2014-09-01 09:43:00

Côte d'Ivoire : une étape vers la réconciliation?


(RV) Entretien- Une étape dite « cruciale » dans le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire : lundi, en effet, doivent commencer les audiences publiques des victimes des violences post-électorales de 2010-2011… Violences qui avaient fait plus de 3 000 morts en cinq mois dans le pays, entre partisans du président sortant Laurent Gbagbo et ceux de son adversaire Alassane Ouattara.

Bourreaux et victimes de ces épisodes sanglants seront mises face à face lors de ces auditions, qui se dérouleront sous l’égide de la Commission Justice, Vérité et Réconciliation, créée en 2011, et dont le mandat s’achève le 28 septembre prochain. Une commission censée être un pilier de la pacification des esprits, dans un pays encore marquée par une décennie de crise politico-militaire.

Michel Galy est politologue, professeur de géopolitique à l'ILERI, et spécialiste de la Côte d’Ivoire. Il revient pour nous sur cette commission, et sur les interrogations qu’elle suscite :

Le regard que nous portons sur ce processus est un regard plutôt positif, même si nous avons quelques réserves et quelques inquiétudes. Mais globalement, notre regard est positif parce que nous voyons un peuple qui a été fortement blessé par la crise et qui veut vraiment tourner la page. Aucun ivoirien n’est prêt à revivre ce que nous avons vécu lors de cette crise. Je crois que l’espoir est permis et l’Église est très présente et agit dans ce processus. Nous avons un évêque qui est dans la commission centrale et aussi des évêques qui sont dans les commissions régionales. Nous prions pour que ce processus aboutisse et que ça ne soit pas une réconciliation de façade.

Vous parlez de réserve et d’inquiétude. A quoi pensez-vous exactement ?

Notre pays a été profondément blessé et atteint par cette crise. Hélas, des politiciens ont trouvé le moyen de fanatiser les gens en jouant sur la fibre régionale et ethnique. Quand on arrive à ce niveau, ça atteint vraiment le fond des gens et ce n’est pas facile à cicatriser. Notre inquiétude, c’est que nous risquons d’avoir une réconciliation de façade, une réconciliation de bureau qui n’atteint pas vraiment le cœur des gens. Et si eux-mêmes ne se concertent pas, le feu risquerait de s’allumer encore. C’est à ce niveau-là que se situe notre inquiétude.

Ces confrontations arrivent parfois plus de trois ans après les faits. Est-ce qu’il n’y a pas un risque que ce soit « trop tard » pour une vraie réconciliation ?

Non, je ne pense pas parce qu’il fallait d’abord préparer le terrain. Je crois qu’il était nécessaire de prendre le temps pour préparer ces audiences, pour ne pas qu’on tombe dans ce qu’on a vécu en 2001, le forum qui a finalement été un défoulement collectif et qui n’a pas donné le fruit escompté. Si ca échoue-ce que je n’espère pas- ce serait pour d’autres raisons que pour un manque de préparation adéquate.

Ces audiences publiques, selon les mots même du président de la Commission, n’ont pas vocation ni à condamner ni à absoudre. Quelle est la marge de manœuvre réelle d’une telle commission et de telles audiences ?

C’est un gros problème. C’est la question que beaucoup se posent. Mais je crois que comme l’a dit le président Charles Konan Banny, la CJVR n’a pas pour vocation de punir ou de blâmer. La CJVR a je crois pour vocation de faire l’état des lieux et faire tout pour que la vérité surgisse. Qu’est-ce qui a été fait ? Qui a fait quoi ? Qui a fait quoi à qui ? Où ? Quand ? Dans quelle circonstance ? Et je crois que le travail de la CJVR est plutôt d’ordre technique. Ensuite, la CJVR remettra le fruit de son travail.

 








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