Amnesty International dénonce la torture dans l'Est de l'Ukraine
(RV) Entretien - Enlèvements et torture sont devenus pratiques quasi courantes
dans l’est de l’Ukraine. C’est ce que dénonce Amnesty International dans un rapport
publié ce vendredi. Depuis le début de la crise que traverse le pays, les cas se multiplient.
Lors de leur enquête à Kiev et dans les régions séparatistes orientales, les chercheurs
de l’ONG ont recensé environ cinq cents cas d’enlèvements, là où les Nations Unies
en ont relevé un peu plus de deux cents. Les auteurs font autant partie des séparatistes
prorusses que des forces progouvernementales. Geneviève Garrigos, président d’Amnesty
France revient sur ces crimes commis en pleine anarchie
Lors de la mission
de recherche qu’Amnesty International a menée dans l’est de l’Ukraine, on a constaté
et recueilli de nombreux témoignages sur les enlèvements qui ont lieu depuis trois
mois. D’après le Ministère ukrainien de l’Intérieur, il y aurait à peu près 500 cas
d’enlèvements sur cette période. Les Nations-Unies avancent 224 cas mais la réalité,
c’est qu’il est difficile aujourd’hui d’avoir des chiffres exhaustifs et ça pourrait
être plus généralisé que cela. Ce qu’il faut dire également au sujet de ces enlèvements,
c’est qu’ils sont motivés, souvent pour des motifs politiques. Nous avons ainsi recueilli
de nombreux cas de journalistes, de manifestants, d’opposants mais aussi de personnels
de santé qui ont été enlevés et torturés. Il y a également des enlèvements qui se
font pour obtenir des rançons très élevées. De même, ce qu’on a constaté, c’est que
la majorité de ces enlèvements avaient été perpétrés par des groupes armés séparatistes
mais nous avons aussi, malheureusement, constaté que les forces pro-Kiev avaient elle-même
commis ce genre de violations graves des droits humains.
Qui est visé spécifiquement
? Vous avez parlé des journalistes, du personnel de santé. Est-ce qu’il y a vraiment
une cible type ?
Les personnes qui sont ciblées sont celles qui a priori,
dérangent, quand ce sont pour des motifs politiques. Nous avons notamment recueilli
le témoignage poignant d’une jeune femme qui travaille dans un hôpital et qui nous
raconte comment elle a été enlevée parce qu’elle était suspectée d’avoir participé
aux manifestations pro-Maidan. On voit bien qu’à travers cela, c’est tout un système
de terreur que l’on veut opposer aux personnes qui aujourd’hui, manifestent encore
pour les droits et qui cherchent à faire évoluer la situation en Ukraine, que ce soit
d’un côté ou de l’autre.
Qui en sont vraiment les auteurs ? Est-ce que
ce sont vraiment des militants politiques, des vrais partisans, que ce soit des séparatistes
ou au contraire, des pro-gouvernementaux ou bien, il y a aussi derrière cela, des
règlements de compte ?
Aujourd’hui, les enlèvements et la torture sont
utilisés à la fois par des groupes armés séparatistes mais aussi par les forces pro-Kiev,
principalement avec des visées politiques. C’est-à-dire instaurer un régime de terreur
qui fasse qu’il n’y a aucune opposition à l’un ou à l’autre de ces camps. Ce qu’on
a aussi constaté, c’est que certains ravisseurs demandaient des rançons très élevées.
On a un enfant qui a été relâché après que son père ait payé une rançon d’environ
44.000 euros, ce qui est un montant très important pour un pays comme l’Ukraine. Si
nous prenons le cas de la ville de Marioupol qui a été libérée récemment par les forces
pro-Kiev, les personnes qui avaient été enlevées ont été libérées, mais on constate
que les forces pro-Kiev ont à leur tour elles-mêmes enlevé des personnes pour les
torturer et envoyer des messages de terreur à la population. Finalement, cette ville
qui était sous la terreur des séparatistes, pensait qu’en étant libérée, elle allait
retrouver le calme et la sérénité. Là aussi, on a constaté que les forces de police
et l’armée ne protégeaient pas la population. Il y a une sorte de chaos qui met en
danger les civils.
Photo:
des séparatistes prorusses à Donetsk, dans l'Est de l'Ukraine