Les évêques philippins épluchent la loi sur la santé reproductive
(RV) L’Eglise des Philippines a publié ces jours derniers un volume contenant des
« directives pastorales au sujet de l’application de la loi sur la santé reproductive
», alors que les évêques philippins tenaient leur Assemblée Plénière du 4 au 6
juillet. Le 8 avril dernier, la Cour Suprême du pays a en effet confirmé la constitutionnalité
de la loi (Reproductive Health Law) contre laquelle l’Eglise catholique s’est battue
durant des années, le débat ayant duré pas moins de 16 ans. On se souvient que depuis
1998 tous les présidents philippins ont fortement appuyé le projet de loi, qui visait
notamment à instaurer un financement public obligatoire des moyens de contraception.
La loi adoptée finalement en avril, après des remaniements, introduit certes des méthodes
de planification familiale artificielles, comme la contraception, au sein du système
d’assistance sanitaire public, avec l’objectif clair de ralentir la surpopulation,
mais la Cour Suprême a cependant reconnu le droit à l’objection de conscience de la
part des médecins ou des structures sanitaires privées.
Les évêques philippins
ont donc estimé qu’il était de leur devoir pastoral « d’offrir des directives pastorales
» détaillées et précises, soulignant que les attendus de la décision des juges
suprêmes du 8 avril dernier, longs de 104 pages, n’étaient sans doute pas accessibles
aux non-juristes et avaient besoin d’être « présentés ». Les acteurs du domaine de
la santé, qu’ils soient médecins, infirmiers, sages-femmes, aides médicales ou techniciens
de la santé, sauront ainsi quels sont leurs droits face à cette loi, de même que les
catholiques employés dans la fonction publique qui pourraient être amenés à faire
appliquer la loi en question, soulignent les évêques.
Le droit à la vie
précède toute autorité ou loi humaine
Avant toute chose, l’Eglise philippine
souligne ce qui a été mis en évidence par la Cour Suprême : l’avortement et les médicaments
abortifs sont interdits par la Rh Law. « Le droit à la vie, soulignent les
prélats, est basé sur la loi naturelle, il précède et transcende toute autorité
ou loi humaine ». De là, l’exhortation des évêques aux médecins catholiques pour
qu’il demandent à l’Etat de « tester et évaluer tous les médicaments contraceptifs,
y compris ceux déjà en vente, afin de vérifier qu’ils soient sans danger, légaux et
non abortifs ».
Abordant la question de l’objection de conscience, l’Eglise
philippine rappelle le principe de « l’inviolabilité de la conscience humaine
» et souligne qu’un objecteur « n’est pas obligé et peut refuser d’informer un
patient sur les lieux où l’on peut recevoir les moyens contraceptifs artificiels ».
Un point accepté par la Cour Suprême tout comme celui de la protection des objecteurs
de conscience employés dans la fonction publique. Ainsi lit-on dans le document des
évêques : « De manière évidente, les catholiques ne devraient pas, sur la base
de critères moraux, chercher à travailler dans les agences gouvernementales qui ont
pour tâche de promouvoir les moyens de contraception artificiels. Mais si les circonstances
les obligent à être employés par ces agences, les catholiques doivent savoir qu’ils
ne peuvent pas être forcés de promouvoir, distribuer ou administrer les contraceptifs
artificiels contre leurs convictions morales ou religieuses. »
Le droit
pour les institutions catholiques de ne pas promouvoir la Rh Law
Les évêques
philippins rappellent aussi ce qu’établit la Cour Suprême quant aux formes irréversibles
de contraception, comme la vasectomie et la ligature des trompes : il faut désormais
le consentement des deux conjoints, contrairement à la Rh Law qui permettait le choix
d’un seul des conjoints « attaquant ainsi la cohésion familiale que l’Etat est
obligé, selon la Constitution, à protéger et à promouvoir ». Quant aux filles
mineurs, la Cour Suprême rappelle que « même si elles sont déjà devenues mères
ou ont eu un avortement spontané », « elles ont encore besoin de l’accore des parents
pour se soumettre à des mesures de planification familiale, qu’elles soient chirurgicales
ou non », « parce que l’Etat ne peut remplacer les parents naturels, quand il s’agit
d’apporter réconfort, soins, attention et assistance ».
Concernant les
institutions scolaires privées, les évêques soulignent que « la Cour reconnaît
le droit de celles-ci de ne pas appliquer la Rh Law, sur base de la reconnaissance
de la liberté académique d’éducation, spécialement en ce qui concerne la sphère religieuse
». Pour cela, les évêques soulignent que « les écoles catholiques ne sont pas
obligées de promouvoir la Rh Law », mais doivent « préparer les jeunes à être
des parents responsables, sur la base de la doctrine de l’Eglise ». Les évêques
invitent enfin les diocèses du pays à organiser des séminaires et des réunions pour
aider les personnels de santé catholiques à comprendre l’importance de la sentence
de la Cour pour la mise en application de la Rh Law.
L'Eglise se place dans
une collaboration critique
A noter que le président nouvellement élu de
l’épiscopat philippin, Mgr Socrates Villegas, a tenu une conférence de presse le 7
juillet. Il a précisé le positionnement de l’Eglise catholique dans cette affaire
et plus largement dans la société philippine.
« Nous ne sommes pas un groupement
politique», a-t-il plaidé. «Nous ne sommes ni de l’opposition ni du gouvernement.
Notre position sera toujours celle du Christ. Notre travail, en tant qu’hommes d’Eglise,
n’est pas d’être des fauteurs de trouble social. Nous sommes des fauteurs de trouble
de la conscience car nous voulons troubler les consciences de manière à ce que chaque
conscience écoute la voix de Dieu. » « Quand le pouvoir en place sert le bien commun,
vous pouvez compter sur les évêques pour être en pleine collaboration, a ajouté
Mgr Villegas, mais si ce bien commun est menacé ou si les normes morales sont violées,
si la dignité humaine est compromise, si la famille est attaquée et si la vie humaine
ne coûte pas cher, alors nécessairement et de manière très compréhensible, vous pouvez
vous attendre à ce que les évêques se montrent plus critiques ». (avec agences)