En Molise, François rend hommage à Célestin V, le premier pape « renonciateur »
(RV) Le Pape François était ce samedi dans le Molise. Cette journée était jalonnée
par de nombreuses rencontres, réparties entre les principales villes de cette région
italienne, Campobasso et Isernia. C’est dans cette dernière que le pape a achevé sa
visite, lors d’un moment fort partagé avec les habitants sur la place de la Cathédrale
Saint-Pierre : le lancement de l’année jubilaire célestine. Car c’est précisément
le 5 juillet 1294 que fut élu pape un natif d’Isernia, célèbre pour sa sainteté, et
plus encore pour son geste qui, dit-on, aurait inspiré Benoît XVI : Célestin V, le
premier pape de l’Eglise catholique ayant renoncé à sa charge.
Fra’ Pietro
da Morrone, un ermite devenu pape
Le parcours du futur Célestin V n’a rien
de commun avec celui de Benoît XVI, et pourtant le « sentier » pontifical emprunté
par les deux hommes les mèneront chacun à la renonciation.
Né vers 1210 dans
une famille de pieux et modestes paysans de l’actuel Molise, Pietro da Morrone revêt
l’habit bénédictin à l’âge de vingt ans. Après son ordination à Rome en 1241, le jeune
prêtre retourne dans ses montagnes natales, les Abruzzes. C’est ici, dans une grotte
du Monte Morrone (dont il prend le nom), qu’il commence une vie d’ermite. Ce choix
le conduit à fonder une congrégation d’ermites, et fait déjà grandir, de son vivant,
sa réputation de sainteté. Pendant près de cinquante ans, fra’ Pietro mène une
vie de solitude et d’ascèse, loin des conflits et autres jeux de pouvoir qui opposent
souverains étrangers et familles princières, notamment à propos du trône de Saint
Pierre. Le XIIIe siècle est, rappelons-le, celui de Saint Louis puis Philippe Le
Bel, celui des Guelfes et des Gibelins.
Même les cardinaux, réunis en conclave
à partir de 1292, n’arrivent pas à s’entendre sur le nom du nouveau pape. La charge
reste vacante deux ans. Ils finissent par aller chercher le Pape, non pas « au bout
du monde », mais au fond d’une cellule monastique où vit un vieillard que l’on dit
saint : Pietro da Morrone. Ce dernier est, contre son gré, élu à l’unanimité le 5
juillet, puis couronné le 29 aout sous le nom de Célestin V, à L’Aquila, cité abruzzaise.
De la renonciation à la canonisation
Mais le pontificat de Célestin
V commence mal : le Pape doit essuyer de nombreuses critiques. On lui reproche sa
formation théologique insuffisante, sa méconnaissance du droit canonique et du fonctionnement
de la Curie romaine. Ce n’était pas le cas de Benoît XVI ; toutefois, il est intéressant
de relever les similitudes du bref discours prononcé par les deux hommes le jour
de leur renonciation. Le 10 décembre 1294, après moins de cinq mois de pontificat,
Célestin V invoque devant son entourage son « humilité » et la « faiblesse
de [son] corps », qui le conduisent à abandonner « librement et spontanément
le Pontificat », afin de retrouver « la tranquillité perdue » que lui offrait
sa vie d’ermite. Un calme que Célestin retrouve d’une manière peu pacifique, puisque
son successeur Boniface VIII le fait enfermer dans une cellule du château de Fumone,
dans la région de Rome. Il y meurt dix mois plus tard, puis, au terme d’un long procès
en canonisation, est déclaré saint en 1313.
Sans doute Benoît XVI a-t-il médité
la vie de Saint Célestin. Sans doute a-t-il été touché par cet exemple d’humilité.
Trois gestes forts le rappellent. D’abord, le 28 avril 2009, lors d’une visite à
la basilique du Collemaggio, Benoît XVI dépose sur le mausolée de Célestin V le pallium
qu'il portait le jour de son intronisation. Puis le 11 février 2013, il annonce sa
renonciation devant les cardinaux réunis en consistoire, la justifiant notamment par
une « vigueur qui […] s’est amoindrie ». Le pape émérite montre ensuite son
désir de mener une vie de contemplation et de prière, en se retirant au monastère
Mater Ecclesiae, derrière les murs du Vatican. A une différence près : Benoît et son
successeur François, sont, eux, unis par une amitié sincère et durable.