2014-08-01 19:29:00

L'Argentine refuse de payer les fonds vautours


(RV) « Que ce monde mette un frein aux fonds vautours et aux banques insatiables qui veulent s’enrichir avec une Argentine à genou ». A Buenos Aires, la présidente Cristina Kirchner proteste. Deux agences de notations américaines, ont déclaré son pays en défaut « partiel » de paiement cette semaine.

En dépit d’une décision de justice aux Etats Unis à la faveur des fonds vautours, Buenos Aires refuse de payer ces institutions qui ont spéculé sur sa dette pour réclamer aujourd’hui des intérêts d’élevant à 1,3 milliards de dollars. Ce vendredi de nouvelles tractations se dérouleront à New York entre les deux partis. Interrogé par Marie Duhamel, Damien Millet est le secrétaire général du comité pour l’annulation de la dette du tiers monde

Tout le monde est coincé par la situation actuelle. L’État argentin sait très bien que s’il ne les rembourse pas, il ne va plus pouvoir continuer à rembourser sa dette. Donc, ça veut dire un petit peu se mettre au ban des nations et rompre avec les institutions internationales. De l’autre côté, il y a les fonds vautours qui veulent évidemment récupérer l’argent et qui se demandent comment faire. La situation internationale est encore tendue par le fait que les autres créanciers sont présents. Il y a 93% des créanciers de 2001 qui ont accepté une restructuration de leurs dettes, qui ont donc perdu de l’argent et qui en ont récupéré à peu près 30%. Mais eux, ils guettent la situation parce que si les fonds vautours ont gain de cause, ils peuvent eux aussi rentrer à nouveau dans la danse, attaquer en justice et dire  que si les fonds vautours ont eu le remboursement de l’intégralité de ce qu’ils demandaient, pourquoi est-ce qu’ils n’auraient pas l’intégralité de ce qu’ils ont demandé à l’époque ? Et ce n’est pas du tout un ou deux milliards qui seraient en jeu, ce serait 100-120-140 milliards qui seraient d’un seul coup en jeu. Et là, ça change la donne au niveau international parce que pour l’Argentine, ça complique énormément la situation. Et puis,  il y a les autres pays. Si d’autres pays dans le monde sont en difficulté sur leurs dettes, ils se disent que peut-être qu’une restructuration de dettes serait provisoire. Si les fonds vautours surgissent, peut-être qu’il faudra tout rembourser à termes.

 

Pour en revenir à l’Argentine, ils ont décidé pour l’instant, pour ne pas déclencher une avalanche de réclamations, de ne pas payer les fonds vautours. De quels arguments disposent-ils aujourd’hui ?

Je crois que l’Argentine doit restée ferme. Elle a fait un bras-de-fer avec les fonds vautours. Ce n’est pas à la dernière minute qu’il faut dire qu’on cède. Il faut rester ferme et la fermeté paie. Il ne faut surtout pas essayer de dire qu’on va entrer dans une négociation avec un créancier parce qu’avec lui, la situation n’est pas symétrique. Il y a le pays endetté qui n’arrive pas à rembourser et il y a l’institution créancière qui elle, a des fonds et veut en récupérer un maximum. Aujourd’hui, l’Argentine ne doit pas céder. Elle doit essayer de rallier un maximum de pays et d’organismes internationaux à sa décision pour essayer ensuite d’isoler ces fonds vautours et de les contraindre à abandonner une partie de leurs créances comme elle avait réussie à contraindre 93% de ses créanciers entre 2001 et 2005 d’abandonner une partie de leurs créances.

 

Toujours est-il que la justice américaine a donné raison à ces fonds vautours qui du coup, s’attendent à être payé. Quelles solutions peut-on trouver ? On parle par exemple de banques qui seraient d’accord pour racheter la dette argentine dont J.P. Morgan.

Pourquoi est-ce que la justice américaine serait celle qui régirait les décisions d’un état extérieur aux États-Unis ? La question mérite d’être posée. La deuxième chose, c’est que ce qu’il se passe avec les banques, c’est qu’on essaye de trouver une solution qui ne mécontenterait personne. Mais finalement, au bout du compte, cette solution ne mécontente personne. Ca veut dire que l’Argentine a payé. Elle a payé sans perdre la face par rapport aux autres créanciers. En fait, ce que les négociations actuelles essayent de faire, j’ai bien peur que ce soit simplement de trouver une solution pour que l’Argentine rembourse les fonds vautours sans donner la possibilité aux autres créanciers de demander des remboursements nouveaux.

 

Est-ce que vous pouvez m’expliquer ce mécanisme de compromis ?

Simplement, la banque rembourserait le fond vautour, donc rachèterait la créance au fond vautour au prix qu’il demande. Finalement, le fond vautour récupérerait ses fonds. Ensuite, la banque privée argentine se tournerait vers l’état argentin et négocierait un accord avec l’état argentin qui serait un accord  avec un autre créancier dans les conditions particulières d’un accord exceptionnel. Je pense qu’il y a un point sur lequel il faut quand même revenir, c’est l’historique de la dette argentine. D’où vient la dette de l’Argentine ? En quelques mots, l’Argentine, c’est une dictature militaire très importante entre 1976 et 1983. Et quand la dictature tombe, le gouvernement qui lui succède, au lieu de dire « non, ça, c’est la dette de la dictature, on ne la rembourse pas. Il va accepter de rembourser la dette de la dictature qui est une dette odieuse. En 1989, c’est Carlos Menem qui arrive au pouvoir pour dix ans. On sait que c’était quelqu’un de corrompu, ça a été prouvé par la suite et il va continuer d’endetter le pays jusqu’en 2001 où le président argentin dit qu’il ne peut plus rembourser car il n’a plus les moyens. On voit bien que cette dette est odieuse parce qu’elle n’a pas été contractée dans l’intérêt des populations. Pourquoi les populations en Argentine devraient se saigner aux quatre veines pour rembourser une dette qui a cette histoire-là ?

 

Évidemment, vous faites allusion à des textes de loi qui existent comme la dette odieuse. Pour en revenir justement à cette conséquence pour la population, l’Argentine a été décrétée par les agences de dotation en défaut de paiement, en tous cas pour deux d’entre elles. Quelle conséquence immédiate ça a pour la population ?

L’Argentine a déjà été en défaut de paiement pour 2001 et 2005. Ensuite, elle a eu une croissance annuelle de l’ordre de 8 ou 9%. Une croissance qu’on peut critiquer, qui repose avec du soja transgénique, etc. mais ça n’a pas empêché de renouveler avec la croissance économique, justement parce qu’il était en défaut de paiement et puis ensuite, voir que l’Argentine fait partie du G 20. Quand il y a eu la grande crise financière des années 2007-2008. Pour trouver une solution au niveau internationale, on a convoqué les vingt pays les plus riches, on a convoqué l’Argentine dans la liste. Elle n’a pas été mise au ban des nations. Elle n’a pas du tout été considérée comme un état voyou. En 2001, elle a eu raison d’arrêter de payer parce que l’état s’enfonçait dans la crise, la population s’enfonçait dans la misère et il fallait faire quelque chose. Dans ces conditions-là, faire quelque chose, c’est arrêter de rembourser la dette. Si vous voulez, il y a deux types de droits. Il y a les droits humains fondamentaux et ceux-là ne sont pas négociables : le droit à une alimentation décente, le droit à l’eau potable, le droit à une éducation primaire, à une santé de base, etc. À côté, il y a le droit des affaires, le droit des créanciers. Le but n’est pas d’être hors-la-loi par plaisir. Si ces deux droits ne peuvent pas être négociés, en même temps, c’est forcément le droit des créanciers qui va être piétiné et pas du tout les droits fondamentaux. Or, aujourd’hui, on est en train de faire le contraire. 








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