RV) Entretien- « Ceux qui ont choisi un chemin de mal, comme les mafieux,
ne sont pas en communion avec Dieu mais sont excommuniés » : c’est avec ces mots,
sévères, que le Pape a fustigé la mafia, une « adoration du mal et un mépris du
bien commun ». C’était samedi, lors de sa visite pastorale en Calabre, dans le
sud de la péninsule italienne, une région gangrenée par les méfaits de la N’Drangheta,
un réseau mafieux aux multiples ramifications.
Cette excommunication du Pape,
lancée d’une voix tonnante lors de la messe à Sibari, n’est pas passée inaperçue,
loin s’en faut. L’occasion pour nous d’apporter un éclairage sur ce sujet, au regard
du droit canonique.
Bernard Callebat, spécialiste du droit canon, enseignant
à l’Institut catholique de Toulouse.
Alors,
une excommunication est une censure, c’est-à-dire une des peines les plus graves qui
peut-être infligée à un fidèle. Et l’excommunication est considérée comme un délit
gravissime. On a l’habitude de parler d’exclusion de la communauté ecclésiale. C’est
d’ailleurs dans ce sens-là que le Pape François s’est exprimé pour signifier son intention
de procéder à l’exclusion de la communauté ecclésiale de ceux qui se livrent à des
activités qui sont contraire à la morale économique et sociale.
Qu’est-ce
que cela implique une excommunication ? Vous dites une exclusion de la communauté
ecclésiale mais quelles sont ces incidences concrètes pour un croyant ? Il
faut bien avoir à l’esprit que le droit pénal de l’Église, puisqu’il s’agit de droit
pénal dans le cas de l’excommunication, vise essentiellement les biens spirituels
et pas les biens matériels puisque l’Église n’a pas de moyens de coercition. S’agissant
des biens spirituels, cela veut dire, par exemple, l’interdiction de recevoir la communion,
l’obligation, également, pour le délinquant de se confesser de son propre forfait.
Et même si cela peut paraître un peu lointain mais c’est aussi important, c’est l’incapacité
de gagner des indulgences quand des indulgences sont posées par l’Église. Et puis,
j’ai envie de dire, c’est peut-être dans la même prestation la plus ordinaire de la
vie du chrétien que les effets de l’excommunication se font sentir, en particulier
par le fait que les excommuniés ne peuvent pas, par exemple, bénéficier de funérailles
religieuses. Et là, on tombe la vie concrète des fidèles, qui se voyant privés de
funérailles, sont directement désignés à la face des fidèles comme de véritables délinquants.
Je pense que c’est le but poursuivi par le Saint-Père.
Quelles sont les
causes et les circonstances qui entrainent de facto une excommunication ? Alors
là, je crois qu’il faut être un peu plus prudent puisque l’excommunication, comme
vous l’avez dit, de facto, concerne un certain nombre d’actes délictueux et ce ne
sont certainement pas les actes commis par les membres de la mafia qui sont visés
directement. L’excommunication de facto, c’est ce que nous appelons en termes techniques,
l’excommunication latae sententiae, c’est-à-dire du seul fait de commettre un délit
et bien, l’excommunication tombe. Il faut savoir que le fait d’appartenir à la mafia
n’est pas dans la liste des excommunications. C’est donc une excommunication qui devra
être prononcée. Ou alors, il faut penser que le Saint-Père envisage de modifier une
partie du droit pénal pour inclure le fait d’appartenir à la mafia comme étant de
facto une cause d’excommunication. Mais à l’heure où vous m’interrogez, cette excommunication
ne peut pas être considérée comme étant de facto applicable. Il faut nécessairement
qu’un tribunal ou une autorité religieuse se prononce pour infliger intuitu personae,
c’est-à-dire à une personne bien déterminée, cette sanction.
Et donc, quels
sont les délits qui induisent l’excommunication de facto ? Il y a une série
de délits qui sont portés par l’Église et qui emportent immédiatement l’excommunication.
Ce sont des délits qui sont classiques dans l’histoire de l’Église : c’est l’apostasie
de la foi, l’hérésie, le schisme, la profanation des saintes espèces, les voies de
fait sur la personne du Pape, l’absolution du complice dans un péché contre le sixième
commandement, la consécration épiscopale sans mandat pontifical, la violation directe
du secret sacramentel et l’avortement. Pour les autres cas, il peut y avoir excommunication
et on peut imaginer que dans le cas visé par le Saint-Père, l’intention du Saint-Siège
est effectivement d’imposer l’excommunication. Alors, cela peut se traduire dans l’immédiat
par la privation de la communion, c’est-à-dire la privation du sacrement de l’eucharistie.
En aucun cas, l’excommunication entendue au sens pénal du terme ne peut introduire
de facto le cas visé par le Saint-Père le week-end dernier.