2014-08-13 12:32:00

Les violences en Irak compromettent le dialogue interreligieux


(RV) Entretien - Face à la situation en Irak, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a publié mardi une déclaration appelant la communauté internationale à réagir, en particulier les responsables religieux.

Les termes sont d’une grande fermeté pour condamner les agissements de l’Etat islamique, dénonçant les actions criminelles et la barbarie du prétendu califat. Jean-Baptiste Cocagne a rencontré le président du Conseil Pontifical, le cardinal Jean-Louis Tauran, auteur de la déclaration.

Quel est l'objectif de cette déclaration ?
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Je pense que nous avons tous été bouleversés par les images que nous avons vues. On ne peut pas se taire. En particulier, les chefs religieux doivent dénoncer cette manipulation de la religion. Je dois citer un texte qui m'a beaucoup impressionné, c'est la déclaration des musulmans de Gironde. Le recteur de la mosquée de Bordeaux a dit : « devant cette horreur, on ne peut s'empêcher de penser que ce mouvement de terreur tenu au nom de l'Islam ne fait que participer d'un processus géopolitique plus vaste, celui d'une reconfiguration politico-ethnico-religieuse de l'Islam dans cette région ». C'est une déclaration très courageuse. Il y a aussi des faits qui sont magnifiques : des familles musulmanes qui accueillent des réfugiés chrétiens. Comme dans toutes les guerres, il y a aussi l’aspect positif de la solidarité humaine. Tout n’est pas noir, même si le noir l’emporte sur le gris.

Les termes de la déclaration sont fermes et explicites. Est-ce que vous avez été déçu par le manque de réaction de la communauté Internationale et des responsables religieux ?
Oui, c’est la raison pour laquelle nous avons fait cette déclaration. Dans l’ensemble, le message a été très bien accueilli et surtout, sa fermeté a beaucoup frappé les lecteurs. Maintenant, on va voir ce que ça va donner. Aujourd’hui, j’ai déjà vu des réactions positives de la part de certaines organisations musulmanes. Le but est de réveiller un peu l’opinion publique qui est occupée par les vacances et par  quantités de choses... mais on ne peut pas rester silencieux devant ces barbaries.

Est-ce que les agissements de l’État islamique peuvent compromettre le dialogue interreligieux entre chrétienté et Islam ?
Evidemment, se pose le problème de la crédibilité de ce dialogue. On peut dire « vous voyez, votre dialogue...  voilà le résultat ». Je crois que plus c’est difficile, plus l’horizon semble bouché, et plus il faut dialoguer. Personnellement, je continuerai à dialoguer. Nous sommes condamnés au dialogue. Ou c’est la guerre, ou c’est le dialogue. Comme chef religieux, il faut toujours prêcher la rencontre, l’écoute et la compassion. C’est ça notre mission !

Certains responsables religieux parlent de la nécessité d'une intervention militaire dans le nord de l'Irak. Qu'en pensez-vous ?
Je ne me prononcerai pas car une question diplomatique. On peut envisager une couverture militaire d'une aide humanitaire comme ça s'est fait au moment de la guerre des Balkans. Mais c'est extrêmement délicat.

Le Pape François a envoyé un émissaire spécial sur place : le cardinal Filoni. Selon vous, quelle est sa marge de manœuvre en Irak ?
Le cardinal Filoni jouit d’un très grand prestige parce qu’il resté pendant les bombardements de la guerre de 2003. Personnellement, j’ai toujours admiré son courage, sa patience et son jugement très équilibré. Il a beaucoup d’atouts en main. Maintenant, dans une situation pareille, je crois qu’il ne faut pas s’attendre à des résultats très visibles. Mais ça crée un climat et il y a des contacts qui se nouent. Ce sont des initiatives qui font finalement comprendre qu’on ne peut pas être heureux les uns sans les autres et certainement jamais les uns contre les autres.  








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