2014-09-15 18:16:00

Un nouveau naufrage de migrants en Méditerranée


(RV) Entretien- C’est le naufrage le plus grave de ces dernières années en Méditerranée selon l’Organisation Internationale pour les Migrations, l’OIM. Au moins 500 personnes sont portées disparues depuis mercredi dernier, dans les eaux internationales à 300 milles nautiques au sud-est de Malte. L’histoire est tragique. Deux Palestiniens repêchés le 11 septembre par un porte-conteneurs italien après le naufrage ont rapporté à l’OIM qu'il y avait environ 500 personnes à bord.

Selon ces rescapés, les passeurs ont volontairement embouti un navire de migrants qui refusaient d’être transférés sur une embarcation plus petite. Des passeurs qui sont des criminels, rappelle Christiane Berthiaume, la porte-Parole de l’OIM, interrogée par Olivier Bonnel.

En juillet 2013, le Pape François s'était rendu sur l'île italienne de Lampedusa, dénonçant la "mondialisation de l'indifférence". Face à la répétition de ces drames, l'Italie avait lancé au mois d'octobre l'opération Mare Nostrum, mobilisant des patrouilles militaires dans la Méditerranée pour les opérations de sauvetage. C'est dans le cadre de Mare Nostrum que la marine italienne a rapporté ce lundi avoir secouru quelque 2.380 personnes au cours du week-end dernier.

 

C’est toujours un crime que de mettre des migrants, des gens sur des bateaux qui ne sont pas faits pour la mer et qui sont dangereux, comme ça se fait beaucoup trop souvent en partant de la Libye, de l’Égypte ou d’ailleurs en Afrique du Nord. Cette fois-ci, c’est encore pire parce que non seulement on a mis des gens sur des bateaux qui n’étaient pas très bons mais en plus, les passeurs, les trafiquants sont allés en mer. Ils ont rejoint ce bateau et ils ont voulu que les migrants qui se trouvaient sur le bateau déménagent de bateau, partent sur un autre bateau beaucoup plus petit et encore moins fait pour prendre la mer. Alors évidemment, les migrants ont refusé. Il y a eu des altercations, un peu violentes d’ailleurs et les trafiquants, les passeurs, en colère, ont frappé le bateau des migrants avec leurs propres bateaux dans l’intention de le couler. Et c’est effectivement ce qui s’est passé. Et à son bord, il y avait 500 personnes. À ce jour, on en a rescapé neuf  dont sept qui se trouvent à Malte et en Crète et deux palestiniens de Gaza qui sont en Italie. Ils ont dérivé pendant des jours et des jours et on a pu sauver ceux-là. Les chances de retrouver d’autres personnes vivantes sont vraiment très minces.

Que peut-on faire pour renforcer les contrôles et sanctionner ces passeurs, ces trafiquants qui est un des problèmes majeurs dans cette question des migrations ? Vous à l’OIM, qu’est-ce que vous préconisez pour renforcer la lutte contre ces passeurs ?

L’urgence et la priorité des priorités, c’est de sauver des gens. Essayer de renvoyer les gens de force, ce n’est pas comme cela que ça va marcher. Il faut sauver les gens et après ça, il faut établir un dialogue entre les pays de départ, les pays de transit et les pays de réception. Alors, ça ne peut pas continuer comme ça. Effectivement, il y a beaucoup de gens qui souhaitent trouver un monde meilleur ; beaucoup fuient la violence. Il y a des gens qui viennent de la Libye, de la Syrie et les deux palestiniens que nous avons rescapés provenaient de Gaza. Il y a la guerre en Irak et il y a beaucoup de violences. Les gens fuient la violence et d’autres fuient des conditions économiques épouvantables. Il faut que l’Europe s’assoit, parle avec les autres et trouve des solutions, ouvre des portes à une immigration qui pourrait être une immigration choisie. Si ces gens-là n’avaient pas un temps soit peu l’espoir de pouvoir peut-être trouver un travail en Europe, ils ne prendraient pas la route comme ils le font en ce moment.

Mais qui est responsable de ces drames ?  Est-ce que ce sont les pays de provenance, souvent déstructurés par la guerre ou les pays d’accueil qui sont indifférents ?

Je crois que ce sont les trois- les pays d’accueil, les pays de transit et les pays de départ- qui doivent s’asseoir et parler. Il faut absolument arrêter ce trafic épouvantable. Il faut pouvoir arrêter ces trafiquants de commettre leurs crimes. Ça n’a pas de sens. Ils mettent la vie de milliers de personnes en danger.

Est-ce que vous n’avez pas l’impression de crier un peu dans le désert ?

Un jour, il y a quelqu’un qui me disait « je ne pourrais pas faire ce travail, celui de travailleur humanitaire si je n’étais pas optimiste ». Et je pense que oui, quelque part, il faut alerter l’opinion publique pour qu’elle réagisse, qu’elle fasse quelque chose, qu’elle fasse pression sur ces dirigeants, pour que quelque chose soit fait. On ne peut pas laisser une situation comme celle-là. Pour qu’une mère décide de mettre son fils, sa fille, son enfant sur un bateau dans de telles conditions, c’est vraiment que cette personne est désespérée. Il n’y a que des familles désespérées qui font cela. Le jeune palestinien que nous avons rescapé nous a raconté cette histoire absolument bouleversante : Il était sur une espèce de radeau de fortune-on ne sait pas ce que c’est mais quelque chose qui lui permettait de flotter lui et un jeune égyptien, un jeune adolescent. Et pendant 48heures, ils ont flotté. Le jeune homme lui a raconté qu’il a pris le bateau parce que son père a fait 9 crises cardiaques et que son frère ne travaillait pas. Il voulait prendre ce bateau pour aller en Italie et travailler pour soigner son père. Et ce petit garçon, au bout de 48heures, est mort. Il était épuisé. 

 








All the contents on this site are copyrighted ©.