2014-06-17 19:17:45

Syrie : l'amertume et la colère de Carla del Ponte


(RV) Entretien - Présentation ce mardi 17 juin du dernier rapport de la Commission d’enquête de l’ONU sur les violations des droits de l’Homme en Syrie, devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève. Le texte souligne de nouvelles exactions commises à travers tout le pays, trois ans après le début de la guerre. De nouvelles preuves sont apportées à la connaissance du grand public et de la communauté internationale.

Malgré cela, Carla Del Ponte, membre de cette commission, et ancienne procureur du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du tribunal pour le Rwanda, est amère et en colère face à l’inertie de la justice internationale et des principales puissances. Un entretien réalisé à Genève par Catherine Fiankan-Bokonga RealAudioMP3

Voyant le cumul de preuves qu’on a, on pourrait déjà sortir des actes d’accusation, on pourrait déjà commencer un très bon travail. Ce qui serait naturellement une aide énorme pour arriver à une négociation parce que si vous avez les hauts responsables politiques militaires qui sont sous mandat d’arrêt international, naturellement, les négociations se facilitent. On a eu l’exemple de l’Ex-Yougoslavie. Quand on voyage dans les pays limitrophes et qu’on rencontre toutes ces victimes avec leurs souffrances, on voit qu’on est en train de détruire un État. Il y aura toute une génération de jeunes gens qui seront traumatisés, ce sera vraiment une catastrophe, une tragédie, un désastre. Alors, je me dis « Mais pourquoi la Communauté Internationale n’intervient pas, ne fait pas quelque chose ? ». Pourquoi ne pas commencer avec la justice ? C’est un petit pas qu’on peut faire pour une paix durable. Mais je ne sais pas, il n’y a pas de volonté politique. Je me demande le pourquoi et je n’ai pas de réponse.

Par le passé, vous vous êtes occupée du tribunal pour l’Ex-Yougoslavie. On est toujours intervenu au niveau justice, que ce soit pendant le conflit pour la Yougoslavie ou après le conflit pour le Rwanda. Que se passe-t-il ? On a de l’expérience maintenant.
Pas seulement de l’expérience, on a fait de grands pas en avant en ce qui concerne la justice internationale, jusqu’au cas de la Syrie. C’était un grand succès. Alors, retournons à la deuxième guerre mondiale. Pendant 50 ans, il n’y a rien eu. Et puis tout à coup, la justice internationale a vu sa naissance avec les tribunaux internationaux et maintenant, la Cour Permanente. Alors, je me demande maintenant le pourquoi de la Syrie. Pourquoi fait-on marche-arrière ? J’espère vivement que ça va changer dans quelques semaines, dans quelques mois parce que la gravité et la tragédie de ce qui se passe en Syrie peut être vue par tout le monde et j’espère vivement que ça va changer.

La Commission n’arrête pas de marteler que seule une solution politique peut permettre de résoudre ce conflit, d’arrêter la violence. Est-ce que vous pensez sincèrement que ce conflit peut s’arrêter sans instrument de justice mis à disposition des supposés personnes impliquées ?
Moi personnellement, je suis contre la guerre. Donc, s’il n’y a pas de guerre, il y a seulement les négociations et c’est pour cela que la Commission reste sur les négociations. Mais effectivement, on est à un point mort. Deux négociateurs ont déjà donné leur démission. Si aujourd’hui, la négociation n’est pas encore possible, à plus forte raison, il faut marcher avec la justice. C’est-à-dire ayant une institution judiciaire qui commence un petit grand travail qui porte certainement à la paix. Malheureusement, on n’en est pas encore là mais on espère.



Sur le terrain, les combats se poursuivent notamment entre une partie des rebelles, notamment le Front Al Nosra, et l’Etat islamique en Irak et au Levant. Cette guerre dans la guerre aurait fait plus de 6 000 morts depuis le début de l’année.

Photo : Carla del Ponte







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