2014-07-07 18:52:51

Le père Neuhaus : « les chefs politiques sont incapables de dépasser le cycle de la violence »


(RV) Entretien - La situation est toujours très tendue au Proche-Orient entre Israéliens et Palestiniens. Le meurtre d’un jeune Palestinien quelques jours après celui de trois étudiants israéliens ont rendu l’atmosphère explosive. Malgré les appels à la vengeance qui viennent de certaines voix dans chaque camp, les autorités tentent de tout faire pour éviter une nouvelle escalade de violence.

Le Premier ministre israélien a téléphoné au père du jeune Palestinien pour lui faire part de ses condoléances. Mais derrière les mots, c’est toute une réalité qu’il faut changer, une vraie culture de paix à bâtir, en rupture avec le passé, comme nous l’explique le père David Neuhaus, vicaire patriarcal pour la communauté catholique hébréophone d'Israël, interrogé par Olivier Bonnel RealAudioMP3



Quel est votre regard sur le contexte aujourd'hui dans la région ?
Nous vivons dans une très forte tension et le discours de nos chefs n’a pas beaucoup aidé. Nous ne savons pas quand et comment cela se terminera. C’est bien sûr une violence qui se poursuit depuis des décennies. Mais cette expression récente est très triste parce qu’encore une fois, ce sont les jeunes qui sont victimes et les anciens ne sont pas prêts à bouger leurs positions politiques qui nient les droits de l’autre.

Justement, Père Neuhaus, les jeunes que vous côtoyez, dans quel état d’esprit sont-ils vraiment ? Malgré les souffrances, y a-t-il des signes que cette jeunesse a une forme de sagesse pour regarder vers l’avenir ?
On rencontre aussi la jeunesse qui est contre toute cette violence. Il y avait des manifestations contre la violence qui ont rassemblé des Arabes et des Juifs ensemble, des expressions de ceux qui veulent un avenir un peu différent de notre présent. Pour dire la vérité, moi, je n’accuse pas les jeunes mais j’accuse nos chefs politiques qui ne sont pas capables de développer un langage qui ouvre l’avenir à autre chose qu’un cycle de violences, des revendications et des accusations qui ne cessent pas des deux côtés. Chaque côté pense qu’il est l’unique victime et que l’autre côté est l’agresseur, celui qui est violent. Là, il y a un manque de responsabilité et aussi un peu un manque de volonté de changer notre réalité afin que les jeunes puissent expérimenter autre chose que ce qu’ils connaissent et qui est uniquement la violence, les soupçons mutuels et la haine. Il en va de la responsabilité de nos chefs.

Comment l’Église arrive-t-elle à parler dans cet antagonisme qui semble indépassable ?
Je pense qu’ici, il y a peut-être trois défis pour l’Église. Le premier est déjà entamé et c’est d’exprimer notre proximité à ceux qui souffrent, particulièrement aux familles qui ont perdu leurs chers, leurs fils. Nous étions bien sûr très touchés par les condoléances envoyées par le Saint-Père. La deuxième chose, qui est très importante et je pense qu’ici aussi nous sommes engagés sur cette route, c’est de chercher un langage qui décrirait notre situation, un langage qui ne connaît pas les mots « ennemi », « accusations », « soupçons » mais un langage qui embrasse tout et cherche un autre avenir. Nous sommes en train de travailler un document qui va aussi être l’expression de cet élément : un langage qui cherche à dire avec une intention de paix, notre situation actuelle. La troisième chose, c’est de prendre position avec ceux qui sont pour les valeurs chères à l’Église. Ca ne veut pas dire chercher le côté juif ou chercher le côté palestinien, le côté israélien ou le côté arabe. C’est de chercher là où sont les gens, les Juifs et les Arabes qui veulent autre chose que notre réalité actuelle, notre présent. Il y en a beaucoup qui en ont marre de nos chefs qui ne connaissent rien d’autre que le langage d’accusation, de soupçons et de haine et qui ont montré clairement qu’ils ne sont pas capables de construire la paix. Je pense que l’Église cherche à contribuer à un changement et pour cela, il faut être courageux, généreux et créateur. La chose à faire, c’est de regarder celui qui est en face et l’appeler « mon frère » parce que nous sommes tous des enfants de Dieu.








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