L'Université d'été de Brive-la-Gaillarde regarde la crise
C’est la première fois en France. La communauté franciscaine se retrouve pour une
Université d’été à Brive-la-Gaillarde, dans le Sud-Ouest de la France. Au centre des
discussions, « la crise, les crises… un nouveau monde en train de naître ? »
Anne-Sophie Novel a participé à la première table ronde vendredi. Journaliste,
spécialiste des questions d’innovations sociales, elle a dressé un panorama de l’économie
collaborative, cette économie du partage.
Dans un contexte
de crise multiple qui est plutôt celui d’une transition, comment pouvons-nous tout
réinventer, redonner un souffle nouveau à des logiques très anciennes, en nous appuyant
sur des outils de communication liés forcément à l’histoire du numérique qui remodernise
les origines de don, de troc, d’échange et qui remette aussi un peu plus de confiance
entre les individus ? Alors forcément, ceux qui vivent cela avec un niveau très local
avec leurs proches ou à l’échelle d’un village ou d’un quartier, diront qu’il n’y
a rien de nouveau mais ça nous permet quand même d’échanger avec des personnes qu’on
ne connaissait pas auparavant. C’est particulièrement réconfortant dans un moment
où on a besoin de refaire sens, de réapprendre à vivre ensemble, de retrouver des
liens plus authentiques et de se sentir appartenir à différents types de communautés,
quel qu’en soit le motif.
Donc ce sont vraiment des outils qui remettent
au centre les relations entre les personnes ? Certains diront que c’est une
économie qui est plus horizontale en réseaux. On a appris à échanger de l’information
et aujourd’hui, on se rend compte qu’on peut échanger bien plus que de l’information.
Donc, on peut avoir une conversation sur un chat ou un réseau social mais on peut
aussi mettre en relation des objets qu’on possède et qui restent inutilisés, dans
nos placards. Une voiture reste à l’arrêt entre 90 à 95% du temps. Donc aujourd’hui,
comment éviter d’avoir à construire de nouvelles voitures, d’utiliser plus de ressources,
bien utiliser ce que l’on possède et tout mettre en commun ? Cela pose forcément des
questions sur les conséquences en termes d’emploi, de production, de croissance. Certains
ont parfois peur d’un retour au communisme mais il n’en est rien. C’est plutôt que
dans une société qui s’est mise dans un mur, on a des alternatives qui poussent dans
les failles de ce mur et il faut les observer, voir comment elles se développent,
les accompagner et les réguler.
Comment vous, vous voyez donc le rôle que
l’Église peut jouer dans l’accompagnement de ces initiatives ? Pendant longtemps,
je me suis interrogée sur le rôle de l’Église dans la défense de valeurs plus écologiques
et aujourd’hui, je crois qu’on a besoin d’agir à tous les niveaux. Donc, l’Église
doit aussi prendre sa part, montrer la voie d’un monde respectueux de l’environnement
et de son prochain, même si ça fait partie de sa vocation initiale. Mais je crois
qu’on a besoin de nouveaux leaders. J’ai eu l’occasion d’en parler avec une historienne
spécialisée dans les questions scientifiques liées au climat. C’est Naomi Oreskes
qui a écrit tout un ouvrage sur l’effondrement de la société occidentale et qui me
disait « on peut garder espoir et aujourd’hui, on a besoin de nouveaux leaders, de
personnes qui s’engagent, qui montrent la voie et qui donnent envie d’agir ». Tout
repose aussi sur la façon dont on peut impulser cette envie d’agir et donner confiance
en chacun de nous de croire en sa capacité de faire la différence et de croire en
ce pouvoir d’agir qui nous est donné aujourd’hui à notre échelle et dans les choses
qui nous passionnent le plus. Quels sont les efforts qu’on peut mettre en œuvre et
comment essayer d’aller vers un monde un peu plus durable pour l’avenir ?
On
voit qu’il y a quand même de l’optimisme et qu’il y a des choses à faire. Je
refuse de me laisser aller au pessimisme, même si parfois, je ressens un peu de fatigue
avec des périodes d’introspection et de doutes profonds. On donne souvent cet exemple
du symbole chinois qui veut dire crise mais qui veut dire aussi opportunité. Et je
crois que dans cette période où il est normal de se replier sur soi, d’avoir des inquiétudes
et des résistances au changement de tout temps étaient très forte. Un moment, il faut
aussi cultiver le lâcher-prise, abandonner ses croyances et comprendre que tout réinventer,
ça implique aussi de se laisser émerveiller par d’autres choses et ce n’est pas facile
dans un monde de complexité, tel celui dans lequel on vit aujourd’hui. Les solutions
ne sont pas faciles non plus. Alors, elles sont déjà là, elles sont nombreuses. Elles
ne sont peut-être pas réplicables à large échelle mais à l’échelle d’un territoire
ou localement, on peut mettre en place de nombreuses choses avant les pouvoirs publics
pour qu’à un niveau beaucoup plus global, cela fasse la différence. Donc, on ne peut
pas attendre que ça vienne du haut et je crois qu’aujourd’hui, la solution est dans
les mains de chacun.