2014-06-26 17:01:44

La France condamnée dans le dossier de la GPA


(RV) Entretien- La France condamnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés de mère porteuse à l'étranger. L’arrêt est tombé ce jeudi matin. La CEDH avait été saisie par deux couples de parents, qui s’étaient vus refuser par la justice française la possibilité de transcrire à l’état-civil français les actes de naissance de leurs enfants, nés par GPA, gestation pour autrui, aux Etats-Unis.

La Cour tacle donc la justice française, arguant « du droit à l’identité » des individus, au nom « des intérêts supérieurs de l’enfant ».

Quelles peuvent être les conséquences de cet arrêt ? Peut-il influer à terme sur la législation française en la matière ? Eléments de réponse avec Aude Mirkovic, juriste, porte-parole du collectif « juriste pour l’enfance », et auteur de PMA, GPA: La controverse juridique, aux éditions Téqui. RealAudioMP3


Concrètement, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France parce que la justice française refuse de transcrire sur le registre français d’état civil, les actes de naissance étrangers des enfants nés de gestation pour autrui à l’étranger. Donc, les actes de naissance, en général américains ou indiens, les enfants nés dans ces pays de gestation pour autrui.

Et quelles peuvent être les conséquences de cet arrêt ?
La conséquence est que la Cour Européenne des Droits de l’Homme prive la France du moyen de protéger les enfants de faire l’objet de ces pratiques parce que si la Cour de Cassation française refuse de transcrire les actes étrangers sur les registres français, c’est avec un objectif qui est avant tout symbolique qui est de refuser de cautionner, de valider la GPA, la gestation pour autrui réalisée à l’étranger. Et la Cour Européenne des Droits de l’Homme lui interdit désormais de le faire. Donc autrement dit, la justice française doit fermer les yeux en cas de recours à une gestation pour autrui à l’étranger. Et du coup, la justice française est privée de ses moyens qu’elle avait de dissuader les français désirant recourir à ces pratiques de le faire parce que la prohibition de la gestation pour autrui a pour but de protéger, tant les femmes gestatrices d’être utilisées comme des machines à fabriquer des enfants que de protéger les enfants d’être commandés, fabriqués, facturés et livrés pour assurer que cette prohibition soit efficace et que donc la protection soit efficace. Il faut avoir les moyens de sanctionner le recours à la gestation pour autrui. Et là, la France en est privée.

Est-ce que ça veut dire que cet arrêt va contraindre la France à légiférer sur la GPA ?
Non, la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’a pas le pouvoir de modifier les droits des États. La France n’a aucune obligation du fait de cette décision de légaliser la gestation pour autrui. Mais en revanche, du fait de cette condamnation, la France a l’obligation de valider, de cautionner, d’entériner les gestations pour autrui réalisées à l’étranger. Donc, comme si la dignité des femmes indiennes avait moins de valeur que la dignité des femmes françaises et comme si le fait d’acheter un enfant n’était plus un problème dès lors qu’on ne paye pas en euros mais en dollars ou dans une autre monnaie. Donc, la France est seulement obligée de valider les GPA réalisés à l’étranger. C’est déjà très grave.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme argue du droit d’identité des individus... Jugez-vous cet argument recevable ?
Ce qui n’est pas recevable, c’est d’invoquer soi-disant l’intérêt de ces enfants pour valider les traitements qui leur ont été infligés parce que ça veut dire tout simplement qu’on peut se procurer un enfant dans n’importe quelles conditions. Et ensuite, une fois arrivés en France, on est gentil avec lui, on s’occupe bien de lui et on est des parents exemplaires, et bien on oubliera les conditions dans lesquelles il a été conçu et dans lesquelles il a été remis. Donc, ceux-là mêmes qui ont fait subir à l’enfant la GPA invoque ensuite l’intérêt de l’enfant pour régulariser la situation qu’ils ont eux-mêmes suscités, eux-mêmes crées. Donc, la Cour Européenne des Droits de l’Homme se fonde sur l’intérêt de l’enfant mais en réalité, elle désert l’intérêt de l’enfant. C’est peut-être les droits de l’homme qu’elle promeut mais certainement pas les droits de l’enfant.

Il existe beaucoup d’enfants qui sont nés de GPA à l’étranger qui sont en France et qui ne bénéficient d’aucun statut, d’aucune reconnaissance. Que faire alors pour ces situations de fait ?
Tout d’abord, il est faux de dire que les enfants issus de GPA n’ont pas de statut. Ces enfants ont un statut, ils ont un état civil, ils ont une filiation qui découle simplement du droit du pays de leur naissance. Et tout ce que fait la justice française, c’est qu’elle refuse de fonder cet état civil dans le droit français. Donc, il en résulte certes une contrainte qui est d’abord administrative parce qu’à chaque fois qu’il faut justifier la filiation de ces enfants, au lieu de s’adresser à l’état civil français, il faut demander un extrait d’acte de naissance à l’autorité étrangère. Il faut ensuite produire cet acte de naissance qui a été traduit. Donc, il en résulte effectivement une certaine gêne et aussi un certain malaise parce que lorsque les français produisent des actes de naissance étrangers, il en résulte immédiatement une certaine suspicion, au moins un étonnement qui fait que leur situation est un petit peu compliquée. Mais ces contraintes sont réelles, elles ne pèsent pas du tout sur les enfants parce qu’on a encore jamais vu un enfant faire lui-même une demande de son acte de naissance. Ces contraintes pèsent sur les adultes qui se sont mis eux-mêmes délibérément dans cette situation. Et ces contraintes sont tout à fait mesurées par rapport à l’enjeu qui est de dissuader les personnes tentées de le faire, de recourir à des gestations pour autrui à l’étranger.


Photo: Cour européenne des droits de l'homme







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