Les chrétiens du Kosovo, une vie dans des enclaves
(RV) Entretien - Les chrétiens du Kosovo : Serbes et Albanais, ils représentent
7% de la population, majoritairement musulmane. Leur situation de minorité les expose
à des vexations et à des mesures souvent discriminatoires ; un état de fait dénoncé
par Solidarité Kosovo une association française créée en 2004, qui s’est donnée pour
but d’apporter une aide concrète et efficace à ces populations chrétiennes du Kosovo.
Circonscrites
dans des enclaves, ces familles chrétiennes, souvent pauvres et nécessiteuses, ont
fait le choix de rester sur ce territoire encore profondément marqué par les conséquences
de la guerre.
On en parle avec Ivana Gajic est chargée de communication
et des relations institutionnelles au sein de Solidarité Kosovo
Ce
sont des villages qui sont fermés par des fils barbelés et où se concentrent en fait
toutes les familles chrétiennes. Pourquoi ? Parce le fait d’être ensemble permet un
petit peu de mutualiser tous les biens, d’être ensemble, de ne pas être isolés dans
un village. Il faut savoir qu’avec « Solidarité Kosovo », nous leur rendons très régulièrement
visite pour leur apporter des soins de premiers secours et nous pouvons témoigner
de l’angoisse dans laquelle ils vivent parce qu’ils sont traumatisés par toutes les
agressions à répétition qu’ils ont subies depuis la guerre. Ils sont clairement victimes
de violences ouvertes qui les visent en tant que chrétiens et cette violence qui est
multiforme, physique, matérielle se répète et à chaque fois ravive ces vieilles blessures.
Déjà, on se rend compte en traversant le Kosovo d’une enclave à l’autre qu’il y a
des sanctuaire qui sont désaffectés, des cimetières chrétiens qui sont saccagés et
qui entretiennent à eux seuls, finalement, le souvenir nostalgique des communautés
chrétiennes disparues qu’on nous évoque.
Outre les vexations que vous venez
de citer, vous dénoncez également le fait que ces chrétiens soient considérés, traités
comme des citoyens de seconde zone. Les chrétiens qui restent au Kosovo connaissent
le sort de citoyens de seconde zone. Ils n’ont pas de perspective sociale parce qu’ils
ne peuvent pas travailler. Ils subissent une ségrégation de l’expulsion parce qu’ils
sont sans emploi, ils sont placés hors du système de soins. Ils sont interdits de
transports publics. Donc, on comprend bien qu’ils ont une vie sociale et professionnelle
atrophiée et ils ont une espèce de vie limitée parce que lorsqu’ils veulent sortir
de leurs enclaves, ils savent qu’ils risquent l’accrochage, l’agression. Très souvent,
ils n’y sortent qu’en cas de très grande urgence et c’est pour essayer de se faire
soigner dans un hôpital serbe qui se trouve à des centaines de kilomètres de chez
eux. Donc, en conclusion, je dirais qu’en 2014, le Kosovo Métochie, c’est l’unique
territoire en Europe qui figure dans l’atlas de l’intolérance. C’est un atlas qui
a été publié par le « figaro magazine » et qui répertorie les persécutions contre
les chrétiens.
« Solidarité Kosovo » veut alerter aujourd’hui sur un cas
bien spécifique, celui d’un monastère qui serait apparemment victime d’actes d’intimidation
d’extrémistes. C’est le monastère orthodoxe serbe de Visoki Decani qui se
trouve donc en Métochie et qui est un édifice chrétien qui est classé au patrimoine
mondial de l’Unesco. Donc, nous avons été alertés par les moines de ce monastère puisqu’ils
ont pris la décision d’édifier une haute muraille de 2,5 mètre pour protéger ce monastère
orthodoxe. Il faut savoir que ce monastère a été fondé en 1327 et qu’il représente
un des monastères orthodoxes les plus importants, voire le plus symbolique dans les
Balkans. Or, pourquoi avoir mis en œuvre l’édification d’une telle muraille, d’une
telle protection ? Et bien, parce que ce monastère a constamment été menacé depuis
1995 par des extrémistes albanais. On s’est rendu compte que ce monastère est devenu
presque un symbole, finalement, de la présence chrétienne au Kosovo Métochie qu’il
fallait à tout prix et par tous les moyens effacer. Alors, les tentatives ont été
vaines puisque le monastère a été attaqué quatre fois en l’espace de quinze ans dont
deux fois l’arme de guerre. Et finalement, les tentatives de destruction de ce monastère
ont été avortées puisque le monastère a été placé sous la protection des soldats de
la KFOR. Et cette force armée de l’OTAN garde le lieu saint en son entrée. Ces soldats
ont à chaque attaque repoussé ces extrémistes albanais qui voulaient en découdre complètement
et avec les moines et avec le monastère. Les moines nous ont relayé une très mauvaise
nouvelle, c’est que le commandement de l’OTAN qui assurait donc la protection de ce
monastère a annoncé le retrait de ses forces d’ici la fin de l’année. Ce départ inquiète
à juste titre les moines qui se demandent alors ce qu’il adviendra en fait de leur
vie monastique et ce qu’il adviendra de ce précieux joyaux chrétien que représente
le monastère parce que si les forces internationales n’ont pas empêché les dernières
attaques, elles en ont cependant fortement limité l’impact. Maintenant, la question,
c’est de savoir qui les dissuadera désormais des nouvelles attaques, qui dissuadera
ces militants extrémistes d’en découdre définitivement avec le monastère. Alors, il
est vrai que les moines ont trouvé par l’édification de cette muraille une réponse
à toutes ces questions. L idée, c’est de construire un anneau de protection qui sera
surmonté de barbelés. Et nous avons décidé de les accompagner dans cette démarche
et d’apporter tout notre concours pour faire en sorte que cet héritage chrétien séculaire
ne disparaisse pas en plein cœur de l’Europe. Et nous avons invité tous nos donateurs
qui représentent 8.000 personnes en France à participer afin d’ hérisser cette protection
pour préserver le monastère et la vie monastique.