(RV) Le principe de la manifestation a encore du mal à être admis par les autorités
chinoises. Plus de cinq cents personnes ont été arrêtées tôt mercredi matin par la
police à l’issue de la manifestation pro-démocratie qui a réuni environ un demi-million
de personnes à Hong Kong mardi à l’occasion de l’anniversaire de la rétrocession de
l’ancienne colonie britannique à la Chine. Ces manifestants refusaient de quitter
le quartier des affaires situé au cœur de la ville où ils avaient défilé un peu plus
tôt.
Mardi, les Hongkongais réclamaient l’instauration d’une véritable démocratie
pour leur territoire. Parmi leurs revendications, celle de choisir l’exécutif sans
que Pékin n’interfère et n’impose son candidat comme c’est le cas depuis 1997, date
du retour de Hong Kong dans le giron chinois. Olivier Bonnel a joint le père Bruno
Lepeu des Missions Etrangères de Paris, en poste à Hong Kong. Il revient sur la situation
dans le territoire
En fait, il
faudrait revenir beaucoup plus en arrière ou se souvenir de ce qui avait crée le système
spécial de Hong Kong lorsque les Anglais et les Chinois se sont mis d’accord dans
la déclaration commune en 1984. Il était prévu que Hong Kong vive avec un degré d’autonomie
réel et vive sous le principe d’un pays deux systèmes. Et de là est née la fameuse
loi de base qui gère le territoire de Hong Kong depuis 1997, donc depuis la rétrocession
et cette loi de base prévoyait une mise en place progressive du suffrage universel.
On l’attendait pour 2012 au moment des élections législatives et du chef de l’exécutif.
Et puis finalement, ça nous a été promis pour 2017. Donc, les gens prenaient leur
mal en patience. Le pays espérait qu’une bonne formule sortirait du chapeau en
espérant que ça soit de la vraie démocratie. Et puis progressivement, les échéances
arrivant, on s’est aperçu qu’en fait, le gouvernement de Pékin n’était pas prêt à
donner un réel suffrage universel. Et finalement, il y avait une possibilité d’élire
le chef de l’exécutif au suffrage universel mais après sélection des candidats par
Pékin.
Comment interprétez-vous ces tensions entre Pékin et Hong Kong ?
Est-ce une reprise en main de la part des autorités chinoises sur l’ancienne colonie
britannique ? Un retour en force de Xi Jinping ? Depuis plus d’un an, c’est lui qui
est au pouvoir. Il est accusé de dérives autoritaires par beaucoup d’acteurs. Comment
vous l’interprétez ? Moi, il me semble qu’on est en fait plutôt sur deux longueurs
d’ondes. Les gens de Hong Kong voulaient croire que Pékin leur autoriserait une vraie
autonomie et à Pékin, c’était de dire « on est patient avec les gens de Hong Kong
mais de toute façon, c’est une autonomie sous contrôle ». Et en fait, je ne pense
pas que ce soit quelque chose de nouveau. Dès le départ, Pékin envisageait les choses
comme cela. Elle ne pouvait pas envisager un territoire de la Chine avec une autonomie
aussi large et avec un vrai suffrage universel parce que ça veut dire que le reste
de la Chine pourrait dire « oui, mais nous aussi on veut ça ». Maintenant, les
choses semblent être un peu plus claires et dans le livre blanc que le Conseil d’État
a publié, les choses sont un peu plus mises noir sur blanc. Les juges sont descendus
dans la rue parce que dans le livre blanc, il est dit que les juges doivent être de
bons patriotes et des administrateurs du gouvernement. C’est donc un peu une certaine
fin de l’indépendance de la justice. Et puis d’autre part, les gens voyant que le
référendum n’était pas entendu, qu’il y avait ce livre blanc, tout le monde est descendu
dans la rue pour l’anniversaire de la rétrocession. En sachant que c’est une attitude
depuis 1997, le premier juillet est souvent l’occasion d’un rassemblement pour exprimer
des mécontentements. On n’avait déjà eu 500.000 personnes dans la rue en 2003 et cela
avait entrainé la chute du chef de l’exécutif de l’époque.
Père Lepeu,
parlez-nous un peu du rôle de l’Église dans cette aspiration à la démocratisation.
L’Église qui joue un rôle important. L’Église en tant que telle ne joue pas
un rôle au sens où l’Église n’a pas pris une position officielle, n’a pas lancé un
mouvement. Mais des personnes de l’Église, aussi bien du côté protestant que catholique
sont depuis longtemps engagées dans ce mouvement pour la démocratie, en particulier
le cardinal Zen qui est lui-même très impliqué. Avant le référendum citoyen, il avait
organisé une marche de 84heures, répartie sur 7 jours où il allait un peu dans les
différents coins de Hong Kong pour inviter les gens à voter pour ce référendum. On
ne sait pas s’il y a eu une relation directe avec le nombre de votes mais de fait,
le cardinal Zen est très impliqué. À chaque fois qu’il y a ce genre de manifestations,
il les fait précéder par une prière œcuménique dans un petit pagodon à côté du stade.
Donc, il y a de fait un engagement chrétien autour de ce mouvement-là. La Commission
Justice et Paix du diocèse est aussi très impliquée et publie des petites brochures
pour aider les gens à comprendre ce qui se passe, sans dire pour autant aux gens ce
qu’il faut faire. Quant au cardinal Tong, il n’est pas opposé mais il n’a pas pris
une position publique sur ces questions-là.
Selon vous, si on prend un
peu de recul, quelle perspective faut-il donner à cette effervescence actuelle à Hong
Kong ? Est-ce qu’on peut imaginer une détente ? Est-ce que Pékin montre des signes
de compromis ? Est-ce que cela peut se détendre ? Moi, je me dis qu’on approche
de l’échéance de 2017. Les gens se rendent compte que finalement, le système est un
peu ficelé et qu’ils veulent un peu jouer leurs atouts. Je ne suis pas sûr que Pékin
va lâcher du mou. Donc, il est probable qu’au final, une petite partie de la population
se radicalise et puis le reste se dit « tant pis, on n’y peut rien ». C’est de se
dire « on va quand même essayer de vivre correctement dans ces conditions-là, même
si on n’aurait aimé avoir plus de démocratie ».
Photo : manifestants pendant
le défilé du 1er juillet à Hong Kong