2014-07-09 17:39:00

Le Traité transatlantique, un traité à la défaveur de l'UE ?


(RV) Entretien- En cours de préparation, le traité transatlantique sera le plus grand accord de libre échange que le monde moderne connaisse. Cette semaine dernière, du 14 au 18 juillet dernier, a eu lieu le sixième round des négociations entre les Etats-Unis et l’Union Européenne. Les discussions, toujours secrètes, ont abordé l’accès aux marchés publics, la protection de l’environnement ou encore le droit du travail.

Ce traité, qui devrait être finalisé fin 2015, concerne les biens, les services et les capitaux. Mais ce futur gigantesque marché suscite des inquiétudes.

Interrogée par Christelle Pire, Magali Pernin est juriste de droit public et spécialisée dans les questions européennes :

 

Une harmonisation des normes avec les États-Unis, c’est inquiétant parce qu’on a l’impression que les États-Unis ont des normes de protection des consommateurs qui sont bien moindres que celles qu’ambitionnent l’Union Européenne, notamment en termes de normes alimentaires et de normes environnementales.

Par exemple, concernant les OGM ? Est-ce que les normes de l’Union Européenne vont être abaissées ?

Il faut savoir que dans l’Union Européenne, ils sont autorisés. Les législations nationales ont actuellement beaucoup de mal à retenir les autorisations d’exploitation des OGM. Donc, de ce point de vue là, non. J’ai l’impression que la législation européenne est déjà en phase avec les ambitions américaines.

Pour le gaz de schiste, c’est un petit peu différent parce que l’Union Européenne a adopté la position du principe de subsidiarité. Donc, c’est aux États de décider ou non de l’autorisation des exploitations sur leurs propres sols. Le Traité transatlantique ne va pas bouleverser cela. Malgré tout, je pense que les gens ont des raisons de s’inquiéter parce que le gaz de schiste, quand il est autorisé, doit respecter certaines règles et ces règles pourraient se voir abaisser si on cherchait à les harmoniser avec les États-Unis.

On parle aussi notamment, par exemple, de poulet au chlore, de bœuf aux hormones. Est-ce que cela pourrait arriver sur le marché français avec ce traité transatlantique ?

Ça pourrait arriver. La Commission européenne promet que cela n’arrivera pas. On voit malgré tout que les décisions d’autorisation de la Commission en matière alimentaire sont de plus en plus souples. On a vu le poulet lavé à la javelle être autorisé. Malgré tout, pour le bœuf aux hormones, ce n’est pas le cas. En contrepartie, il semble que ces pays vont bénéficier d’une autorisation d’exportation plus massive avec l’Union Européenne de leur bœuf sans hormones. Donc, les agriculteurs sont inquiets parce que ce sont des normes moindres avec des coups d’exploitation moindres et donc, l’agriculture française pourrait, notamment, avoir des difficultés

On a l’impression que les négociations sont assez secrètes. Pourquoi ?

Il y a effectivement une grande confidentialité sur ces négociations parce que les deux parties ne veulent pas faire connaître leurs positions, ne veulent pas l’étaler au grand jour pour pouvoir négocier le plus efficacement possible avec l’autre partie. La deuxième raison, c’est qu’elles sont extrêmement techniques et extrêmement compliquées à appréhender. Du coup, on a l’impression qu’on ne nous dit pas tout et ce sont des négociations qui sont extrêmement éloignées du public, des centres de pouvoir tel qu’on peut les imaginer, aujourd’hui, en France. Ce sont des négociations qui sont menées par la Commission européenne et donc, c’est encore une institution qu’on connait mal. On a l’impression d’être un petit peu dessaisi de ces questions-là.

Un des avantages de ce Traité transatlantique prôné par la Commission européenne, c’est qu'il va booster la croissance économique. Est-ce que c’est vrai ?

Je ne sais pas si c’est vrai. C’est un cabinet londonien qui a réalisé cette étude mais qui finalement, n’était pas terrible parce que c’était 1% ou 0,5% du PIB à l’horizon 2025. Donc, ça n’a pas l’air suffisamment enthousiasment pour soulever les foules en faveur du Traité transatlantique.

Est-ce que les négociations penchent plutôt en faveur des Américains ou des Européens ?

J’ai plutôt l’impression, mais c’est une impression de ma part, que les États-Unis mènent ces négociations parce qu’ils ont accepté de les mener dans un contexte économique difficile pour l’Union Européenne. Il faut savoir que ce sont des négociations dont on parle depuis le début des années ’90. Les États-Unis n’ont jamais été très portés vers l’Union Européenne. Ils le sont plutôt vers le Traité transpacifique. J’ai l’impression que c’est plutôt nous qui sommes demandeur de ce traité-là. Donc, c’est plutôt nous qui sommes en situation d’accepter des compromis.

 








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