2014-06-17 13:08:01

Où est l'intérêt de l'enfant ?


(Radio Vatican) L’examen de la loi famille en France a une nouvelle foi été reporté sine die. Les discussions concernant ce texte, qui porte sur l’autorité parentale, ont été interrompues dans la nuit du lundi à mardi, les débats ayant été retardés par de nombreux amendements déposés par l'UMP. Faute de temps, le vote a été ajourné à une date ultérieure qui n’a pour le moment pas été fixée. Neuf heures après l’ouverture des débats, il restait encore 207 amendements à examiner, sur les 700 déposés. Plusieurs élus UMP se sont réjouis de ce report.

« Bonne deuxième manche pour ce texte décidément mal engagé ! », s'est ainsi félicité sur Twitter le député UMP Philippe Gosselin, en pointe sur les questions de famille. Les élus de gauche ont eux une nouvelle fois déploré l'« obstruction caractérisée de l'UMP ».

Le débat avait repris lundi après-midi, là où il avait été arrêté dans la nuit du 21 au 22 mai. C’est donc la deuxième fois que l’examen et le vote de cette proposition de loi sont reportés. Durant les neuf heures de débats, plusieurs mesures controversées ont néanmoins été adoptées. C’est le cas du « mandat d’éducation quotidienne », qui pourra être contracté par les parents et le beau-parent. De nombreux élus UMP dénoncent l’instauration d’une « multiparentalité » et un « glissement dangereux » vers une égalité entre « parenté sociale et parenté biologique ».

Pour la majorité au contraire, il s’agit d’« adapter le code civil » aux réalités des familles et de faire en sorte que, dans les familles séparées ou recomposée, chacun puisse jouer son rôle auprès de l’enfant.

Mais au-delà des clivages politiques, qu’en est-il de l’intérêt de l’enfant ? Des milliers de professionnels de l’enfance mettent en garde contre les limites de ce texte. Ils ont signé une pétition contre la garde alternée systématique en cas de séparation estimant qu’elle est inadaptée aux besoins des enfants. Parmi les signataires : le psychiatre Pierre Lévy-Soussan, expert auprès de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il s’attarde sur les points du texte qui vont, selon lui, à l’encontre de l’intérêt de l’enfant. RealAudioMP3

C’est une loi qui est extrêmement préjudiciable à l’intérêt de l’enfant. Dans bon nombre de ces propositions, il faudrait être très clair et vigilant par rapport aux risques qu’une telle loi représente.

Selon vous, quels sont dans ce texte qui est aujourd’hui une version a minima du projet abandonné en février dernier, les points les plus contestables du point de vue de l’intérêt de l’enfant ?
C’est cette double résidence d’une façon égalitaire par rapport au père et à la mère, ce qui pour les enfants de moins de six ans, pose un réel problème étant donné que la résidence alternée que cette loi voudrait proposer quasi systématiquement ou en tout cas la généraliser n’est absolument pas adaptée d’une part aux enfants de moins de six ans et en cas de conflits. Déjà ça, c’est quelque chose qui pose un réel problème. Cette notion arithmétique égalitaire et paritaire entre le père et la mère est tout à fait illusoire par rapport à l’enfant. C’est quelque chose qui ne tient pas compte de son intérêt où il a des besoins très asymétriques, très complémentaires entre le père et la mère. Ça ne veut pas dire que le père n’est pas important mais ça veut dire que chacun a un rôle particulier à jouer en fonction de l’âge de l’enfant et que ne pas tenir compte de cette logique, en particulier pour les bébés et pour les enfants plus jeunes, c’est quelque chose qui peut totalement perturber le développement psychique d’un enfant.

N’y a-t-il pas moyen de concilier l’intérêt de l’enfant tout en prenant en compte « le nouveau panorama familial » ?
C’est très compliqué dans le climat politique actuel. C’est-à-dire que le grand problème que nous regrettons, c’est que la politique ce soit emparé de ses problèmes-là et donc, il y a des dérives politiciennes aussi bien à droite qu’à gauche qui font qu’on ne peut plus discuter sereinement de ces questions-là et en particulier, de l’intérêt de l’enfant qui est instrumentalisé tantôt par les uns, tantôt par les autres. Bien entendu, on regrette les dérives purement politiciennes de cette loi, étant donné qu’on a justement beaucoup de mal à faire entendre l’intérêt de l’enfant, les logiques psychiques qui gouvernent à son développement dans ce contexte-là.

Les professionnels de l’enfant ont donc un rôle fondamental à jouer. Ils sont en quelque sorte des garde-fous ?
Ils devraient l’être mais ils ne l’ont jamais été. Lorsqu’il y a eu cette première loi en 2002, ils n’ont absolument pas été consultés. Et déjà là, il y avait la dérive actuelle en consacrant la résidence alternée en cas de conflit. Donc déjà là, c’était une très mauvaise compréhension et application d’une solution qui n’a d’indication que dans certains cas. Et deuxièmement, dans ce climat législatif, toute prise de position est très souvent récupérée de façon politique. Là encore, nous le regrettons. Donc, il est très difficile de se faire entendre, de faire entendre la voix de l’enfant auprès d’adultes en colère, qui revendiquent et très idéologiques.

Vous avez le sentiment que ce texte tient compte de l’intérêt des adultes plutôt que celui de l’enfant ?
Oui, bien sûr, c’est une loi compassionnelle qui est fait sous le coup de groupes de pression et de lobbying extrêmement puissants et qui font des lois. Donc, c’est avant tout une loi pour les adultes et absolument pas pour les enfants. Sans ça, on ne serait pas 8.000 pétitionnaires, psychiatres, pédopsychiatres et autres spécialistes de l’enfance à se mobiliser contre ce projet de loi. À chaque foi que la loi se mêle de la famille, on devrait être extrêmement prudent et y aller vraiment après avoir bien compris les enjeux. Le problème, c’est que ces lois passent toujours d’une façon très rapide, sont toujours très mal rédigées et sont toujours bâclées à la six-quatre-deux. Et donc, ce ne sont jamais des lois qui tiennent justement compte des intérêts complexes, multiples, de la place de la mère et de la place du père en raison des prises de position très idéologiques et très politiques dont l’enfant fera toujours les frais. Il est vrai que la période actuelle est une période où les adultes veulent consacrer un certain nombre de choses en oubliant les évidences qui peuvent se poser pour un enfant et les problèmes que peut affronter l’enfant dans ce monde en mouvement. Ce n’est pas parce que ce monde est en mouvement qu’il ne faut pas légiférer, bien au contraire mais on ne doit pas oublier les besoins fondamentaux de l’enfant dans ce monde en mouvement.








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