(RV) Entretien- A 51 ans, Haïm Korsia, aumônier en chef du culte israélite
des armées, est devenu le nouveau grand Rabbin de France, succédant ainsi à Gilles
Bernheim. L’élection s’est tenue le dimanche 22 juin, au cours d’une assemblée générale
du Consistoire central, réunie au Palais des congrès à Paris.
Intellectuel
reconnu, homme de dialogue, Korsia devient ainsi chef d’une communauté de quelque
500 000 personnes, la plus grande communauté juive d’Europe. Ses principaux défis
: raviver l’espérance, garantir l’unité d’une communauté juive éprouvée, promouvoir
un judaïsme ouvert et apaisé, et en dialogue avec les autres religions.
Le
Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, au micro de Manuella Affejee :
Il
y a un besoin de rassurer la communauté juive de France. Il y a un besoin de recréer
l’unité, il y a surtout besoin de relancer l’espérance dans un rêve commun qui s’appelle
la France.
Et pourquoi ? Parce qu’on a tué des juifs en France,
parce qu’il y a un sentiment très fort de vulnérabilité, de fragilité et qu’il faut
rassurer les juifs de France. Et à travers eux, il faut rassurer la France qui s’inquiète.
On a lynché un jeune rom, il y a quelques jours, en banlieue parisienne dans une relative
indifférence. Et cette violence de la société qu’on constate, dans toute l’Europe,
est quelque chose qui devrait alerter l’ensemble des acteurs de la vie sociale et
politique. Je crois que le principal, c’est de permettre à chacune et à chacun d’espérer
encore dans un vivre ensemble assuré, serein, qui ne prête pas toujours à violence
et au combat. Et c’est peut-être ça, l’espérance du psaume 133 « Qu’il est bon et
agréable que les frères résident ensemble ».
Et comment comptez-vous
rassurer, de façon concrète, votre communauté ? Je crois qu’il faut augmenter
la notion d’écoute, la notion de partage. Il faut tisser des liens, des nouveaux liens
de solidarité, notamment avec le dialogue interreligieux, faire en sorte que la religion
soit un facteur de rapprochement et jamais de divergence, de séparation. Il ne s’agit
pas de penser, de dire la même chose. Il s’agit de dire des choses différentes, distinctes,
mais ensemble.
Alors, justement, vous parlez de dialogue interreligieux.
Vous étiez à la conférence des responsables des cultes en France hier matin. Quelle
est votre vision du dialogue interreligieux ? Je crois qu’on a à partager
l’espérance commune, on a aussi à partager les préoccupations communes sans syncrétisme
mais ensemble. C’est très important, cette idée de partager ensemble, ce qui nous
fait humain.
Que pensez-vous du Pape François ? C’est un Pape qui
a parfaitement réussi son début de mission et qui a apporté un souffle frais et un
souffle de vérité sur son Église.
Je vous cite « On ne peut pas fermer
les portes des synagogues, il faut les ouvrir ». Cette rhétorique rappelle un peu
celle du Pape François. Est-ce à dire que vous êtes dans une même dynamique, la dynamique
de l’ouverture ? L’ouverture, c’est la force de ceux qui sont fermes dans
ce qu’ils pensent, ce qu’ils croient. Etre capable d’ouvrir, c’est savoir qu’on porte
des idées qui peuvent voyager, qui peuvent être partagées. Donc, il faut ouvrir les
synagogues, pour accueillir les déçus, ceux qui ne trouvent pas leur place. C’est
la même problématique pour tous les cultes. C’est plus rassurant de se concentrer
sur un noyau dur, sur ceux qui se voit comme étant les gardiens d’une certaine forme,
de leur forme de piété. Mais la force, et c’est la force du modèle confessorial
français, c’est d’être ouvert sur tous et de permettre à chacun de trouver sa place
dans la synagogue.
Photo :
Le nouveau Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, élu le dimanche 22 juin.