(RV) Entretien - Mardi 1er juillet, c’est au tour de l’Italie de prendre la
présidence de l’Union européenne. Six mois pendant lesquels Matteo Renzi, le Président
du conseil italien, veut impulser une Europe plus engagée pour la croissance et plus
solidaire. Avec un chômage à 12,6% et une dette qui atteint les 2 000 milliards
d'euros, soit 130% du PIB, l'Italie espère orienter la politique européenne vers moins
d'austérité. Matteo Renzi ne souhaite pas dépasser la limite de 3% de déficit budgétaire
par rapport au PIB, mais demande « d'utiliser la marge de flexibilité qui existe
» dans les traités européens.
Changer la politique européenne sera un défi
pour le Président du conseil italien, quelques semaines après la vague des partis
europhobes dans toute l’Union aux élections européennes. Lors de ces élections, Matteo
Renzi a remporté son premier succès électoral.
Alors à quel type de présidence
peut-on s’attendre avec lui ? Selon Marc Lazar, professeur à Sciences Po Paris,
spécialiste de l’Italie, Matteo Renzi a pour objectif de la marquer de son empreinte.
Il est interrogé par Audrey Radondy :
Dès
le 2 juillet, on va avoir un grand discours dont il a le secret avec son style de
communicant qui est sans pareil pour montrer les grands chantiers qu’il a d’ailleurs
annoncé : la question de la croissance, la compétitivité des entreprises, une politique
énergétique commune au niveau européen et également une politique commune en matière
d’immigration. Ce sont quelques uns des chantiers qu’ il a décidé d’ouvrir, sans parler
des réformes qu’il veut mener en Italie et plus globalement au niveau de l’Union Européenne
comme par exemple, la réforme de l’administration publique. Donc oui, je pense que
ça sera une présidence active, une présidence aussi très tranchante en termes de communication.
Il surfe sur la vague des 41% qu’il a eu aux élections européennes. C’est un résultat
assez spectaculaire au niveau global de l’Union européenne. Donc, il marque l’opinion
publique ou en tout cas, les décideurs. Mais en même temps, il a quand même beaucoup
d’handicaps. L’Italie ne va pas bien. Et puis, il y a quand même dans tout le reste
de l’Europe, un certain type de cliché qui persiste sur l’Italie : « Est-ce que ces
Italiens sont vraiment sérieux ? »
Comment est-il perçu par les autres dirigeants
européens ? Il intrigue un certain nombre de personnes. Quand on regarde les
sites web, par exemple de la gauche européenne, il y a l’idée que le salut viendra
cette fois-ci de l’Italie et de Matteo Renzi. Donc, incontestablement, pour tous les
gens qui veulent réformer cette Europe vieillissante, cette Europe qui va mal à part
peut-être l’Allemagne et quelques pays de l’Europe du Nord, c’est vrai que Matteo
Renzi apparait comme une sorte de souffle de vent frais et qui provoque un immense
intérêt. Beaucoup de gens se demandent ce qu’il est capable de faire parce que c’est
la grande question. Il annonce beaucoup de choses mais qu’est-ce qu’il peut effectivement
réaliser ? Et puis, il inquiète certains parce qu’il fait bouger les lignes.
Est-ce
qu’on peut dire que son programme, pour ce semestre de présidence est trop ambitieux
? Au contraire, je crois que c’est un programme qui est à mettre à son actif
parce que je crois que c’est un programme qui est à la hauteur du résultat des élections
européennes. Ces élections européennes sont une catastrophe : le taux d’abstention
très élevé, un énorme développement des partis eurosceptiques, critiques de l’Europe
qu’on qualifie parfois de populistes, voire des partis d’une extrême-droite la plus
redoutable qui fait penser aux années’30. Donc, la situation est très préoccupante.
Il y a une immense inquiétude des Européens. Et ça, c’est vraiment la force de Matteo
Renzi, c’est là où il est un vrai leader politique. C’est-à-dire qu’il est capable
d’identifier aussi bien en Italie qu’en Europe, les grands enjeux et d’essayer d’être
à la hauteur de ces enjeux. Il est capable de pointer ce qu’il faut changer. Est-il
capable, ensuite, de réaliser ce qu’il annonce, c’est là où on va voir si ce leader
est capable de devenir un vrai homme d’État.
Vous avez donc parlé de la
progression des partis eurosceptiques. Quelles difficultés pourraient aussi rencontrer
la présidence italienne ? La principale, c’est la capacité de relancer la
croissance économique. Mais quels sont les instruments de cette croissance ? Comment
faire en sorte de relancer des investissements pour permettre la reprise économique
? Comment créer un climat de confiance en Europe ? Ça, ce sont les grandes questions
qu’il va devoir affronter. Je remarque qu’en Italie, la croissance semble être très
faible mais il y a une chose, me semble-t-il, sur laquelle il est en train, avec beaucoup
de prudence, de réussir, c’est qu’il a recrée un climat de confiance en Italie. Mais
est-ce qu’il va réussir à le faire au niveau européen ? Est-ce qu’il va réussir à
réunir tous les dirigeants européens sur le type de politique économique à développer
? Ça aussi, c’est une grande inconnue. On sait que les Européens sont divisés, qu’ils
n’ont pas les mêmes intérêts, qu’ils n’ont pas les mêmes conceptions de la politique
économique. Donc, il a cette grande ambition de répondre à l’immense malaise européen
en provoquant de la croissance, donc à terme, de l’emploi. Il reste encore une fois
à être capable de le faire.
Photo : Matteo Renzi confiant après
avoir présenté son programme pour la présidence européenne le 24 juin devant le Parlement
italien.