Des autorités musulmanes dénoncent la création d'un califat par l'État islamique
(RV) Entretien - Alors que l’Irak et la Syrie sont toujours en proie au chaos,
le chef de l'État islamique entend assoir son autorité. Dans une première apparition
vidéo, Abou Bakr Al-Baghdadi a appelé les musulmans à lui « obéir ».
Quelques
jours auparavant il avait été désigné par son groupe « calife » de tous les
musulmans. Cette proclamation de l’établissement d’un califat sur les territoires
conquis en Syrie et en Irak par les djihadistes a vivement été contestée par certains
leaders musulmans, notamment par un influent prédicateur qatari d'origine égyptienne.Youssef
Al-Qaradaoui affirme que ce califat n'est pas conforme à la charia. Une position adoptée
par une très grande partie des musulmans, déstabilisés par cette offensive de l’État
islamique.
C’est ce que nous explique Mohamad Nokari, juge à la
cour islamique sunnite et ancien secrétaire général de la plus haute instance
islamique sunnite au Liban, interrogé par Audrey Radondy.
Le
califat proclamé est-il « valide » juridiquement ? Étant donné que le système
du califat n’est pas un système de nomination mais un système d’élections, les gens
qui ont fait cela ne sont pas habilités à exercer cette fonction. Ils sont venus en
Syrie ou en Irak pour faire la guerre. Ce ne sont pas des personnes représentatives
de l’Islam sunnite, mais vraiment pas du tout ! C’est un groupe fermé. Peut-être que
la majorité de ces personnes qui travaillent avec eux viennent d’Europe et ne sont
pas des personnes cultivées. Ils n’ont pas de contacts avec des autorités religieuses,
ni en Europe, ni dans les pays arabes.
Que peut-on voir comme message derrière
ce choix ? C’est très difficile de dire quelles sont leur intentions et si
ce qu'ils vont faire est sérieux, c’est-à-dire établir un État qui n’est pas reconnu,
ni par les pays arabes, ni par les pays occidentaux. En fait, il ne sera reconnu par
aucun État. Deuxièmement, un système califal qui est fondé sur le terrorisme ne peut
pas être légitimé et reconnu par les musulmans. Peut-être que leur intention est de
semer le trouble dans les pays arabes et ils ont peut-être envie de casser les frontières,
comme ils l'ont prétendu plusieurs fois, mais je ne crois pas qu’ils vont arriver
à leur objectif.
Et quelles peuvent-être les conséquences de ces dernières
déclarations de l’État islamique pour les peuples musulmans ? Il y a beaucoup
de mouvements salafistes et djihadistes qui ont protesté et n’ont pas soutenu cette
idée. Je dirais que 99% des musulmans ne sont pas d’accord avec ce système. Et leur
politique qui consiste à chasser les chrétiens ou à entrer dans les Églises pour casser
les croix, c’est une déviation très grave à l’Islam parce que l’Islam respecte les
autres religions et surtout, le christianisme. Il y a un traité qui a été conclu entre
le prophète et les chrétiens et parmi ces déclarations, le prophète a dit « Maudit
celui qui porte atteinte aux chrétiens ».
Et qu’en est-il pour les musulmans
vivants dans les régions sous le contrôle de l’État islamique ? Ils sont soumis
à ce système par la force et on voit que s’il y a des gens qui veulent critiquer ou
qui veulent parler, ils sont tout de suite supprimés. Pour eux, c’est l’application
de la loi de la Charia et ils n’adoptent pas d’ordre économique égalitaire pour tous
les citoyens.
Photo : une image du chef de l'Etat islamique Abu
Bakr Al-Baghdadi, prêchant dans une mosquée de Mossoul, diffusée le vendredi 4 juillet
2014 par les djihadistes sur le réseau social Youtube