2014-10-17 16:19:00

Le Premier ministre vietnamien en visite au Vatican


(RV) Entretien- Le Premier ministre vietnamien au Vatican. Nguyên Tan Dung sera reçu par le Pape François ce samedi 18 octobre. « Une rencontre pour approfondir les relations bilatérales entre le Vietnam et le Saint-Siège », a précisé le père Federico Lombardi, le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège.

En août dernier, lors de son voyage en Corée, le Pape François avait souhaité l'instauration d'un dialogue fraternel entre le Vatican et plusieurs pays d'Asie qui n'ont pas encore de relations diplomatiques avec le Saint-Siège, évoquant implicitement la Chine et le Vietnam.

Régis Anouil est le rédacteur en chef d’Églises d’Asie. Comme il l’explique, les visites de hauts responsables politiques vietnamiens au Vatican se multiplient ces dernières années, et il y a des avancées entre les deux États :

Depuis quelques années effectivement, les visites se succèdent : le chef de l’État, le Premier ministre était déjà venu une première fois en 2007 mais également le Secrétaire général du Parti communiste, un personnage très important. Ce sont donc des visites au plus haut niveau, auprès du Pape et auprès du secrétaire d’État dans lesquelles il faut sans doute voir un souci du Vietnam de normaliser ses relations internationales.  Il faut se souvenir que le Vietnam est un État communiste qui était un allié proche de la défunte URSS et qui depuis la disparition de cette URSS recherche des alliés ou des soutiens.

Le Vietnam est bien sûr le voisin de la Chine communiste. C’est un voisin et un partenaire incontournable. Mais c’est un voisin envahissant. On le sait, le Vietnam est un conflit territorial sur un certain nombre de questions. Hanoi cherche des soutiens à l’extérieur. Il est symptomatique ou intéressant de voir à cet égard que les relations ont repris avec les États-Unis et très récemment, Hanoi a annoncé l’achat auprès de leur ancien ennemi américain d’armes militaires de nature défensive. Il y a une volonté tout azimut du Vietnam de chercher des soutiens et également, sans doute, auprès du Saint-Siège.

Donc, ce n’est pas la première rencontre entre le Premier ministre et le Pape. Est-ce qu’on peut parler quand même d’un nouveau pas en avant ?

On parle en tout cas de pas en avant qui se multiplient, qui deviennent encore une fois une habitude et qui s’inscrivent dans un contexte de relations entre le Saint-Siège et le Vietnam. Il est assez défini depuis 2009. Il y a chaque année une rencontre de ce qu’on appelle le groupe mixte de travail du Vietnam et du Saint-Siège. Ce groupe se réunit une fois par an et ces 10 et 11 septembre derniers, le cinquième groupe de travail s’est réuni au Saint-Siège. Il y a donc une habitude d’un dialogue courtois entre les deux pays pour faire avancer la question. Ce ne sont pas forcément des relations diplomatiques parce qu’elles sont très compliquées. Il n’y a pas de relations diplomatiques à l’heure actuelle entre le Saint-Siège et le Vietnam. Depuis 2010, il y a la présence au Vietnam de ce qu’on appelle un représentant non résident du Saint-Siège auprès du Vietnam. De quoi s’agit-il ? Il s’agit tout simplement du nonce apostolique accrédité auprès de Singapour, qui vit à Singapour. Il n’est pas ambassadeur du Saint-Siège auprès de l’État vietnamien mais il représente le Saint-Siège auprès de l’Église et il se rend très régulièrement au Vietnam pour visiter les différents diocèses.

Que peut-on dire globalement de l’évolution des relations entre le Saint-Siège et le Vietnam ?

Elles sont d’une certaine manière contrastée. Il y a des choses tout à fait positives comme l’annonce récente en juillet dernier d’une avancée significative vers la création d’une université catholique à Saigon. Il faut savoir qu’en 1954 au nord et en 1975 au sud, l’Église a été chassée de l’ensemble de ses œuvres sociales, éducatives, caritatives et elle n’a pu que se replier, confrontée à la persécution ou à la répression, qu’au sein des sacristies.

Cet état de fait n’a pas véritablement changé mais l’Église n’a pas le droit d’exister aujourd’hui dans le milieu de l’éducation. Elle ne peut pas fonder, créer ou animer des écoles. Elle ne peut pas également prendre en charge le secteur de la santé. Il y a différents aspects de la présence de l’Église dans la société. Et là, il y  a cette annonce qui est donc un partenariat avec l’Institut catholique de Paris et différentes autres instances pour créer une université catholique à Saigon. C’est une avancée remarquable puisqu’elle marque un retour certain de l’Église dans le champ de l’éducation. Donc, c’est une avancée tout à fait positive.

Et quels sont les autres points qui sont encore délicats ?

Il est évident que le Vietnam ne connait pas une situation démocratique, ni une situation de liberté. La liberté de la presse n’existe pas. C’est donc sur internet que les bloggeurs s’expriment et ces derniers temps, un certain nombre de bloggeurs catholiques ont été jugés et condamnés à de longues peines de prison, même si certain d’entre eux ont depuis été libérés. Cette pression sur l’expression des catholiques dans la société reste très forte. De la même manière, elle ne s’applique pas qu’aux catholiques. Très récemment, le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté religieuse dans le monde a rendu un rapport plutôt critique vis-à-vis de la politique religieuse du Vietnam, soulignant les atteintes à la liberté religieuse sur différents points et différentes communautés. Donc, on voit une situation contrastée dans le sens où la situation se normalise de plus en plus sur le terrain, où l’Église retrouve un espace de liberté de plus en plus important. Mais on reste toujours dans ce cadre qui est celui où l’État octroie et l’Église est obligée de demander.

Et concernant l’évolution du nombre de fidèles ?

C’est une Église vivante, qui est très dynamique. Une Église qu’on peut qualifier de forte dans la mesure où elle reste bien sûr minoritaire. On ne compte que 7 à 8% de catholiques au Vietnam mais c’est une communauté unie, une communauté qui est soudée autour de ses prêtres et de ses évêques. Et c’est donc d’une certaine manière une communauté qui fait peur au pouvoir en place dans le sens où dans cette société civile qui est encore très contrôlée par le parti, par le gouvernement en place, les seules structures qui ont le droit d’exister et qui ne sont pas directement contrôlées par le parti, ce sont les structures religieuses et parmi elles, la seule, l’unique ou la plus importante avec une structure, c'est l’Église catholique. J’en veux pour preuve qu’il y a deux ans, les évêques au sein de la Conférence épiscopale ont créé une Commission justice et paix comme il en existe beaucoup à travers le monde dans les différentes conférences épiscopales. C’était une nouveauté pour l’Église catholique au Vietnam. Les rapports que cette Commission justice et paix produits ou écrits sont tout à fait nets et clairs. Ils dénoncent effectivement les lacunes et les souffrances de la société civile du fait d’une empreinte particulièrement forte du pouvoir. C’est inscrit dans la Constitution. L’État doit être contrôlé par le parti et le parti ne laisse aucun espace de liberté aux autres instances de la société.

Qu’en est-il de la Chine ?

C’est une question qui est connexe à celle du Vietnam. On sait qu’il n’y a pas de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin. Néanmoins, le Pape François a témoigné de sa volonté d’améliorer ces relations. Donc, il y a une volonté évidente de la part du Saint-Siège d’améliorer cette relation très difficile avec la Chine. On n'est encore une fois pas au même stade que ce qui se passe avec le Vietnam. Sans doute que le parti communiste chinois observe de manière très attentive ce qui se passe entre Hanoi et le Vatican. Il y a une relation étroite entre les deux Partis communistes mais des situations ecclésiales très différentes. En Chine, l’Église est beaucoup plus faible dans la mesure où en pourcentage, elle ne réunit que 1,2 ou 3% de sa population. Elle est divisée en différentes « couleurs » entre les officiels et les clandestins. On sait bien de manière plus large que les évêques sont réduits au silence. En Chine, il est hors de question d’entendre des évêques prendre position, à travers des documents, dans les débats qui sont ceux de la société aujourd’hui comme on peut le voir au Vietnam. Donc un cadre finalement assez différent.

 








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