2014-10-01 08:14:00

Afghanistan : les défis du gouvernement d'union nationale


(RV) Entretien- Le pays a vécu lundi la première transition démocratique de son histoire. Ashraf Ghani a officiellement succédé à Hamid Karzaï, seul homme à avoir dirigé l’Afghanistan depuis la chute des talibans en 2001, et a signé ce mardi un accord de sécurité bilatéral avec Washington. Un texte qui permet à 12 500 soldats étrangers de rester en Afghanistan en 2015. Leur présence est encore indispensable, puisque les forces de l’Otan n’ont pas réussi à mater l’insurrection des talibans, après 13 ans dans le pays.

Olivier Guillard est directeur de recherches Asie à l’IRIS, il revient sur la situation sécuritaire compliquée de l’Afghanistan :

« Sur un large plan, je comprends la situation de ce pays enclavé qui souffre un minima de trois décennies de crise. La situation n’est pas forcément plus belle aujourd’hui. Monsieur Ghani est le premier président démocratiquement élu et succède lui-même à un président qui avait été élu au scrutin universel dans des conditions quelque peu compliquées.

En Afghanistan, il est question de fraude, de corruption et d’organisation logistique qui posent à chaque fois un débat un petit peu compliqué. D’un point de vue sécuritaire, la situation est compliquée. Il y a quelques jours, en fin de semaine dernière, dans une province à l’est de Kaboul, à Ghazni, il y a eu une très importante attaque des taliban qui n’a pas été énormément relayée dans la presse. Cette dernière se focalise davantage sur la perspective d’inauguration du mandat de monsieur Ghani.

Nous avons 700 taliban qui ont attaqué les forces de sécurité afghanes qui profitent de moins en moins de soutien de la part de l’OTAN. Les troupes de l’OTAN sont dans un calendrier de retrait progressif depuis maintenant un peu plus d’un an. À la fin de l’année, il ne restera théoriquement qu’à peine dix petits milliers de soldats de l’OTAN, majoritairement américains, pour assister les forces de sécurité afghanes, c’est-à-dire l’armée et la police. Depuis ce que les taliban appellent « l’offensive printanière annuelle », à savoir la démonstration de force de la capacité de frapper, cette année a été la plus inflationniste en termes d’attaques de la part des taliban et en termes de bilan humain. »

Pour revenir sur l’aspect sécuritaire, après son investiture, Ashraf Ghani a appelé les taliban à la paix, les invitant à entamer des pourparlers et le matin-même, un attentat a été revendiqué par les taliban. Est-ce qu’on peut s’attendre tout de même à des changements ?

« A priori, à l’heure qu’il est, les taliban n’envisagent pas, au moins au niveau du discours ou au niveau des perspectives, un changement de stratégie à l’égard du pouvoir de Kaboul. Qu’il s’agisse de Monsieur Karzaï, le chef de l’État sortant ou celui qui suit, Monsieur Ghani, c’est du pareil au même. Les taliban ont un regard particulier sur les choses, la vie, le quotidien et le futur et ils considèrent que ces deux chefs d’État, le sortant et le nouvel arrivant, sont des marionnettes aux mains de Washington. Donc, des individus dont la crédibilité est toute relative. La nouvelle administration va mettre du temps à prendre ses marques et à montrer sa crédibilité auprès de la population et ne possède aucun argument supplémentaire par rapport à l’administration sortante.

C’est préoccupant pour cette instabilité domestique intérieure afghane qui pénalise encore une fois aujourd’hui au moins trente millions d’Afghans. »

Est-ce qu’on peut craindre à court ou moyen-terme un scénario tel que l’Irak avec la menace de l’État islamique ?

« L’Afghanistan n’a pas besoin d’une organisation radicale telle que l’État islamique pour faire un peu de mal à la population. L’insurrection islamique radicale que sont les taliban mène suffisamment la vie dure. Malheureusement pour la stabilité de l’État, les taliban ont plus le vent en poupe en direction de Kaboul que dans des zones tribales pakistanaises ou dans le sud.

Les taliban vont malheureusement dans le sens de l’histoire et d’une possible association à terme, directe ou indirecte, au pouvoir, par la force ou par une possibilité de collaboration avec le pouvoir démocratiquement élu de ce pays. La menace d’un État islamique en Afghanistan a moins de sens. Au contraire, les perspectives à court terme de l’Afghanistan se présentent plutôt sous le joug des taliban. »








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