2014-08-13 15:00:00

Minorités en Irak : les évêques français appellent à une action forte


(RV) Entretien - La crise humanitaire s’aggrave au nord de l’Irak, les Occidentaux multiplient leur aide aux chrétiens et aux yazidis chassés de leurs villes par les jihadistes. De 20 000 à 30 000 membres de la communauté yazidie restent piégés dans les montagnes de Sinjar, dans la province de Ninive, sans nourriture, sans eau et sans abri. « Plus de 100 000 » chrétiens se sont réfugiés au Kurdistan voisin, face à l’avancée de l’État islamique, selon Mgr Pascal Gollnisch, le directeur de l’Œuvre d’Orient .

« Le terrorisme aveugle compte sur le relâchement estival de notre vigilance pour intensifier son chantage et ses odieuses exaction, craint Mgr Georges Pontier, le président de la Conférence des Évêques de France, qui a commenté mardi la situation « dramatique » des chrétiens d’Irak, qui « s’aggrave d’heure en heure ». A l’archevêque de Marseille de se demander alors : « entendrons-nous l’appel de la population irakienne et de ses diverses composantes ? » Le prélat invite les dirigeants à « concrétiser d’avantage leur prise de paroles ».

Face au sort de ces minorités, la Conférence des évêques de France a appelé mercredi à une action forte pour les aider, elles qui ont déjà tout perdu. Un appel lancé quelques jours après celui de Mgr Silvano Tomasi. Il faut « intervenir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard », avait déclaré la semaine dernière, l’observateur du Saint-Siège auprès des Nations unies. Mais ces déclarations ne sont en rien un appel à la guerre, comme l’explique Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France. Il est interrogé par Audrey Radondy 

Pourquoi le recours à la force est-il tout à fait fondé pour les évêques français ?

Aujourd’hui, nous sommes en présence de minorités qui sont complètement anéanties. La morale élémentaire demande qu’on les protège. Et c’est en ce sens que je me permets simplement de rappeler un principe de morale tout à fait classique : « La force doit être juste et la justice doit être forte ». On emprunte cela à Blaise Pascal et il est aussi très présent dans la théologie sociale de l’Église. On use de la force que quand on est dans un contexte qui le nécessite, quand il y a un appel crucial, quand on a épuisé toutes les autres médiations et quand à l’évidence, les petits ne sont plus protégés. La force elle-même doit toujours être juste. Elle doit être proportionnée et elle doit toujours être protectrice. La force doit neutraliser ceux qui font le mal. C’est le sens de la position éthique qui est tout à fait classique de l’Église. Il est évident qu’on ne dit pas cela de gaieté de cœur.  Auparavant, il faut bien évidemment recourir à toutes les autres possibilités de médiation.

Appeler à recourir à la force, est-ce que cela veut dire ne plus faire confiance à la capacité d’agir de la communauté internationale ?

Parmi toutes les capacités d’action de la communauté internationale, elle a aussi ce recours à la force. Mais ce n’est pas un recours à la force qui est belliqueux. On peut recourir à la force de multiples manières. On peut recourir à la force en faisant des pressions de plusieurs natures. Je ne suis pas expert en logistique mais il y a évidemment tout un ensemble de procédés qui peuvent être utilisés. Quand on rencontre des gens qui font le mal et qui ne dialogue pas, on ne peut pas moralement les laisser agir envers des faibles. Il faut bien sûr neutraliser ceux qui font le mal. Je n’ai pas à en dire plus sur la procédure mais la communauté internationale a le devoir de neutraliser, sous une forme ou une autre, ceux qui font le mal.

Et vous attendez quand même une réaction plus forte de l’Europe ?

L’Europe nous semble vraiment trop attentiste. Dans la déclaration que font les Conférences épiscopales européennes auprès du Conseil de Sécurité des Nations unies, il y a quelque chose qui est tout à fait révélateur. Les évêques d’Europe s’expriment pour dire l’urgence de toutes les interventions possibles. Et de fait, il faudrait que l’Europe comprenne que si elle était beaucoup plus soudée pour une réaction contre les atteintes aux minorités, elle en recevrait elle-même un bénéfice éthique parce que quand on a une action morale commune, on est beaucoup plus fort ensemble et la conscience européenne serait certainement plus vive. Nous ne pouvons pas du tout nous endormir et nous devons rappeler ce devoir de conscience européen. En tant qu’Europe, nous avons aussi une vocation à la paix et à la justice à travers le monde.

Quelles sont les différences par rapport à la situation en Syrie ?

Le Saint-Père avait insisté pour que l’on recourt à toutes les médiations antérieures. Pourquoi le Saint-Père avait-il insisté ? C’est parce que la morale de l’Église, la morale catholique rappelle qu’on ne doit pas engager une opération de force quand il y a un risque d’accentuer encore le conflit. Dans le cas de la Syrie, le Saint-Père avait désiré, avec grande justesse, qu’on mette toutes les voix possibles du dialogue parce qu’il y avait un risque d’embrasement très grand. Ici, on ne se bat pas contre quelqu’un au sens d’un pays ou d’une dictature. Dans le cas de l’Irak, on est en train de protéger des minorités qui sont déjà elles-mêmes anéanties. La situation n’est pas du tout comparable en termes de discernement même si bien sûr, tout cela est quand même très douloureux à faire. Ce n’est pas un discernement facile. Je comprends que pour les personnes, ce soit toujours un discernement très délicat. Il y a des hommes politiques français qui viennent de signer un texte commun en disant que sinon, c’est le risque du déshonneur.

Et pour terminer, avez-vous quelque chose à ajouter ?

Qu’en cette Assomption, tout le monde se mobilise. Il y a des appels très importants. Mgr Georges Pontier lance un appel très important à toutes les communautés de France pour la prière. Il y a une prière qui est largement diffusée dans les paroisses. Il y a un appel aux dons auprès du Secours Catholique des Chrétiens d’Orient pour que les catholiques se mobilisent vraiment afin que tout cela devienne tangible et concret et pour soutenir nos frères d’Orient. Et il faut prier pour que la paix advienne et que les minorités soient vraiment protégées par le courage de la communauté internationale. 








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