2014-07-17 12:00:32

Israël-Palestine: ces parents endeuillés qui veulent croire à la paix


(RV) Entretien- Une fois encore, le monde assiste, impuissant, parfois même indifférent, au sinistre spectacle d’un Proche-Orient embrasé. Le cycle infernal des bombardements et des représailles vient allonger inexorablement la liste déjà trop longue des victimes de ce conflit.

Les discours de guerre et de revanche viennent étouffer les voix de paix qui s’élèvent de part et d’autre, et au-delà, du monde entier. Rappelons à cet égard le vibrant appel du Pape François, lancé depuis le Vatican, au cours de l’angélus, dimanche dernier. Mais la Terre Sainte, la Terre du Christ, lacérée par le conflit et ses conséquences s’éloigne pourtant de la paix tant désirée.

Au cœur de cette tragique réalité, -celles des Israéliens et des Palestiniens, deux peuples vivant côte à côte, sans se connaître pour autant-, émergent des initiatives de paix et de réconciliation. Le Cercle des parents-Forum des familles est de celles-ci. Née en 1998, elle rassemble des familles israéliennes et palestiniennes ayant perdu des proches pendant ce conflit. Réunies par le deuil et la douleur, ces familles, que tout semble séparer, se mobilisent pour faire entendre leur message : la paix est possible, il suffit de se parler.

Nous avons joint Yuval Rahamim, membre israélien de cette association. Ecoutez son témoignage recueilli par Manuella Affejee : RealAudioMP3



Quand j’étais petit, quand j’avais huit ans, j’ai perdu mon père pendant la guerre. J’ai décidé de consacrer ma vie à la revanche. Quand j’étais petit, c’est tout ce que je savais. Je suis allé à l’école militaire et j’ai passé six ans dans l’armée. Je suis devenu officier. Après avoir fini mon service, j’ai commencé ma vie. Je me suis marié et j’ai eu des enfants. J’ai mis de côté ce désir mais en même temps, je me posais des questions sur ce qu’il se passe ici. Pourquoi la guerre continue- t-elle ? L’histoire qu’on nous raconte, est-ce la vraie histoire et est-ce qu’on nous montre vraiment tous les aspects de l’histoire ? Donc, j’ai commencé à me forger mon avis personnel mais c’est seulement lorsque mes enfants étaient assez grands pour aller eux-mêmes faire le service que j’ai décidé de devenir plus actif.

Cette association rassemble des familles israéliennes et des familles palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza. Comment le dialogue peut-il avoir lieu entre ces deux peuples ?
C’est ça qui est formidable dans notre association. Au début, ce n’était que des Israéliens mais après, il y a des Palestiniens de Gaza qui nous ont rejoint et on a organisé des évènements ensemble. Le dialogue a continué. Peu après, des Palestiniens de Cisjordanie nous ont rejoints. Malheureusement, les contacts avec les membres de Gaza ont été coupés à cause de la fermeture des frontières. Mais avec les Palestiniens qui viennent de Cisjordanie, ce n’est pas un problème parce que la plupart du temps, ils ont des permis. Tout de même, ce n’est pas facile parce que vous savez bien que ce sont deux cultures complètement différentes. Il y a le problème de la langue et il y a le problème des régimes parce qu’eux sont sous le régime militaire de Tsahal mais nous, nous sommes libres de circuler. Pour eux, c’est beaucoup plus difficile. Ils ont besoin de permis pour toutes les choses qu’ils font. Mais nous faisons de notre mieux pour en sortir parce qu’on ressent la même chose. On a perdu un être cher et il faut donner tout notre pouvoir pour éviter des victimes supplémentaires.


Donc, les familles palestiniennes et les familles israéliennes de votre association se retrouvent. Que faites-vous durant ces réunions ?
La plupart de nos activités sont des activités publiques parce que déjà, on est ensemble et c’est vraiment une amitié formidable. Nous faisons des démonstrations de notre amitié et on prouve par cela que le dialogue est possible. Si c’est possible pour nous, des gens qui ont tout perdu, c’est possible pour tout le monde. Donc, la plupart de nos activités sont des activités éducationnelles. On va dans des lycées par groupe d’un Palestinien et d’un Israélien et on raconte nos histoires personnelles et le parcours de chacun. C’est étonnant parce que pour les étudiants israéliens ou palestiniens, c’est la première fois qu’ils voient l’autre côté, l’adversaire qui parle dans leur langue. Ce n’est pas un monstre, ce n’est pas un ennemi, ce n’est pas quelqu’un dont il faut avoir peur. C’est là où arrive la transformation, quand ils voient cela.


Alors, vous dites « l’éducation à la paix d’une société passe par sa jeunesse ». Vous diriez donc, dans l’ensemble que la jeunesse, tant israélienne que palestinienne, est sensible à votre message ?
Oui, il y en a qui sont vraiment touchés par cette démonstration parce que c’est la première fois qu’ils voient des Palestiniens et des Israéliens qui sont vraiment en amitié. Pour la plupart, c’est assez étonnant. C’est au niveau très émotionnel qu’on fait notre éducation. Ce n’est pas qu’on ne parle pas. On parle aussi des solutions mais on parle surtout des possibilités humaines.


On peut dire que c’est là, le problème, c’est qu’Israéliens et Palestiniens vivent côte à côte sans se connaître. C’est ça, le problème ?
Voilà, il y a un mur. Pas seulement un mur physique mais un mur de méconnaissance, d’ignorance, de haine et de peur. Il y a maintenant une méconnaissance énorme. Bien sûr que cela crée de la haine, une haine mutuelle entre Israéliens et Palestiniens. Vous savez, on a bientôt des camps d’été pour les enfants. On a à peu près vingt enfants israéliens et vingt palestiniens qui vont passer quatre jours ensemble. On fait cela tous les étés. Et c’est formidable de voir qu’au début, quand ils se rencontrent pour la première fois, ils sont très hésitants à parler. Il y a deux groupes différents et après quelques heures, ils se mélangent et vous ne savez plus dire qui est Israélien et qui est Palestinien. Après quatre jours, ils ont difficile à se séparer. Ils continuent à communiquer via Facebook. Pour eux, c’est parfaitement naturel parce que ce sont des enfants, ils ne sont pas touchés profondément par la haine. Donc, c’est possible pour tout le monde. Il suffit de se rejoindre et de parler. Notre slogan, c’est « Ça n’arrêtera pas si on ne parle pas ».


Comment êtes-vous perçu par la société israélienne. Est-ce que vous percevez à votre égard une attitude plutôt positive ou au contraire, une véritable opposition ?
Actuellement, oui. Mais nous, on a une position un peu spéciale parce que ce sont des familles en deuil, donc, on a beaucoup de respect de la part de la société israélienne. On est intouchable à ce niveau-là. On ne peut rien nous reprocher. Mais c’est vrai que la société israélienne subit maintenant une vague pas très agréable de sentiments vraiment difficiles à cause de la guerre, des sirènes, des bombardements qui touchent le sud d’Israël, Tel-Aviv et le nord. Maintenant, toutes les villes sont touchées par des bombardements qui viennent de Gaza. C’est vrai que la situation à Gaza est encore pire et ça montre des émotions assez difficiles.


Au moment où la situation devient de plus en plus difficile, vous l’avez dit, de plus en plus incontrôlable, où le cycle des représailles est de plus en plus effréné, quel est votre message ?
Qu’il faut parler, c’est ce qu’il faut faire. Même avec le Hamas, avec tout le monde, il faut parler. Ce cycle de violences va bientôt se terminer et on va se retrouver encore une fois dans un temps où on ne tire pas, mais où on ne parle pas. On avait de la chance pendant cette année qui était assez calme de parler, d’avancer au niveau des négociations, au niveau des accords terminaux du conflit. On n’a pas fait assez. Pour ça, on voit ce qu’il se passe maintenant. C’est pour cela, c’est parce qu’on n’est pas arrivé, on n’a pas su terminer ce conflit.

Est-ce que vous gardez tout de même l’espoir ?
J’y crois fortement, je n’ai pas d’autre choix que l’espoir…. Pas le choix.








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