2014-06-18 16:13:02

Anne-Marie Pelletier, fière pour toutes les femmes


(Radio Vatican) - Entretien L’annonce a été faite mardi : la bibliste française Anne-Marie Pelletier remporte le prix Ratzinger 2014, devenant ainsi la première femme lauréate de ce prestigieux prix de théologie, qu’elle partage avec le père Waldemar Chrostowski, prêtre polonais, engagé dans le dialogue entre catholiques et juifs.

Mère de trois enfants, agrégée de Lettres Modernes, docteur en Sciences des religions, Anne-Marie Pelletier, outre son travail d’exégèse, s’est également illustré ces dernières années pour sa réflexion sur le rôle et la place des femmes dans l’Eglise et dans le christianisme.

Jointe par téléphone, Anne-Marie Pelletier réagit à cette récompense, et nous évoque ses thèmes de recherche : RealAudioMP3




Écoutez, je dirais que c’est un grand étonnement, une grande surprise, avec bien sûr de la gratitude. Mais je me dis que tellement d’autres, et en particulier tellement d’autres femmes auraient d’autres titres à faire valoir que moi. Alors je me dis « pourquoi moi ? ». J’ai une grande admiration pour ce que vivent les femmes d’une façon générale, et dans l’Église en particulier. Et c’est pour ça que recevant cette distinction, je pense aux autres et j’étends l’honneur qui m’est fait aux autres femmes dans l’Église.


En vous conférant ce prix, la fondation Ratzinger a voulu saluer de manière particulière vos travaux sur le rôle et la place de la femme dans l’Église et dans le christianisme. Est-ce que par rapport à cette thématique très sensible et très importante, vous avez pu noter une évolution des mentalités au cours de ces dernières années ?
Ma réponse est résolument positive. Alors, je sais bien que beaucoup d’autres femmes et moi quelques fois, ont le sentiment de certains piétinements, parfois même de reculs, mais je crois qu’il faut être attentif à ce qu’il se passe au fil des années, et qui fait que les femmes sont tout de même de plus en plus reconnues dans l’Église et de ce qu’elles font et du coup, elles reçoivent des responsabilités qui n’étaient pas pensable il y a encore quelques décennies. Alors, on peut considérer que tout cela est insuffisant et je serai assez prête, dans certains cas, à le reconnaître mais moi j’ai tendance à vivre dans la confiance et à prôner en la matière une certaine patience en appuyant justement sur tout ce qui positivement, se met en place depuis le Pape Jean-Paul II en particulier, confirmé par le Pape Benoît XVI et aujourd’hui par le Pape François.


Vous parlez donc d’une évolution positive en général. Pouvez-vous me donner des exemples ?
Écoutez, tout simplement si je me réfère à mon lieu d’enseignement, les femmes enseignent aujourd’hui. Et des femmes enseignent à des séminaristes. Donc, elles contribuent à la formation de ce qui sera le clergé de demain. Des femmes sont chercheuses en théologie et là aussi, elles apportent une contribution, me semble-t-il, importante parce qu’on ne pense pas exactement de la même manière quand on est homme et quand on est femme. On fait la même théologie mais en même temps, une théologie un petit peu différente. Et puis, je constate, dans l’Église de France, par exemple, dans l’espace de ces derniers jours, je vois des femmes qui sont nommées à des postes importants. Tout récemment, l’amitié judéo-chrétienne vient d’être confiée à Jacqueline Cuche, qui remplace un prêtre. Alors, il ne s’agit pas de prendre la place les uns des autres. Je ne suis pas du tout dans cette logique de pouvoir et même de redistribution des places mais je crois que ça veut dire quelque chose, de l’ordre d’une reconnaissance et d’une confiance qui est faite aux femmes.


L’été dernier, dans l’avion qui le ramenait de Rio à Rome, le Pape François avait exprimé le souhait que les femmes aient un rôle plus décisif dans l’Église. Comment interprétez-vous cette déclaration ?
J’ai reçu, là aussi bien sûr avec gratitude, ces mots du Pape François qui me semblent intéressants d’autant plus que nous ne partons pas de rien. Le texte Mulieris dignitatem, à la fin du siècle dernier, a marqué une date importante. Donc, une évolution s’est amorcée. En même temps, le Pape François arrive et il semble toujours remettre à plat d’une certaine manière et nous dire « il y a un chantier à ouvrir ». Ce qui veut dire que des choses ont été faites mais il en reste encore beaucoup à faire. Cette place décisive pour moi, telle que je la comprends en lisant le Pape François, justement, ce n’est pas simplement une question de poste hiérarchique, de reconnaissance institutionnelle. Alors, il y a certainement de cela, mais il y a aussi dans mon esprit et je pense être à peu près fidèle à ce que lui-même nous dit, il y a la nécessité que nous arrivions à penser une ecclésiologie intégrale où les femmes aient leurs places plénières et jouent le rôle de signe de ce qu’est la vie chrétienne dans sa réalité la plus fondamentale, de ce qu’est la vie baptismale. Elles n’ont pas de sacerdoce ministériel, elles ne l’auront pas mais du coup, elles deviennent, je crois, les témoins de ce trait fondamental qui est la grâce de la vie chrétienne et dont elles ont la plénitude. Elles doivent rappeler à tous dans l’Église, y compris à ceux qui ont donc des responsabilités hiérarchiques, que c’est ça au fond le centre de gravité de la foi chrétienne et de la vie chrétienne.










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