2014-06-25 14:38:46

Les peuls cibles des anti-balaka


(RV) Entretien - Les musulmans en Centrafrique sont toujours la cible d’attaques de la part des milices anti-balaka. Parmi eux, la communauté peule. Peuple d’origine nomade, ils sont aujourd’hui plus ou moins sédentarisés en RCA et les anti-balakas attaquent directement leurs troupeaux d’élevage dans l’Est du pays. Beaucoup de Peuls ont été contraints de fuir au Cameroun et au Tchad, mais ils se retrouvent réfugiés dans des camps le long de la frontière. Les autres sont bloqués dans leur village et ne peuvent pas en sortir.

L’ONG CCFD-Terre Solidaire a débloqué cette semaine une aide d’urgence de 50 000 euros pour venir en aide à la communauté peule. Cette somme permettra d’apporter de la nourriture, des bâches, des nattes et des produits de première nécessité à 580 familles.

Bruno Angsthelm est chargé de mission Afrique au CCFD. De retour de Centrafrique, il nous explique les enjeux profonds liés à la communauté peule. RealAudioMP3

Tous les peuls de la partie ouest ont quitté le pays et sont réfugiés au Cameroun et au Tchad. Il reste encore quelques communautés peules et d’autres communautés musulmanes dans cette partie qui sont dans des situations dramatiques, qui sont assiégés, qui ne peuvent pratiquement pas sortir de leur quartier. Ils subissent des attaques régulières de la part des anti-Balaka. Mais il y a également toute une partie des communautés peuls dans la partie est, qui eux, continuent leurs activités. Pour nous, il y a des enjeux profonds avec cette communauté. Il semble très fortement que cette communauté est le symbole de la réconciliation à venir, du travail à faire sur la question du retour parce que si les centrafricains, d’une manière générale, ont une sorte de rejet des musulmans, les peuls restent quand même une communauté reconnue comme centrafricaine. Donc, pour nous, au CCFD, il s’agit aussi à travers ce projet d’urgence d’envoyer des messages à cette communauté comme quoi, elle reste concernée par la situation centrafricaine et il s’agit également de continuer à mettre en lien ces communautés à travers leurs représentants associatifs avec la société civile de Bangui.

Donc pour vous, la communauté peule est un maillon essentiel pour la réconciliation future de la nation centrafricaine ?
En fait, il y a deux aspects. Pour pouvoir mettre dans le débat national, aujourd’hui en Centrafrique, la question du retour des musulmans, la question du retour des peuls nous paraît être une première étape, probablement plus facile, même si la question sera très complexe. L’autre chose, c’est qu’envoyer des messages de solidarité à la communauté peule peut mettre cette communauté en lien avec la société civile centrafricaine. Ce serait aussi une manière de la faire participer aux efforts de réconciliation et surtout, d’éviter à terme que cette communauté puisse se radicaliser. Si cette communauté se sent rejetée dans les camps de réfugiés, s’ils se sentent isolés puisqu’ils ont quand même très peu d’appui, cette communauté risque peut-être d’être à l’écoute des messages envoyés par un certain nombre de chefs de cette communauté, en tout cas de radicaux qui sont aujourd’hui dans la Séléka.

Vous venez de rencontrer des leaders de la communauté peule. Quel message vous-ont t’il fait remonter ? Quel message veulent-ils faire passer ?
Le premier point, c’est qu’il souhaite qu’on puisse bien exprimer le fait que c’est une communauté qui est victime. Malheureusement, dans l’imaginaire, les peuls sont souvent stigmatisés, marginalisés. On les considère souvent comme suspects, voire dangereux, agressifs. Effectivement, certains membres de la communauté ont rejoint ces dernières années quelques mouvements rebelles. Aujourd’hui, quelques leaders de la Séléka sont d’ailleurs peuls. Mais ce qu’ils souhaitent dire, c’est que cette communauté est pacifique et veut vivre en paix. Ils sont victimes, depuis des années et aujourd’hui encore, des anti-Balaka. Il y a eu un très grand nombre de morts, de blessés et de viols. Des communautés ont été enfermées dans des caves et brulées vifs. Ils veulent rappeler ceci, pour eux, c’est très important, ils veulent être impliqués dans le processus de réconciliation. Ils veulent qu’on commence à préparer le retour. Ils considèrent que justement, il y a besoin d’une aide d’urgence, il y a besoin d’envoyer des messages dans les communautés peules réfugiées afin que ceux-ci gardent l’espoir qu’ils soient reconnus, finalement, dans leurs droits.








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