« Toute la nation irakienne est en danger » selon Mgr Casmoussa
(RV) - Entretien - En Irak, l’armée gouvernementale a lancé une contre-offensive
d’ampleur pour tenter de reprendre Tikrit, ancien fief de Saddam Hussein. La ville
est aux mains de l’État islamique en Irak et au Levant depuis le 11 juin dernier.
La formation djihadiste a annoncé l’établissement d’un nouveau califat islamique sur
les régions conquises en Irak et en Syrie.
Le Pape François a exprimé dimanche
son inquiétude face à la situation dans le pays. « La violence engendre la violence,
le dialogue est l’unique chemin vers la paix » a-t-il déclaré, demandant aux dirigeants
irakiens de tout faire pour « préserver l’unité nationale et éviter la guerre».
Le Saint-Père a exprimé sa proximité avec le peuple irakien, surtout avec ces
milliers de familles qui ont dû abandonner leurs maisons, face à la menace djihadiste.
Parmi ces familles : beaucoup de chrétiens.
Certains ont pu regagner la ville
de Qaraqosh, au nord de l’Irak, où les djihadistes ont été repoussés par les combattants
kurdes. C’est là que nous avons joint Mgr Georges Casmoussa, l’ancien archevêque
syro-catholique de Mossoul. Il réagit à l’appel lancé par le Pape au micro de
Manuella Affejee :
La
situation est calme. Les gens, surtout les jeunes, commencent à rentrer chez eux et
la confiance règne. Si le calme continue comme cela, tout le monde va rentrer parce
que ce n’est pas très gai d’être dans une grande salle, sans air conditionnée, sans
ventilateur et même, sans services rudimentaires. Il y a l’armée kurde qui a maitrisé
la situation et qui continue de garder la paix ici et de défendre la ville. Depuis
deux jours, grâce à Dieu, il n’y a aucun tir ni d’un coté, ni de l’autre. Et l’armée
irakienne n’existe plus dans ce lieu.
Lors de l’angélus, ce dimanche, le
Pape François a appelé à prier pour la paix en Irak. Il a également appelé les dirigeants
irakiens à préserver l’unité nationale du pays. Comment avez-vous accueilli cet appel
du Pape François ? Nous sommes très contents que cet appel émane du Saint-Père
et qu’il y ait vraiment une suite, non seulement pour la dignité nationale mais aussi
pour que les grandes puissances puissent comprendre les situations particulières de
ces pays et qu’elles ne voient pas seulement leurs intérêts dans leur jugement parce
que vous voyez, c’est toute la nation irakienne qui est en danger de perdre son identité
et sa paix. Il n’y a que le désordre à l’horizon. Alors, nous attendons des grandes
puissances qu’elles entendent l’appel du Saint-Père pour regarder le côté humain dans
toute cette affaire-là. Autrement, c’est une autre Syrie qui commence.
On
se rappelle évidemment la terrible guerre confessionnelle qui a ravagé le pays en
2006-2007. Selon un responsable irakien, la situation est beaucoup plus grave maintenant.
Partagez-vous cette constatation, cette analyse ? Je crois que c’est beaucoup
plus grave maintenant parce qu’il y a différents conflits et qu’il y a surtout les
forces islamistes fondamentalistes (les plus fondamentalistes qui existent) qui veulent
imposer une religion pure et dure mais aussi imposer une manière de vivre à tout le
monde, une manière de penser. À Mossoul même, ils ont mis à bas non seulement la statue
de la Vierge qui était sur la terrasse de l’évêché mais aussi certains monuments historiques
ou culturels. Même des personnages de la poésie arabe, de la musique arabe et de l’histoire
de la ville ont été tous mis à bas, sous prétexte que c’étaient des idoles. Vous voyez
donc quelle civilisation nous attend.
Mgr. Casmoussa, quel est l’appel que
vous souhaiteriez lancer à la communauté internationale ? Tout ce que je viens
de dire est un appel à la communauté internationale afin de sauvegarder les souffrances
de ces petites minorités chrétiennes qui restent. Vous savez, si Qaraqosh tombe, c’est
toute la chrétienté de l’Irak qui tombe. Alors, notre appel, c’est de sauvegarder
cette chrétienté et de composer avec son existence pour l’avenir de ce que vous appelez
la démocratie, pour l’avenir du vivre ensemble, pour l’avenir non pas du dialogue
mais de la coexistence islamo-chrétienne. Nous ne sommes pas importés de quelque part.
Nous sommes dans notre propre pays et nous étions là avant l’Islam. Nous exigeons
de la communauté internationale de ne plus croire que nous sommes des chrétiens venus
avec les croisés, ou bien convertis à l’Islam ou importés de quelque part. Nous sommes
autochtones donc, nous tenons mordicus à notre terre pour rester avec liberté, dignité
et avec nos droits civils.