandro Gisotti.
 

« Cette expérience m’a semblé vraiment particulière et très différente de celle des synodes précédents parce que - comme nous l’avons dit, répété et comme le Pape l’a expliqué - cette fois-ci, il s’agissait d’une étape au sein d’un parcours. Ce n'est donc pas un synode fermé en soi, un épisode conclu, mais un moment de long discernement approfondi de l’Église comme communauté en chemin. Et nous avons fortement vécu cela. Par ailleurs, le Pape a justement choisi cet itinéraire complexe parce qu’il s’agit d’affronter des thèmes difficiles, passionnants, liés à la vie et à l’expérience de la Communauté de l’Église dans toute son ampleur : le peuple de Dieu, les fidèles, les laïcs et également les pasteurs comme responsables de ce chemin. Il s’agissait donc de thèmes qui n’étaient pas spécifiquement doctrinaux, pour ainsi dire, mais à la fois doctrinaux et pastoraux. 

Cela a rendu ce synode particulièrement engageant et particulièrement suivi. Quelqu’un a fait le parallèle avec le Concile Vatican II et ce n’est pas complètement déplacé : avec le Concile, Jean XXIII a mis l’Église universelle en chemin, sur des horizons naturellement très amples qui concernent la vie dans toute ses dimensions. Le Pape François a mis en chemin l’Église universelle sur un thème plus spécifique qui est celui de la famille et qui est extrêmement engageant.

Il l’a fait en réussissant à impliquer la communauté de l’Église à tous les niveaux grâce à une méthode complexe et articulée : il est parti de la consultation des communautés ; ensuite, il a impliqué le collège cardinalice au Consistoire et tous les présidents des Conférences épiscopales avec ce synode. Par la suite, il y aura une relance des Conférences épiscopales dans les communautés du monde entier. Enfin, on en reviendra à un synode ordinaire avec une représentation élargie des évêques et probablement aussi des observateurs et des auditeurs qui représenteront l’ensemble de la communauté de l’Église. Donc une implication de la communauté en chemin, en recherche sur des thèmes que nous connaissons depuis un certain temps - ils n’ont pas été improvisés, au contraire ! - mais qui demandaient vraiment une réflexion plus systématique, plus approfondie et communautaire sur leur nature pastorale et doctrinale.

 

C’est la première fois que François assiste à un synode en tant que Pape. Comme cardinal, il avait évidemment pris part à d’autres synodes, avec même des rôles importants. Comment avez-vous perçu le Saint-Père pendant ce synode ? Avez-vous eu la possibilité d’échanger avec lui quelques mots à propos de l’élaboration des travaux ?

Lors de ce synode, le Pape a suivi une ligne directrice très précise qu’il avait prévue : celle d’intervenir avec une homélie d’ouverture, lors de la messe d’ouverture et lors de la première congrégation et par la suite, d’écouter. Il a voulu écouter tout au long de ce synode, sans intervenir personnellement, pour laisser de l’espace à la liberté d’expression qu’il a fortement encouragée avec sa brève et forte intervention lors de la première congrégation générale, en invitant vraiment tout le monde à parler de façon claire, avec une liberté totale, sans la moindre préoccupation de ce qu’il aurait pu entendre ou penser. Il a voulu garantir une entière liberté. Cela a été très apprécié et a fait réfléchir sur la dynamique du synode. Ensuite, il est resté dans le silence jusqu’au discours final du samedi soir où il a tiré les enseignements de l’expérience spirituelle du synode comme évènement ecclésial et spirituel : il l’a fait avec une autorité extraordinaire. Je crois effectivement que sans ce discours final du Pape samedi soir et sans l’homélie de la béatification de Paul VI (mais surtout du discours de samedi soir), le synode serait demeuré quelque peu inachevé et n’aurait pas été lu avec la clef de lecture de la foi qui a véritablement inspiré et motivé l’esprit du Pape. 

Le Pape est donc intervenu au début et à la fin : il n’est pas intervenu entre les deux. Mais tous ceux qui ont eu affaire à lui l’ont toujours trouvé extrêmement serein, même dans les moments où l’on aurait pu croire qu’il y avait de la tension ou des discussions internes au synode. Ça ne l’a jamais dérangé : il a toujours été extrêmement confiant dans la conduite de l’Esprit Saint - disons-le ainsi - et dans la capacité de la communauté de l’Église et du synode en particulier de participer à une recherche spirituelle, une recherche du bien de l’Église qui à la fin, trouverait son orientation dans une perspective correcte et non dans une perspective simplement humaine ou de tensions internes. Elle serait plutôt reconduite à son sens, à sa vraie nature spirituelle avec l’aide du Seigneur et le Pape, comme guide, a reproposé avec autorité sa responsabilité pour la conduction, selon la volonté de Dieu, du chemin de l’Église. Ce thème du discernement spirituel, qui nous a touchés en profondeur lors du dernier discours, demeure extrêmement important pour la suite de la conduite du synode. C’est la vraie clef de lecture de l’ensemble du processus du synode. Le Pape, qui est un homme de foi, le vit dans cette perspective et avec cette clef de lecture. C’est pour cela que nous pouvons avoir confiance dans le fait que le synode atteindra, dans toute son évolution, un but positif pour l’Église.

 

Comment avez-vous perçu le synode concernant la communication ? C'est un synode dont on a beaucoup parlé, même dans les médias généraliste et qui a passionné, peut-être comme aucun autre synode de l’Histoire récente.

Oui. Il faut tenir compte du fait qu’il s’agissait d’un synode sui generis : il n’était donc pas comparable aux précédents. Il n’était pas possible d’utiliser exactement les mêmes modèles et les mêmes schémas utilisés pour les synodes précédents. On y a réfléchi en particulier dans la discussion sur la publication des interventions durant le débat général. Il faut avoir une idée assez concrète pour comprendre de quoi il s’agit car lors des synodes précédents, le temps de débat à l’Assemblée générale était largement prolongé et la distribution des interventions était beaucoup plus graduelle : dans ce synode, nous nous sommes trouvés pendant trois jours et demi avec une moyenne de 70 interventions par jour, qui n’auraient jamais été « traitées » dans une publication ordinaire, à moins que les pères n’aient présenté eux-mêmes des synthèses très précises et selon un schéma homogène à publier. Une chose qu’ils n’avaient pas préparée.

Il est absolument illusoire de penser qu’ils auraient pu le préparer, également parce qu’ils avaient déjà dû préparer deux autres interventions : la requête anticipée par le secrétariat du synode et la longue intervention à présenter en auditoire. Celui qui connaît véritablement la réalité concrète devait se rendre compte que cette publication d’interventions de la part d’une organisation du secrétariat du synode et de la salle de presse n’était pas très réaliste. C’est pour ce motif que d’autres voies ont été choisies : encourager tous les pères à se sentir libres d’exprimer ce qu’ils auraient voulu déclarer à ceux qui les auraient interrogés. On a créé une organisation pour faciliter la diffusion de brèves entrevues de façon à ce qu’elles puissent exprimer leur pensée et ensuite, une ample présentation synthétique dans la salle de presse sur l’ensemble des interventions pour avoir une certaine présentation globale, mais suffisamment équilibrée, de la richesse des thèmes traités. C’est en tout cas ce que l’on a cherché à faire. Il faudra voir si dans un synode organisé avec d’autres délais, comme ce sera peut-être le cas l’année prochaine - on pourra prévoir un schéma différent.

L’autre thème sur lequel nous avons largement débattu - même les pères - est la publication de la Relatio post disceptationem qui est en soi quelque chose qui a toujours été réalisée. Donc ni le secrétariat du synode, ni la salle de presse n’ont eu de doute à ce sujet. Nous nous sommes rendus compte que les pères n’étaient pas vraiment conscients qu’elle allait été publiée. La surprise dépend aussi probablement du grand intérêt porté cette année au synode, alors que dans d’autres cas, la publication de la Relatio post disceptationem n’avait pas d’échos particuliers et ne suscitait pas de débats particuliers. Cette fois-ci, au contraire, c’était un élément très important dans la dynamique. En faisant maintenant une évaluation, je dirais que nous pouvons également dire que c’était un élément positif car c’était vraiment une des étapes fondamentales dans une dynamique très intense de réflexion et de communication. La Relatio post disceptationem a marqué le passage à la seconde phase, celle des cercles mineurs, avec une dynamique plus interactive entre les pères et qui a été mieux comprise et mieux suivie par rapport aux synodes précédents, également par la presse et les observateurs qui suivaient le synode depuis l’extérieur. 

Je crois donc qu’il était opportun et nécessaire de publier la Relatio post disceptationem et cela a naturellement influencé la nature de la communication par la suite : la publication complète des relations des cercles mineurs est devenue logiquemen tnécessaire et naturelle. Il en est ainsi également de la publication complète de la Relatio Synodi. Il faut donc souligner que c’est un synode qui s’est déroulé avec un niveau de transparence et d’intensité en termes de communication certainement supérieur aux synodes précédents. C’était également nécessaire vu le grand intérêt avec lequel le synode a été suivi. Evidemment, la communication et les échos dans la presse généraliste sont parfois assez déséquilibrés. Ils se concentrent peut-être seulement sur certains thèmes et dans ce cas-ci, c’était évidemment les deux thèmes de la communion des divorcés-remariés et de l’homosexualité. Ces thèmes ont été traités durant le synode mais ont été par la suite fortement amplifiés. Mais dans l’ensemble, la richesse de la communication a permis à tous ceux qui voulaient effectivement comprendre, de saisir ce qu’il se passait et de participer avec une intensité remarquable.

 

Justement, quel est votre avis sur la façon dont ce synode, qui a suscité un très grand intérêt au niveau mondial, a été suivi de l’extérieur ?

De mon point de vue, le problème est toujours celui de la profondeur avec laquelle on comprend ce qui est en train de se passer et quel est le chemin de l’Église : généralement, ce qui manque ou ce qui est insuffisant, c’est le niveau de la compréhension dans la foi, qui est essentielle pour l’Église. Le discours final du Pape a aidé et devrait aider tout le monde à entrer dans ce niveau de profondeur. Il ne s’agit pas d’évaluer le synode du point de vue des éclaircissements, ou du point de vue du gouvernement de l’Église par le Pape comme un problème de caractère stratégique humain, mais il s’agit de comprendre que le Pape a souhaité que l’Église se mette en chemin. Et l’Église s’est effectivement mise en chemin pour rechercher la volonté de Dieu, à la lumière de l’Évangile et à la lumière de la foi, pour trouver des réponses aux questions les plus vives au sujet de la famille et dans un certain sens aussi, sur l’anthropologie, la condition de l’homme et de la femme dans le monde d’aujourd’hui.

Elle s’est mise en chemin avec une liberté et une capacité d’écoute réciproque très grande et avec une grande confiance, sans crainte. Le pèlerin qui chemine en cherchant la volonté de Dieu, dans un certain sens, ne sait pas où il arrivera - comme Abraham qui avance sous la conduite du Seigneur - mais il sait que le Seigneur l’accompagne et il est donc confiant ; il sait qu’il ira dans la bonne direction s’il continue à suivre en confiance les indications du Seigneur avec une recherche spirituelle conduite de façon communautaire, mais à la lumière de l’Évangile. C’est ce qui manque généralement dans une vision externe alors qu’il est extrêmement important que nous en tenions compte et que ce soit l’esprit avec lequel nous continuons le chemin, avec lequel le chemin synodal continue entre un synode et un autre, entre celui extraordinaire et celui ordinaire.

Ensuite, je dirais également que grâce au fait que tous les présidents des Conférences épiscopales ont participé à ce synode extraordinaire et qu’ils se sont donc engagés personnellement dans cette expérience aussi intense, il est probable que la relance de la réflexion soit profonde, efficace et vraiment articulée dans toutes les Conférences épiscopales, guidée par des personnes qui ont été touchées personnellement par cette expérience. On arrive donc au prochain synode ordinaire de l’année prochaine avec une expérience communautaire très large et profonde, comme le souhaite le Pape. »








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