2014-08-12 18:36:00

Les protestants aussi attendent François en Corée


(RV) Entretien - Le Pape s'envole mercredi pour l'Asie. La Corée du Sud est un des pays d’Asie orientale où le christianisme est le plus dynamique. Les chrétiens y représentent environ un tiers de la population. Les catholiques sont, eux, à peu près 10 % de la population totale.

Le Pape François visite donc un pays où les catholiques sont doublement minoritaires, par rapport à l’ensemble des habitants, mais aussi par rapport aux chrétiens. Comment les protestants sud-coréens perçoivent-ils ce voyage ? Nous avons interrogé Hyonou Paik, Sud-Coréen, pasteur de l’Eglise Réformée dans le canton suisse de Neuchâtel. Très actif sur le plan œcuménique, il a confié à Gabriele Palasciano ses attentes envers le voyage du Pape François dans son pays

« Sa visite aura lieu à l’occasion du huitième rassemblement des jeunes catholiques en Asie. On attendra donc un message d’espoir et d’encouragement à l’égard des jeunes. Plus particulièrement, la société sud-coréenne souffre actuellement des effets secondaires du néo-libéralisme économique à l’excès et les jeunes en sont les premières victimes. Le taux de chômage chez les jeunes continue à monter. Dans ce contexte, un message de la part du Pape qui encourage les jeunes à participer de manière active et critique à l’humanisation de la société et de son économie sera le bienvenu.

Deuxièmement, il y aura la béatification de 124 martyrs. Le témoignage des chrétiens est toujours d’actualité en Corée. Heureusement, nous ne sommes plus persécutés pour des raisons religieuses mais au nom de la foi, les chrétiens continuent à élever leurs voix pour dénoncer l’injustice et cette voix est parfois opprimée. On attendra de la part du Pape un rappel du rôle prophétique de l’Église dans le monde.

Troisièmement, on célébrera à la cathédrale de Séoul une messe pour la paix et la réconciliation entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. Je prie pour qu’il puisse prononcer un message courageux qui dénonce la situation de militarisation effrénée dans la péninsule qui aspire à une paix durable entre les deux Corées.

Comment est-il perçu actuellement dans la société et dans les Églises coréennes : dans l’Église catholique mais aussi dans l’Église protestante ?

Du côté protestant, il y a une rupture radicale à l’intérieur même des églises protestantes au sujet de l’œcuménisme. Grosso modo, la partie engagée pour le dialogue œcuménique est constituée aussi d’églises très engagées pour la justice sociale. En revanche, dans une grande partie des églises protestantes hostiles à l’œcuménisme, ce refus va souvent de pair avec le conservatisme social et la diabolisation des idées communistes et socialistes. L’image du Pape François est influencée par ces facteurs.

Quel est le développement théologique coréen ?

En ce qui concerne la théologie, elle a une histoire très intéressante. Il peut y avoir quelques éléments intéressants en ce qui concerne la créativité théologique dans la péninsule coréenne.

Comme exemple concret, il y a la théologie de Minjung. Il fait partie du milieu presbytérien qui s’est développé dans les années '70 et ’80. C’était une sorte de version asiatique de la théologie de la libération. Ensuite, à partir de ce milieu-là, il y a eu beaucoup de réflexions pour l’écologie et la question de la paix notamment en relation avec la situation actuelle de la séparation entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.

Actuellement, on est aussi en train de réfléchir sur l’héritage de certaines figures comme Ham Seok Heon ou Yu Yong Mo. Ce sont deux noms qui reviennent  à la surface. Ce sont des figures qui ont voulu réfléchir à la foi chrétienne avec l’héritage traditionnel, notamment le confusionnisme et aussi la réflexion de la part du bouddhisme. Mais il faut bien dire que c’est plutôt un phénomène récent et la créativité viendra avec le temps.

Actuellement, quel est le rôle des Églises dans et pour la réconciliation et l’unité de la chrétienté ?

Malheureusement, le dialogue œcuménique, notamment entre les protestants et les catholiques est assez timide jusqu’à maintenant. Dans les années ’60,  il y a eu une séparation assez douloureuse à l’intérieur des familles protestantes à cause de la question œcuménique. C’était plutôt une question de division que de rassemblement. Il y a une grande partie des églises qui refusent le dialogue pour l’unité et la réconciliation entre les églises. Et malgré tout cela, il y a de plus en plus de voix qui s’élèvent pour un vrai dialogue et une vraie reconnaissance mutuelle entre les églises séparées.

Malheureusement, ce dialogue se construit toujours au niveau des dirigeants, des engagés, des théologiens ou des responsables des églises. Les fidèles ne sont pas très au courant en ce qui concerne ce mouvement. »








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