2014-08-11 15:55:00

Dans les pas de la minorité chrétienne en Corée du Sud


(RV) Du 13 au 18 août, le Pape François rend visite à un pays, la Corée du Sud, où vit une minorité chrétienne assez importante puisqu’elle représente environ un tiers de la population. L’histoire de l’évangélisation de la Corée est singulière et assez récente puisqu’elle remonte à la fin du XVIIIe siècle. A l’époque, la Corée, qui ne formait qu’un seul et même royaume, vivait dans l’isolement le plus total et payait un tribut à l’empereur de Chine. Pourtant, le christianisme va réussir, non sans mal, à pénétrer à l’intérieur de ce royaume ermite au prix du sang de martyrs.

Parmi ceux que le Pape va béatifier le 16 août à la porte de Gwanghwamum à Séoul, figure un prêtre chinois, le père Jacques Chu, le premier à avoir été envoyé par l’évêque de Pékin. Il s’est rendu sur place en 1794 pour prêter main forte à la jeune communauté autodidacte qui s’est formée à partir de 1784. C’est l’un des « héros » d’une aventure unique, celle de l’évangélisation de la Corée.

Les explications de Xavier Sartre

Cette Eglise de Corée du Sud est fréquemment présentée comme une des plus dynamiques d’Asie : les catholiques représentent ainsi 10% de la population et 100'000 baptêmes en moyenne sont enregistrés chaque année.

Elle qui connut le martyre et la persécution doit beaucoup aux laïcs qui furent les premiers, de leur propre initiative, à s’intéresser au message de l’Evangile. Ces premiers chrétiens furent aidés par des missionnaires français des Missions étrangères de Paris. Leurs actions se perpétue encore aujourd’hui.

Mgr René Dupont, membre de ces missions en Corée depuis 60 ans, a été le premier évêque du diocèse de Andong qu’il a dirigé pendant 22 ans. Il revient avec Xavier Sartre sur le dynamisme de cette Eglise qu’il a vu grandir et mûrir.

La restranscription de l'interview réalisée par Xavier Sartre : 

« Depuis 60 ans que je suis en Corée, il y a environ 100'000 baptêmes d’adultes tous les ans. C’est extraordinaire et c’est régulier depuis 60 ans. Pendant tout ce temps, la Corée s’est développée matériellement et en même temps, elle s’est développée spirituellement.

Lorsque je dis cela à des occidentaux, ils me disent que c’est contraire à toutes nos idées. On a l’impression que le monde moderne étant un monde matérialiste, l’acceptation du monde moderne amène à un éloignement de la foi. Ce n’est pas le cas en Corée. Le développement économique a été de pair et va encore de pair avec le développement de l’Église.

D’où vient le dynamisme de l’Église catholique en Corée du Sud ?

La Corée étant divisée en deux, lorsqu’on cherche des raisons humaines, on voit que la Corée du Sud est différente et se veut différente de la Corée du Nord. La Corée du Nord est officiellement athée. En Corée du Sud, accepter l’athéisme est contraire à tous les principes habituels des gens. Au contraire, les gens se veulent spirituels et religieux.

Un personnage comme celui du cardinal Kim, qui est décédé il y a cinq ans, a été un symbole de ce qu’est l’Église catholique. Il a su s’opposer à un gouvernement dictatorial. Il a su promouvoir le bien des pauvres gens, des petits ouvriers et des petits paysans. Il a su défendre les droits de l’homme et défendre les droits de la conscience. Le cardinal Kim était respecté même par le gouvernement qui ne l’aimait pas mais qui ne pouvait pas ne pas entendre ce qu’il disait. C’est une personne qui a profondément influencée la société coréenne.

Au-delà de ces raisons, est-ce qu’il y en a d’autres ?

L’Église catholique a toujours été vivante. L’Église catholique est agréable et ici, elle est un peu le symbole de la nouvelle Corée, de la bonne nouvelle Corée moderne. C’est une société qui s’est développée matériellement mais qui a aussi de l’allure. Elle est fière d’être elle-même. L’Église catholique est respectée au point que le mot « catholique », qui n’est pas un mot coréen, est utilisé dans la société coréenne par des gens qui veulent se reconnaitre comme des gens honnêtes.

Par exemple, dans l’armée, 20% des généraux sont catholiques. Cette proportion de catholiques parait invraisemblable. À l’armée, on encourage les jeunes qui font leur service militaire à choisir une religion parce que par rapport à la Corée du Nord qui elle, n’a pas de religion, on pense qu’avoir une religion, cela vous soutient moralement et que si un soldat a une religion, il sera prêt à se dévouer pour son pays, davantage que quelqu’un qui n’a pas de religion.

Est-ce qu’on peut dire que la société sud-coréenne est aujourd’hui vraiment une société religieuse ?

Ce serait exagéré. Mais on peut dire que dans la société coréenne, les religions ont leur place et les elles sont respectées. Aussi bien les prêtres catholiques que les pasteurs protestants et que les moines bouddhistes ont leur place dans la société coréenne. Ils sont écoutés.

Je ne dis pas que leur influence est telle que la société est religieuse. Non, la société a des problèmes d’argent. Le développement matériel amène la corruption. Les Églises n’ont pas réussi à arrêter la corruption dans la société coréenne. Mais les gens savent que ce n’est pas normal. Les gens corrompus savent que ce n’est pas normal. Et ils respectent ceux qui ne sont pas corrompus.

Est-ce que l’Église catholique sud-coréenne, et même au-delà de l’Église, et les catholiques sud-coréens sont engagés dans la société et en politique ?

C’est un problème délicat parce que l’engagement dans la société est réel. Au point de vue politique, le nombre de députés catholiques dans le parti au pouvoir ou dans le parti d’opposition est plus important que le nombre de catholiques dans la société coréenne. Maintenant, les questions politiques, c’est toujours une arme à double tranchant. Avec la même foi catholique, on peut très bien être d’un parti ou d’un autre parti. Ca fait partie de la logique d’une société moderne, d’une société libre.

On trouve des catholiques dans tout ce qui est caritatif. Tout ce qui est caritatif est influencé par le catholicisme. Si bien que le gouvernement coréen qui s’est beaucoup développé matériellement a eu conscience qu’au point de vue du bien des gens, des lois sociales, il était en retard par rapport aux autres pays développés.

Toutes ces dernières années, le gouvernement a lancé beaucoup de maisons pour les handicapés, pour les malades de toute maladie possible et imaginable et pour les personnes âgées.

Le gouvernement construit des maisons pour ces différentes catégories de personnes et il cherchait des gens à qui remettre la gestion de ces maisons parce que le gouvernement coréen n’a pas encore suffisamment de personnel formé. Le gouvernement confie alors la gestion de beaucoup de ces maisons aux religieux. Manifestement, ils en donnent davantage aux catholiques qu’aux bouddhistes et aux protestants. »








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