Yémen : pourquoi les zaïdites ont pris et quitté Amrane
(RV) Entretien - Arrivé à la tête du Yémen il y a deux ans, le président Abd
Rabbo Mansour Hadi s’est imposé en parvenant à faire négocier la grande majorité des
clans, tribus et même des rebellions composants le pays. Le dialogue national yéménite
avait abouti à la création d’un futur Etat fédéral yéménite, comptant six provinces. Mais
ce succès politique n’a pas freiné les assauts de groupes armés, chacun souhaitant
élargir sa zone d'influence . En butte à un essor d'Al-Qaïda et à un courant séparatiste
dans le Sud du pays, le gouvernement central a frémi la semaine dernière. Des rebelles
zaïdites ont quitté leurs bastions dans les montagnes au nord du pays. Ils ont avancé
jusqu’aux portes de la capitale. Mardi dernier, après d’âpres combats avec l’armée,
ils ont pris le contrôle du gouvernorat d’Amrane, à 50km de Sanaa.
L’analyse
de Franck Mermier, directeur de recherche au CNRS
Vendredi,
réunion d’urgence à l’ONU, le Conseil de sécurité presse les rebelles d'Ansaruallah
de se retirer d'Amrane et réitère son soutien au président ainsi qu’au processus de
transition politique. Dans une déclaration unanime, les 15 pays membres du Conseil
soulignent qu’ils sont prêts à prendre des sanctions ciblées contre ceux qui entravent
la transition.
Ce n’est toutefois pas la pression internationale qui semble
être à l’origine du coup de théâtre de samedi. Les rebelles annoncent qu’à la suite
d’un accord avec le ministère de la défense, ils se retirent de la ville d’Amrane.
« Nos hommes armés vont se retirer d'Amrane dès le déploiement dans la ville d'un
régiment de l'armée », parti samedi de Saada, le fief des rebelles chiites, a expliqué
Mohamed Abdessalam à l’AFP. Le porte-parole d'Ansaruallah précise que leur objectif
en prenant Amrane était de « nettoyer » la zone « des takfiris », les partisans du
parti islamiste sunnite Al-Islah, le principal rival d'Ansaruallah.
Limogeages
dans l'armée
A l’occasion de ce renversement de situation, le président
yéménite a annoncé qu’il limogeait les commandants de deux régions militaires. Le
commandement de la 6e région militaire, dont dépend la province d'Amrane, a été confié
au général Mohamed Yahia al-Hawiri, qui a succédé au général Mohamed Ali al-Maqdishi,
nommé conseiller auprès du chef de l'Etat, selon l'agence officielle Saba. En outre,
le président Hadi a nommé le général Abderrahman al-Halili nouveau commandant de la
1ère région militaire, dont dépend la province du Hadramout, en remplacement du général
Mohamed al-Somali, a ajouté l'agence. Ces limogeages interviennent après l'échec
de l'armée à prévenir des opérations d'envergure celle d'Al-Qaïda dans le sud, mais
aussi donc des rebelles chiites dans le nord.
Combat à la frontière saoudienne
L’armée
manquerait-elle également de neutralité ? Serait-ce la raison de cette offensive zaïdite?
En effet, au nord du pays, un nouveau front a été ouvert ces derniers jours dans la
province de Al-Jawf au nord-est, à la frontalière de l'Arabie saoudite. Des affrontements
entre des rebelles chiites et des tribus fidèles au parti Al-Islah ont fait sept morts
vendredi dans les deux camps, selon des sources tribales. Ces affrontements ont été
déclenchés jeudi lorsque des partisans d'Al-Islah, « soutenus par la 115e brigade
de l'armée », ont marché sur la région d'Al-Ghayl et d'As-Safra pour la prendre aux
militants d'Ansaruallah, qui ont « riposté et mis en échec leur tentative », a déclaré
à l'AFP une source de la rébellion chiite. Pour lui assurer que les violences à
sa frontière ne se répèterait plus ou au contraire pour demander du soutien, le président
Abd Rabbo Mansour Hadi a effectué une visite éclair en Arabie saoudite pour évoquer
cette escalade.
Photo : des habitants d'Amrane ont trouvé refuge dans
la capitale.