(Radio Vatican) L’examen de la loi famille en France a une nouvelle foi été reporté
sine die. Les discussions concernant ce texte, qui porte sur l’autorité parentale,
ont été interrompues dans la nuit du lundi à mardi, les débats ayant été retardés
par de nombreux amendements déposés par l'UMP. Faute de temps, le vote a été ajourné
à une date ultérieure qui n’a pour le moment pas été fixée. Neuf heures après l’ouverture
des débats, il restait encore 207 amendements à examiner, sur les 700 déposés. Plusieurs
élus UMP se sont réjouis de ce report.
« Bonne deuxième manche pour ce
texte décidément mal engagé ! », s'est ainsi félicité sur Twitter le député UMP
Philippe Gosselin, en pointe sur les questions de famille. Les élus de gauche ont
eux une nouvelle fois déploré l'« obstruction caractérisée de l'UMP ».
Le
débat avait repris lundi après-midi, là où il avait été arrêté dans la nuit du 21
au 22 mai. C’est donc la deuxième fois que l’examen et le vote de cette proposition
de loi sont reportés. Durant les neuf heures de débats, plusieurs mesures controversées
ont néanmoins été adoptées. C’est le cas du « mandat d’éducation quotidienne
», qui pourra être contracté par les parents et le beau-parent. De nombreux élus UMP
dénoncent l’instauration d’une « multiparentalité » et un « glissement dangereux
» vers une égalité entre « parenté sociale et parenté biologique ».
Pour
la majorité au contraire, il s’agit d’« adapter le code civil » aux réalités
des familles et de faire en sorte que, dans les familles séparées ou recomposée, chacun
puisse jouer son rôle auprès de l’enfant.
Mais au-delà des clivages politiques,
qu’en est-il de l’intérêt de l’enfant ? Des milliers de professionnels de l’enfance
mettent en garde contre les limites de ce texte. Ils ont signé une pétition contre
la garde alternée systématique en cas de séparation estimant qu’elle est inadaptée
aux besoins des enfants. Parmi les signataires : le psychiatre Pierre Lévy-Soussan,
expert auprès de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il s’attarde sur les points
du texte qui vont, selon lui, à l’encontre de l’intérêt de l’enfant.
C’est une
loi qui est extrêmement préjudiciable à l’intérêt de l’enfant. Dans bon nombre de
ces propositions, il faudrait être très clair et vigilant par rapport aux risques
qu’une telle loi représente.
Selon vous, quels sont dans ce texte qui est
aujourd’hui une version a minima du projet abandonné en février dernier, les points
les plus contestables du point de vue de l’intérêt de l’enfant ? C’est cette
double résidence d’une façon égalitaire par rapport au père et à la mère, ce qui pour
les enfants de moins de six ans, pose un réel problème étant donné que la résidence
alternée que cette loi voudrait proposer quasi systématiquement ou en tout cas la
généraliser n’est absolument pas adaptée d’une part aux enfants de moins de six ans
et en cas de conflits. Déjà ça, c’est quelque chose qui pose un réel problème. Cette
notion arithmétique égalitaire et paritaire entre le père et la mère est tout à fait
illusoire par rapport à l’enfant. C’est quelque chose qui ne tient pas compte de son
intérêt où il a des besoins très asymétriques, très complémentaires entre le père
et la mère. Ça ne veut pas dire que le père n’est pas important mais ça veut dire
que chacun a un rôle particulier à jouer en fonction de l’âge de l’enfant et que ne
pas tenir compte de cette logique, en particulier pour les bébés et pour les enfants
plus jeunes, c’est quelque chose qui peut totalement perturber le développement psychique
d’un enfant.
N’y a-t-il pas moyen de concilier l’intérêt de l’enfant tout
en prenant en compte « le nouveau panorama familial » ? C’est très compliqué
dans le climat politique actuel. C’est-à-dire que le grand problème que nous regrettons,
c’est que la politique ce soit emparé de ses problèmes-là et donc, il y a des dérives
politiciennes aussi bien à droite qu’à gauche qui font qu’on ne peut plus discuter
sereinement de ces questions-là et en particulier, de l’intérêt de l’enfant qui est
instrumentalisé tantôt par les uns, tantôt par les autres. Bien entendu, on regrette
les dérives purement politiciennes de cette loi, étant donné qu’on a justement beaucoup
de mal à faire entendre l’intérêt de l’enfant, les logiques psychiques qui gouvernent
à son développement dans ce contexte-là.
Les professionnels de l’enfant
ont donc un rôle fondamental à jouer. Ils sont en quelque sorte des garde-fous ? Ils
devraient l’être mais ils ne l’ont jamais été. Lorsqu’il y a eu cette première loi
en 2002, ils n’ont absolument pas été consultés. Et déjà là, il y avait la dérive
actuelle en consacrant la résidence alternée en cas de conflit. Donc déjà là, c’était
une très mauvaise compréhension et application d’une solution qui n’a d’indication
que dans certains cas. Et deuxièmement, dans ce climat législatif, toute prise de
position est très souvent récupérée de façon politique. Là encore, nous le regrettons.
Donc, il est très difficile de se faire entendre, de faire entendre la voix de l’enfant
auprès d’adultes en colère, qui revendiquent et très idéologiques.
Vous
avez le sentiment que ce texte tient compte de l’intérêt des adultes plutôt que celui
de l’enfant ? Oui, bien sûr, c’est une loi compassionnelle qui est fait sous
le coup de groupes de pression et de lobbying extrêmement puissants et qui font des
lois. Donc, c’est avant tout une loi pour les adultes et absolument pas pour les enfants.
Sans ça, on ne serait pas 8.000 pétitionnaires, psychiatres, pédopsychiatres et autres
spécialistes de l’enfance à se mobiliser contre ce projet de loi. À chaque foi que
la loi se mêle de la famille, on devrait être extrêmement prudent et y aller vraiment
après avoir bien compris les enjeux. Le problème, c’est que ces lois passent toujours
d’une façon très rapide, sont toujours très mal rédigées et sont toujours bâclées
à la six-quatre-deux. Et donc, ce ne sont jamais des lois qui tiennent justement compte
des intérêts complexes, multiples, de la place de la mère et de la place du père en
raison des prises de position très idéologiques et très politiques dont l’enfant fera
toujours les frais. Il est vrai que la période actuelle est une période où les adultes
veulent consacrer un certain nombre de choses en oubliant les évidences qui peuvent
se poser pour un enfant et les problèmes que peut affronter l’enfant dans ce monde
en mouvement. Ce n’est pas parce que ce monde est en mouvement qu’il ne faut pas légiférer,
bien au contraire mais on ne doit pas oublier les besoins fondamentaux de l’enfant
dans ce monde en mouvement.